Si Mme Bricq m'y autorise, avant de développer l'avis du Gouvernement sur son amendement, je vais répondre aux observations et questions de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission.
La prime pour l'emploi a été introduite par le gouvernement de Lionel Jospin à la suite de la décision du Conseil constitutionnel d'annuler la disposition communément appelée « impôt négatif », mécanisme emprunté à la Grande-Bretagne et qui n'a pas pu être mis en oeuvre en France. Par conséquent, la prime pour l'emploi est un succédané ou, pour utiliser le jargon économique, un « optimum de deuxième rang ».
Néanmoins, je souhaite en prendre la défense en apportant quelques éclaircissements, car j'ai le sentiment que vous portez sur cette disposition, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, un regard un peu sévère.
Tout d'abord, la PPE, je le rappelle, est une mesure d'incitation à la reprise du travail. Vous vous interrogiez tout à l'heure sur le fait de savoir s'il existait une cohérence entre cette prime et les valeurs défendues par la majorité. Il me semble que oui.
La différence entre le SMIC et le RMI est a priori assez importante, puisque le SMIC représente le double du RMI. Mais il ne faut pas oublier que les avantages liés au RMI disparaissent instantanément lorsque l'on est au SMIC. En « gonflant » la PPE, il s'agit d'agrandir l'écart entre le gain engendré par le RMI et celui qui résulte du SMIC.
Permettez-moi de vous donner des exemples très concrets. Le SMIC correspond environ à 1 000 euros, le RMI à 450 euros. Mais il faut savoir que les personnes au RMI disposent de la CMU et de la CMU complémentaire. Elles bénéficient d'exonérations d'impôts locaux, ne payent pas la redevance audiovisuelle et profitent d'un certain nombre de services gratuits : l'abonnement à EDF, la cantine scolaire, les transports scolaires, les gardes d'enfants. Le fait de reprendre un travail payé au niveau du SMIC entraîne la disparition de tous ces avantages. Il faut en outre trouver une solution, le cas échéant, pour faire garder les enfants !
La prime pour l'emploi, de ce point de vue, est une valorisation du travail. Si le Premier ministre a décidé de s'engager dans la voie de la revalorisation, dans des proportions importantes, de la prime pour l'emploi, c'est tout simplement pour doper la rémunération liée au travail par rapport à la rémunération liée à l'éloignement du travail.
On pourra m'objecter, à juste titre, que la prime pour l'emploi pose un problème philosophique dans la mesure où elle se traduit par un chèque de l'État. C'est la raison pour laquelle je suis de ceux qui pensent qu'il faut l'intégrer dans la feuille de paie. J'ai d'ailleurs demandé à la mission de l'inspection générale des finances qui doit me rendre un rapport en fin d'année sur la PPE, d'étudier cette piste.
De la même manière, on voit bien que la PPE ne suffit pas à elle seule. Un salarié n'a pas pour objectif de rester toute sa vie au SMIC ; c'est d'ailleurs pourquoi je suis très hostile à la proposition de M. Fabius d'augmenter le SMIC à 1 500 euros. Je pense que le vrai débat ne porte pas sur l'augmentation à l'infini du SMIC, mais sur les moyens à mettre en oeuvre pour permettre aux salariés concernés d'entrer dans un processus où ils puissent gagner plus que le SMIC, le plus rapidement possible, grâce aux heures supplémentaires, à la qualification, etc. Il n'a d'ailleurs pas échappé à MM. Marini et Arthuis que la PPE diminue lorsque le salaire s'élève au-dessus du niveau du SMIC : le dispositif a bien une cohérence d'ensemble.
Allons au bout de vos interrogations : vous m'avez demandé, monsieur Arthuis, si l'incidence de la PPE sur les importations de biens de consommation avait été mesurée, puisqu'elle peut, effectivement, avoir des répercussions à ce niveau. Je suis obligé de vous répondre que nous nous heurtons ici à la difficulté intrinsèque à toute mesure de politique économique, vous êtes bien placé pour le savoir : les effets des mesures prises ne peuvent pas tous être ciblés.
Je rappelle que la PPE est d'abord une mesure d'incitation au retour à l'emploi et pas seulement une mesure de soutien du pouvoir d'achat. Une fois que la capacité de consommer a été, en quelque sorte, « dopée », il appartient à notre économie d'être suffisamment performante pour produire en France des produits susceptibles de satisfaire cette demande nouvelle. Cela induit d'autres réformes comme, par exemple, la TVA sociale : vous nous avez fort sagement rappelé hier que vous y êtes profondément attaché !