Pour mesurer la pertinence de la notion de bouclier fiscal, la meilleure pédagogie est parfois celle de l'exemplarité des situations. Après M. le rapporteur général, je vais à mon tour donner un exemple, bien évidemment à contre-courant du sien, et, ce faisant, je répondrai en même temps à M. le ministre.
Nous sommes favorables à la redistribution et, en cela, forcément d'accord avec le Gouvernement. Mais, justement pour une meilleure justice, nous demandons que tout soit pris en compte.
L'exemple que je vais prendre pour illustrer mon propos est tiré de la situation personnelle avérée d'un contribuable, dont je respecterai bien entendu l'anonymat, et fondé sur la déclaration de ses revenus.
Ce contribuable marié, sans personne à charge, dispose d'un revenu salarial d'environ 215 000 euros annuels, d'une pension d'un peu plus de 41 000 euros et de revenus de capitaux mobiliers pour un montant proche de 4 100 000 euros. Compte tenu des dispositions actuellement en vigueur, ces revenus donnent droit à un crédit d'impôt légèrement supérieur à 4 000 000 d'euros.
Au terme de l'application de la législation sur l'impôt sur le revenu, ce contribuable dispose d'un revenu imposable légèrement inférieur à 2, 3 millions d'euros et doit s'acquitter d'une cotisation d'un peu moins de 1, 07 million d'euros, largement « digérée », comme nous venons de le dire, par le crédit d'impôt « capitaux mobiliers » de plus de 4 millions fixé par l'article 200 septies du code général des impôts et dont l'excédent - un peu moins de 3 millions d'euros - lui est restitué.
Je suis d'accord avec vous, le revenu fiscal de référence de ce contribuable est singulièrement élevé, puisqu'il atteint près de 4, 3 millions d'euros après réintégration du crédit lié aux revenus mobiliers. C'est ce revenu de référence qui sera utilisé pour appliquer le bouclier fiscal de 60 % et établir la quotité d'impôt exigible à un peu moins de 2, 6 millions d'euros.
Cette somme va donc couvrir le coût de l'impôt sur le revenu, des impositions directes locales liées à l'habitation principale et l'éventuelle imposition découlant de l'application du barème de l'ISF. Dans tous les cas de figure, le montant de l'ISF exigible sera plafonné, si l'on peut dire, à 1, 5 million d'euros.
Pour en arriver à ce niveau, notons qu'il faut disposer d'un patrimoine de très grande valeur, proche des 90 millions d'euros en valeur nette !
Notons toutefois que notre contribuable dispose de près de 47 millions de revenus tirés de plus-values de cession de titres, en report d'imposition, ce qui laisserait penser qu'il bénéficierait pleinement de l'application du bouclier fiscal, et ce alors même qu'il dispose de plus d'1, 7 million d'euros pour faire face aux soucis de la vie quotidienne.
Cette situation, je le concède, présente peut-être un caractère exceptionnel, mais elle illustre assez nettement les effets du plafonnement de l'impôt induit par le principe du bouclier fiscal, dont l'importance est d'autant plus grande que les revenus en jeu s'avèrent particulièrement élevés et les patrimoines significatifs.
À dire vrai, plus la part des revenus mobiliers est importante dans le revenu total d'un contribuable, plus le bouclier fiscal trouvera à s'appliquer.
Quant à la diminution du taux prévu à 50 % du revenu de référence, soulignons simplement que, dans le cas d'espèce que nous venons de décrire, ce sont juste 430 000 euros que nous serions éventuellement amenés à reverser au contribuable concerné.
Voilà pourquoi, recherchant nous aussi un effet de justice, nous avons déposé l'amendement n° I-57.