Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, selon l’OMS, 1 milliard d’adultes sont en surpoids et, si rien n’est fait, ils seront plus de 1, 5 milliard d’ici à 2015. Chaque année, 2, 6 millions de personnes au moins meurent des conséquences du surpoids ou de l’obésité.
En France, l’obésité augmente de 5, 9 % par an et concerne 16, 9 % des adultes.
Autre constat terrible, l’obésité des enfants est en train d’exploser : 3, 5 % des enfants sont obèses.
Aujourd’hui, nous avons un taux de croissance du surpoids comparable à celui que connaissent les Américains. Il faut souligner que deux tiers des enfants obèses le resteront à l’âge adulte. Ils risqueront donc d’avoir des problèmes cardiovasculaires multipliés par trois, des troubles articulaires, mais souffriront également d’une certaine stigmatisation qui engendrera pour eux des problèmes sociaux.
Nous sommes donc face à une progression inquiétante car elle porte sur des individus de plus en plus jeunes.
On peut dire qu’actuellement l’obésité est une véritable épidémie qui frappe aussi bien les pays industrialisés que les pays en voie de développement.
Ses causes peuvent être très variables d’une personne à l’autre. On parle même d’« obésités » au pluriel.
Selon les études, plusieurs facteurs permettent d’expliquer l’obésité : les facteurs génétiques, les facteurs endocrinologiques, les facteurs environnementaux et les modifications comportementales telles que la « malbouffe », qui désigne une alimentation trop riche.
Dans les années quatre-vingt, le terme « malbouffe » désignait la nourriture des fast-foods. Aujourd’hui, il désigne davantage l’alimentation industrielle trop grasse, trop sucrée et trop salée.
Cette malbouffe s’est imposée dans nos sociétés modernes pour différentes raisons.
D’abord, les prix des fruits et légumes frais sont en augmentation alors que ceux des produits gras et sucrés restent très abordables.
Ensuite, le rythme de vie et le manque de temps font que certains sont amenés à sauter un repas ou à manger rapidement.
En outre, les étiquettes nutritionnelles des produits ne sont pas assez claires.
Enfin, la publicité fait la promotion de produits trop gras et trop sucrés.
Pour prévenir cette obésité, nous disposons de différents outils comme le dépistage avec le calcul de l’indice de masse corporelle, l’IMC, la politique nutritionnelle « Manger mieux, bouger plus » ou les actions en milieu scolaire.
Cependant, l’obésité demeure une maladie que l’on ne sait ni guérir ni prévenir efficacement.
En effet, on s’aperçoit que les comportements ont changé ces dernières années. Auparavant, on pouvait rester mince tout en absorbant des calories en abondance. Cela était possible car les activités quotidiennes étaient beaucoup plus physiques. Aujourd’hui, les populations occidentales ont tendance à consommer moins de calories et moins de graisses qu’en 1960 et, pourtant, elles grossissent. Cela s’explique par un changement du style de vie, qui devient de plus en plus sédentaire. L’homme moderne est donc devenu sédentaire. C’est la raison pour laquelle l’un des principaux objectifs des scientifiques est de découvrir comment rassasier un individu avec moins de calories.
Comment un régime alimentaire peut-il devenir plus rassasiant ? Les principales pistes qui sont explorées actuellement portent soit sur des aliments à forte teneur en glucides, soit sur la consommation de protéines en plus ou moins grande quantité.
En outre, de nombreux travaux sur l’obésité des enfants établissent aujourd'hui le lien entre surcharge pondérale et allongement du temps d’inactivité, en particulier devant la télévision.
Par ailleurs, je tiens à souligner ici que la catégorie socioprofessionnelle, le niveau de revenu et le lieu d’habitation sont des déterminants importants de l’obésité. Riches et pauvres ne sont pas égaux face à l’obésité. Le risque pour un enfant d’ouvrier d’être en surpoids ou obèse reste plus important que pour un enfant de cadre.
Même s’il existe actuellement des outils pour prévenir l’obésité avant l’apparition des symptômes, on reste face à un échec. En effet, les gestes de prévention, qui sont axés sur l’équilibre alimentaire et l’activité physique, ne paraissent pas d’une efficacité suffisante face à la constante augmentation de l’obésité.
La mise en œuvre de la charte de l’industrie alimentaire et des médias télévisés sur la nutrition, qui a été signée au mois de février 2009, a été un échec.
En effet, le harcèlement publicitaire continue. La charte n’a pas permis de limiter le matraquage publicitaire pour les produits gras, sucrés ou salés. Certaines entreprises font subir un véritable harcèlement alimentaire aux enfants, qui regardent la télévision en rentrant de l’école, souvent sans contrôle parental.
Les communications nutritionnelles demeurent sans grande légitimité scientifique. Le contenu éditorial de la diffusion des programmes éducatifs reste sous la seule responsabilité de l’industrie alimentaire et des médias.
Idem pour les programmes éducatifs invisibles : le volume de diffusion des programmes développés par les professionnels de la nutrition est ridiculement faible au regard du déferlement publicitaire quotidien.
Face à un tel échec, pourquoi n’impose-t-on pas la gratuité de la diffusion des campagnes de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, sur l’équilibre alimentaire ? Pourquoi n’impose-t-on pas des tarifs plus accessibles pour les campagnes des filières fruits et légumes ?
Par ailleurs, il apparaît incroyable que le Mediator, classé comme médicament pour diabétiques en surpoids, ait pu également servir de coupe-faim, alors que tous les anorexigènes avaient été interdits. En effet, le 31 août 1999, le comité des spécialités pharmaceutiques de l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments en a recommandé le retrait définitif du marché. Pourquoi le Mediator est-il resté autorisé ? Pourquoi le laboratoire a-t-il semé l’ambiguïté ?
En matière de recherche, il est, me semble-t-il, essentiel d’enrichir les connaissances sur les facteurs précis favorisant l’obésité, afin de concevoir des politiques de santé publique.
La science est-elle aujourd’hui en mesure de nous apporter toutes les causes de l’obésité ? Le Gouvernement a-t-il entrepris un nombre suffisant d’actions de prévention ? A-t-il suffisamment informé le public ?
Par ailleurs, il est pertinent d’explorer des approches visant l’amélioration de la santé mais dont l’objectif premier n’est pas la perte de poids. Est-il possible d’obtenir des succès dans le traitement de l’obésité en dehors des remèdes qui se focalisent sur le régime alimentaire ? Obtiendrions-nous plus de réussite en diversifiant nos cibles d’intervention ?
Je pense également, ici, à la nutrition précoce. La nutrition pendant la gestation et la petite enfance influencerait la santé et le développement ultérieurs de l’enfant. A-t-on mis en œuvre les mesures nécessaires suite à un tel constat ?
De plus, des travaux récents ont montré un lien entre la qualité du microbiote intestinal et le développement de l’obésité. Une série d’expériences a montré que des souris anéxiques, c'est-à-dire sans microbiote intestinal, résistent à l’obésité lorsqu’elles sont soumises à un régime gras. En revanche, si des souris saines reçoivent des bactéries intestinales de souris obèses, elles deviennent elles-mêmes obèses. Où en est-on dans ces recherches ?
Il est primordial d’avancer au niveau de la recherche afin de pouvoir prendre des mesures de santé publique.
Aujourd’hui, on peut dire qu’on ne sait pas guérir l’obésité, car c’est une maladie complexe. En l’état actuel de nos connaissances, la prévention est cruciale. Il importe de ne pas devenir obèse ; sinon, c’est pour la vie ! J’insisterai donc sur l’importance de la prévention, et je regrette que le Gouvernement ne mette pas tout en œuvre à cet égard.
Je souhaiterais attirer ici votre attention sur la question de l’équilibre nutritionnel des repas fournis dans les cantines scolaires. L’équilibre alimentaire dans la restauration scolaire constitue un axe important dans la lutte contre l’obésité, car nombreux sont les enfants qui prennent jusqu’à cinq repas par semaine à l’école. C’est d’ailleurs l’un des objets de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dont l’article 1er impose des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas servis dans les écoles.
Or, le 6 janvier 2011, la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, a donné un avis défavorable à cette mesure. Cette décision est d’autant plus regrettable que nombre d’études ont démontré depuis dix ans l’insuffisance du volontariat en matière de restauration scolaire, seules des normes d’application obligatoire étant efficaces pour améliorer l’équilibre nutritionnel des plats. L’avis de la CCEN contredit le vote des parlementaires et les recommandations élaborées en matière de restauration scolaire par la Direction générale de la santé ou le rapport de la mission d’information sur la prévention de l’obésité.
Madame la ministre, pouvez-nous dire pourquoi cette disposition se trouve aujourd'hui bloquée ? Pouvez-vous nous indiquer à quelle date le Gouvernement compte rétablir cette mesure cruciale sur le plan sanitaire ?
L’obésité est un véritable défi sociétal, mais également économique, puisqu’elle menace à terme notre système de santé. Les attentes sont donc fortes vis-à-vis de la recherche afin d’orienter les politiques de santé publique. Elles sont également fortes vis-à-vis du Gouvernement, afin qu’il prenne aujourd’hui des mesures fortes en matière de prévention. En effet, nous sommes en retard, et il y a urgence.