La commission estime que le coût de la mesure prévue par cet amendement serait assez élevé, car le passage d'une majoration de 20 %, proposée par l'article, à une majoration de 30 % entraîne une dépense supplémentaire de 1 milliard d'euros. Vous le comprendrez, madame Bricq, puisque vous êtes membre de la commission des finances, je ne peux pas vous suivre sur ce terrain !
Je souhaite cependant profiter de l'occasion qui m'est donnée pour me tourner vers M. le ministre et évoquer certains éléments relatifs à la prime pour l'emploi qui figurent dans mon rapport écrit.
En effet, j'ai été frappé par toute une série d'anomalies de gestion qui ont été relevées en particulier par la Cour des comptes. Celle-ci note que, pour les trois quarts des membres des foyers ayant bénéficié en 2003 d'une prime individuelle, les revenus ou les heures déclarés présentaient des anomalies : 35 % de surdéclarations, 25 % de sous-déclarations et 15 % d'inexactitudes.
Le contrôle de la prime pour l'emploi et des déclarations nécessaires pour en bénéficier pose, me semble-t-il, un sérieux problème d'administration. La fréquence des anomalies et le fait que celles qui se traduisent par une attribution indue de PPE soient beaucoup plus nombreuses, et de loin, que celles qui ont pour conséquence un manque à gagner pour le contribuable signifient, monsieur le ministre, que le coût pour l'État des dysfonctionnements de ce système est loin d'être négligeable.
Or ce coût va s'accroître avec la générosité supplémentaire dont on fait preuve, de loi de finances en loi de finances, concernant ce dispositif, sans que l'on s'interroge suffisamment sur son adéquation avec les objectifs poursuivis.
J'espère en tout cas que les services de vérification de votre ministère utilisent les données révélant ces anomalies pour améliorer le contrôle fiscal des contribuables qui surdéclarent ou sous-déclarent leurs revenus. Pouvez-vous m'assurer que telle est bien la méthode de recoupement suivie ?
Je serais également heureux que vous puissiez répondre aux questions suivantes : quels sont le montant global et le montant moyen des trop-perçus de prime pour l'emploi ? Plus précisément, quels sont ces montants pour les foyers dont le revenu a augmenté et pour les contribuables ayant perdu leur emploi ? À combien peut-on évaluer les sommes dont l'État renoncera à obtenir le remboursement ?
Pour le moment, monsieur le ministre, je n'ai pas reçu de réponse à ces questions, bien que ces sujets aient figuré, si je ne m'abuse, dans des questionnaires écrits.
Au demeurant, comment concevoir de délibérer sur une extension de ce dispositif, si nous ne sommes pas en mesure de bien en cerner l'application ? Peut-on nous assurer que, en termes de contrôle de gestion et de bon usage des deniers publics, le dispositif de la prime pour l'emploi est correctement contrôlé ?
Il m'a simplement été précisé que les services seraient en mesure d'effectuer un traitement des anomalies au cas par cas, sans redéploiement d'effectifs. Imaginant la difficulté du problème, j'avoue que cette réponse ne me paraît pas satisfaisante. Il n'est pas vraiment possible de s'en contenter.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques interrogations dont je voulais vous faire part à l'occasion de cette discussion en séance publique, en renvoyant bien entendu à plus tard la question du devenir de ce dispositif. Le Sénat, voilà de nombreuses années - Alain Lambert s'en souvient, puisqu'il présidait alors la commission des finances -, l'avait voulu comme un impôt négatif, il l'avait voulu comme un outil du retour à l'emploi.
Or la PPE est devenue, au fur et à mesure des générosités successives, un outil de distribution de pouvoir d'achat. D'ailleurs, si nous suivions les propositions de Mme Bricq, cette dérive ne ferait que s'accélérer sans cesse. Mais est-ce vraiment ce qu'il faut faire ? Est-ce vraiment ce que l'on veut faire ? Sommes-nous assurés que la dépense considérable engendrée par la prime pour l'emploi est vraiment un levier pour le retour à l'emploi ? Est-ce un levier pour faire passer les bas et les très bas salaires à des rémunérations plus substantielles ? Quels sont les objectifs poursuivis ? La cible est-elle suffisamment bien déterminée ? N'a-t-on pas cédé à la tentation d'un élargissement rendant cette prime moins incitative et moins utile économiquement, tout en alourdissant son coût budgétaire ?