Je saisis l'occasion de la discussion de cet amendement déposé par nos collègues socialistes pour revenir sur le contenu de la prime pour l'emploi.
Selon les éléments fournis par le rapport général, plus de 9 millions de foyers fiscaux bénéficient aujourd'hui de ce crédit d'impôt. Le nombre de salariés faiblement rémunérés ne cesse donc de croître, au moment même où les patrimoines des plus fortunés progressent.
Je mettrai en parallèle le nombre d'attributaires de la prime pour l'emploi et celui des personnes vivant sous le seuil de pauvreté, évalué à environ 7 millions, si l'on en croit une publication toute récente de l'INSEE.
Les corrélations entre les deux populations existent, même si elles ne sont pas parfaites. Elles confirment la réalité : malgré la richesse créée par le travail, malgré la masse importante que constitue le produit intérieur brut marchand, malgré le fait que notre pays demeure la cinquième puissance économique du monde, le partage des fruits du travail n'est pas équitable et induit des inégalités de revenus, de situations et de patrimoines parfaitement intolérables. Le nombre important de bénéficiaires de la prime pour l'emploi en atteste.
Comme vient de le rappeler Nicole Bricq, la PPE était initialement une aide au retour à l'emploi, tendant à épargner à ceux qui retrouvaient un travail les conséquences financières dues à la perte des aides dont ils pouvaient bénéficier, en particulier les aides au logement et quelques autres. Elle est aujourd'hui revalorisée afin de constituer pour ses bénéficiaires un véritable treizième mois de rémunération, selon l'objectif énoncé dans le bleu budgétaire.
Nous ne somme plus du tout dans la démarche initiale ! En clair, la PPE s'inscrit en lieu et place d'une rémunération, laquelle correspond aux efforts accomplis par le salarié en termes de production, de productivité du travail. Elle se résume à un dispositif d'impôt négatif, financé par l'impôt, donc en dehors, en quelque sorte, du lieu où s'accomplit l'activité professionnelle.
Compte tenu de la structure des recettes du budget de l'État, ce crédit d'impôt est financé, d'abord et avant tout, par le biais de la TVA ou des droits indirects de toute nature. C'est-à-dire, pour faire court, que les salariés « bénéficiaires » de la prime pour l'emploi paient eux-mêmes, notamment au travers de leurs achats quotidiens, le montant de l'aide qu'on va ensuite leur rétrocéder.
Par ailleurs, faut-il le souligner, cette prime pour l'emploi ne dispense pas ses bénéficiaires de payer la contribution sociale généralisée. Même si vous proposez d'ajouter en effet 500 millions d'euros au montant consacré à la PPE, ce seront quand même des sommes très importantes - 2 269 millions d'euros de CSG et 147 millions d'euros de CRDS - qui seront payées et supportées essentiellement par les salariés l'année prochaine.
De plus, comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, en raison de son champ d'application, la prime pour l'emploi s'avère malheureusement - c'est le constat que l'on peut faire sur le terrain - une incitation au développement de l'emploi à temps partiel imposé, sous rémunéré, qui ne constitue pas le meilleur mode de reconnaissance des compétences professionnelles des salariés. Le rapport du CERC dont je parlais tout à l'heure nous incite à réfléchir sur ce sujet.
Si on y ajoute une autre mesure prise par votre gouvernement, la réduction des charges salariales pour tous les salariés payés au SMIC, on voit bien que votre conception de la politique de l'emploi se traduit par une baisse du revenu salarial.
Telles sont les observations que nous voulions présenter à l'occasion de la discussion de cet article. Nous ne prendrons pas part au vote sur cet amendement : nous pensons en effet que c'est une véritable amélioration du pouvoir d'achat via le salaire qui est à l'ordre du jour et nous sommes aussi de ceux qui proposent de porter le SMIC à 1 500 euros.