Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 6 juillet 2005 à 15h00
Orientation budgétaire — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président :

C'est dire si je me réjouis qu'en cette période cruciale nous disposions des moyens d'éclairer la sphère publique. La LOLF nous en donne les moyens, car elle constitue un puissant vecteur de la réforme publique, issu d'une « conjoncture astrale favorable », ainsi que M. Alain Lambert l'avait qualifiée.

Efforçons-nous donc de cultiver l'esprit de la LOLF, afin de mieux préserver le consensus qu'elle a suscité et de tenter, ensemble, d'y voir clair. Mettons de la lumière dans chaque pièce de la maison publique. Mais ne nous leurrons pas : la LOLF n'est qu'un cadre d'action, un mode d'emploi du budget, et en aucun cas elle ne définit la politique à suivre. C'est un aiguillon puissant mais qu'il faut savoir ou vouloir utiliser. Elle n'est rien sans détermination et volonté politique. Or, chacun le sait, la réforme est difficile à mettre en oeuvre et, surtout, aucune réforme n'est à effet immédiat. Ses effets bénéfiques ne se font sentir qu'à moyen terme, selon un calendrier qui, malheureusement, n'est pas toujours en phase avec le calendrier politique.

Tous les subterfuges, tous les artifices ont été utilisés. Cessons de nous soumettre à la tyrannie du court terme, aux mesures à affichage immédiat qui ne sont souvent que des habillages de fenêtre. Les vraies réformes n'ont pas d'effet immédiat.

Comme beaucoup, j'attends donc avec impatience la prochaine discussion budgétaire qui se fera selon le format LOLF. Messieurs les ministres, soyez assurés de notre entière détermination à faire mentir la trop célèbre trilogie budgétaire « liturgie, léthargie, litanie », à laquelle je vous propose de substituer « interactivité, intelligibilité et initiative ».

Nous le savons tous, en effet, pour porter remède à la situation actuelle de nos finances publiques, il faut réformer sans tabou ni faux-semblant afin de permettre à notre pays de renouer avec la croissance. Les bonnes réformes, au stade où nous en sommes, passeront souvent par des ruptures. En ce domaine comme dans d'autres, n'hésitons pas à nous comparer, à comprendre ceux qui ont mené à bien leurs réformes structurelles, ceux qui ont su redimensionner le champ des interventions publiques sans nuire, bien au contraire, à la qualité du service public.

Cessons en effet de nous raconter de jolies histoires, pratiquons le langage de vérité, trouvons des solutions alternatives pour moderniser davantage notre économie. Dans un monde globalisé où s'accélèrent les mutations, changeons nos schémas de pensée conçus et construits au milieu du XXe siècle pour les adapter aux contraintes du IIIe millénaire, faute de quoi nos précieux atouts vont s'altérer chaque jour un peu plus. Il est largement temps de réagir car en ce domaine « il est minuit plus cinq » !

Nous devons ainsi, afin de préserver la qualité de nos services publics et notre cohésion sociale, faire évoluer notre système de prélèvements obligatoires, non plus seulement par touches successives, par stratification ou par un pointillisme juridique qui en occulte la cohérence d'ensemble. A l'ère de la globalisation, des entreprises nomades, il nous faut réfléchir à la possibilité d'asseoir l'impôt non plus sur les facteurs de production, désormais volatils, mais sur les produits et sur les services. Cessons en ce domaine de demander de nouvelles contributions ou de nouveaux rapports pour utiliser ceux qui existent déjà, et je pense tout particulièrement à celui, récent, du Conseil d'analyse économique, rédigé par les professeurs Saint-Etienne et Le Cacheux. Il propose des pistes claires et réalistes d'évolution et je ne doute pas que, dès sa parution, que j'espère prochaine, il nous fournira une très utile « boîte à outils ».

Tous ceux qui veulent travailler plus, et ils sont nombreux, tous ceux qui désirent entreprendre, et ils sont également nombreux, attendent des gages de liberté et de compétitivité. Il est temps de redessiner notre horizon fiscal avec des mesures simples, lisibles, compréhensibles, expurgées des niches, particularités et autres exonérations ciblées qui pervertissent notre code général des impôts. Messieurs les ministres, avec une assiette aussi large que possible et des taux faibles, votre réforme de la collecte des impôts par un prélèvement à la source deviendra faisable. Les seules victimes d'une telle réforme seront les marchands de produits défiscalisés.

Ce grand chantier ne peut se concevoir sans une réhabilitation de l'entreprise, car c'est elle qui crée de l'emploi, qui diffuse la richesse.

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