Intervention de Yves Krattinger

Réunion du 18 juillet 2007 à 15h00
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres — Article 2

Photo de Yves KrattingerYves Krattinger :

Il nous a semblé que le souhait du Gouvernement et de sa majorité d'aller vite, conformément au voeu du Président de la République - puisque c'est ainsi que vous nous présentez les choses -, pourrait conduire à entraver la réalisation du dialogue social.

Nous observons, avec les organisations syndicales et les représentants des employeurs que nous avons auditionnés en commission spéciale, que le délai imposé au 1er janvier 2008 est impossible à tenir. Tous l'ont dit ! Dans les entreprises où des accords ont été conclus, il a fallu au moins douze à dix-huit mois, voire davantage, pour parvenir à régler tous les problèmes techniques.

Tout le monde le sait, il n'est pas possible d'envisager de contraindre toutes les entreprises à conclure un accord en six mois, à moins que le Gouvernement, sous couvert de dialogue social, n'ait en fait décidé que les règles de la négociation préalable seraient fixées par décret en Conseil d'État. C'est un point qu'il conviendrait d'éclaircir, monsieur le ministre. Nous aimerions en effet connaître vos intentions en la matière.

Nous proposons donc que la date butoir soit reportée d'un an, au 1er janvier 2009, et, surtout, que la procédure de prévention des conflits soit d'abord négociée au niveau de la branche, et ce pour trois raisons.

La première raison est que, même si la fixation d'une date butoir est une forme d'injonction à l'égard des partenaires sociaux, le souci permanent qu'on a des usagers conduit à souhaiter que des négociations se tiennent réellement, et dans des conditions acceptables.

La deuxième raison est pratique. La RATP, la SNCF et les grosses régies d'agglomération ne sont pas les seules entreprises concernées par votre texte. Le transport terrestre régulier de voyageurs est réalisé par une multitude de petites sociétés, voire de micro-entreprises, tout particulièrement dans le secteur rural. Malheureusement, elles sont souvent dépourvues de représentant du personnel. Elles ne seront donc pas en mesure de négocier et de mettre en place un accord cadre. Les y contraindre, c'est s'en remettre en fait au décret, comme nous l'avons déjà dit.

La troisième raison concerne un aspect fondamental du droit du travail sur lequel vous êtes revenus depuis la loi Fillon de 2004, déjà consacré au dialogue social : le principe de faveur. Jusqu'alors, un accord d'entreprise ne pouvait déroger à un accord de branche que pour des dispositions plus favorables. L'accord de branche avait donc une fonction de garantie, tant à l'égard des salariés de la branche qu'en matière de sécurité juridique.

La loi de 2004, conformément à une revendication récurrente du MEDEF, a fait sauter ce bouclier. Aujourd'hui, nous n'avons plus rien !

Votre texte peut donc proposer que l'accord de branche devienne subsidiaire à l'accord d'entreprise. Nous sommes bien sûr opposés à cette démarche, qui a d'ailleurs commencé à être prise en compte dans les discussions au sein de la commission spéciale.

Je le répète, cette démarche sera source d'incohérence et d'insécurité juridique, d'autant que la validité d'un accord d'entreprise n'est subordonnée qu'à l'absence d'opposition d'un ou de syndicats non signataires représentatifs dans l'entreprise, ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles, et ce à condition que le quorum ait été atteint, conformément à un arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2006.

Sans revenir aujourd'hui sur les questions complexes de hiérarchie des normes, puisque tel n'est pas le sujet, nous tenons à rappeler que la prééminence des accords de branche majoritaires est un principe essentiel du droit du travail. Dans le cas qui nous intéresse, ce système serait meilleur et apporterait plus de garanties pour l'avenir.

Dans le dernier alinéa de notre amendement, nous rappelons simplement que les accords de branche prévoyant des modalités d'organisation et de déroulement de la négociation préalable ont vocation à s'appliquer de manière automatique dans toutes ces petites entreprises. Ainsi, le problème serait réglé.

Du système proposé par votre texte il résulte qu'il n'y a pas d'incitation réelle pour un accord de branche et que les accords d'entreprise seront difficiles à négocier et à mettre en oeuvre, car ils peuvent ne pas être cohérents.

Visiblement, la phrase principale de l'article 2 est celle qui est relative au décret en Conseil d'État. C'est ce à quoi on aboutira finalement. En fait, le dialogue social est un rideau de fumée.

Afin de lui rendre malgré tout un peu de vigueur, nous proposons que, dans les entreprises où il pourra aboutir, l'accord cadre fasse l'objet d'une majorité d'engagement, c'est-à-dire qu'il soit signé par une ou des organisations majoritaires. Il nous semble aussi que, sur un sujet aussi délicat que l'exercice du droit de grève, en pratique, cette précaution ne serait pas superflue, je l'ai déjà dit hier.

En outre, il nous semble indispensable de rappeler que la procédure restrictive au dépôt d'un préavis de grève, que vous mettez en place, ne s'appliquera que si les motifs du préavis sont liés au fonctionnement de l'entreprise. Jean-Luc Mélenchon vient en effet de l'évoquer. Si tel n'était pas le cas, quel serait le contenu de la négociation entre les représentants des salariés et l'employeur ? Un constat d'échec serait alors inévitable.

Enfin, si les motifs du préavis ne sont pas liés à l'entreprise, il n'y a pas lieu d'empêcher que le droit de grève soit exercé par les salariés immédiatement, à moins que vous ne souhaitiez - il faudrait aussi éclaircir ce point, monsieur le ministre - qu'une grève interprofessionnelle devienne illégale dans les entreprises de transport. Ce point ne figure pas noir sur blanc dans le texte, mais il mérite que l'on s'y arrête compte tenu des intentions que l'on pressent dans les propos de certains.

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