Séance en hémicycle du 18 juillet 2007 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président du Sénat a reçu de M. Bruno Lasserre, président du Conseil de la concurrence, le rapport pour 2006 de cette autorité.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires économiques et à la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Billout, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est impossible de reprendre nos travaux sans évoquer les annonces de M. Fillon - et de vous-même, monsieur le ministre - concernant un service minimum dans l'éducation.

Dès hier soir, le Premier ministre annonçait la couleur : le texte dont nous débattons peut servir de « modèle pour être étendu dans d'autres secteurs, dont l'éducation nationale ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Ce matin même, monsieur le ministre, vous enfonciez le clou sur une chaîne de radio en estimant « indispensable » un service minimum dans l'éducation nationale. Vous concluiez en affirmant : « Oui, nous voulons renforcer les minimums, cela veut donc dire renforcer les services publics », alors que le Gouvernement prévoit, dès la rentrée prochaine, 17 000 suppressions de postes dans l'éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Vous allez bientôt devenir un champion du grand écart, monsieur le ministre !

Nous sommes donc confirmées dans nos craintes : votre projet de loi constitue un véritable cheval de Troie, entrant dans une bataille contre ce droit constitutionnel fondamental qu'est le droit de grève. Vous cachez l'essentiel à nos compatriotes ! La construction de grands services publics est un acquis du peuple, gagné par le peuple dans la lutte, notamment par la grève. Croyez-vous, monsieur le ministre, que ce sont les maîtres de forges d'hier, le patronat, dont vous reprenez mot à mot le programme aujourd'hui, qui a encouragé la création des services publics ?

Avec une démagogie qui n'a plus de frein, vous tentez de dresser les salariés les uns contre les autres pour parvenir à vos fins : retirer un élément moteur du progrès social, le droit de grève.

Monsieur le président de la commission spéciale, les déclarations du Gouvernement modifient, à notre sens, la portée de notre discussion. L'amendement de la commission évoquant une possible extension à l'avenir du service minimum à l'éducation nationale doit maintenant être lu sous un autre éclairage. Le Gouvernement juge indispensable une telle évolution. À quoi bon faire le bilan que vous préconisez puisque tout est déjà écrit ?

Un minimum de sérieux imposerait d'auditionner dans l'urgence les organisations professionnelles d'enseignants et les associations de parents d'élèves. Nous demandons une suspension de séance...

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Pour renvoyer la réforme aux calendes grecques !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

... à la commission spéciale d'évoquer cette lourde évolution et de prendre les décisions qui s'imposent.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Où doit se dérouler le débat ? Au Parlement ou devant la télévision ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Cette réflexion est d'autant plus nécessaire que M. Darcos, ministre de l'éducation nationale, inquiet des premières réactions syndicales, vient d'indiquer que « pour l'heure, un seul service minimum est envisagé, celui des transports ». Qui croire ? M. Fillon, M. Bertrand ou M. Darcos ?

Enfin, n'est-il pas regrettable que le Gouvernement choisisse la voie médiatique pour modifier le cours du débat parlementaire ? Cette manière de procéder confirme une dérive inquiétante du débat démocratique !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Michel Teston applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Madame la présidente, je ne suis pas sûr que mon intervention soit réellement un rappel au règlement, elle se veut plutôt un rappel à M. le ministre. Je me garderai, en la circonstance, de me prononcer sur le fond - mes collègues le feront tout au long du débat - et me contenterai d'évoquer la forme.

Monsieur le ministre, voilà maintenant une quinzaine de jours que nous avons commencé à débattre de ce texte en commission, notamment avec vous, lors de votre très intéressante audition. Dès lors, il est quand même assez curieux que nous apprenions par les médias une modification sensible du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Vous pouvez vociférer autant que vous voudrez ! Nous avait-on parlé, il y a quinze jours, de l'extension du service minimum à l'éducation nationale ? Non !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Il est inadmissible que la représentation nationale soit traitée avec une telle désinvolture !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

Madame la présidente, je trouve ces rappels au règlement totalement déplacés. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)

Je ne comprends pas pourquoi, dans notre pays, lorsqu'on lance des idées et qu'on essaie d'ouvrir un débat, celui-ci est systématiquement refusé.

Je n'observe pas autant de réactions sur les travées de l'opposition lorsque Jack Lang dit qu'il ne verrait pas d'objection à la suppression du poste de Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il n'y a pas de débat au Parlement sur le rôle du Premier ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

M. Paul Blanc. Le Premier ministre a lancé une idée, point final. Alors cessons ces procès d'intention !

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. Que notre collègue et ami François Fortassin me pardonne, mais ses allégations sont totalement hors de propos. Ou bien ce à quoi nous venons d'assister relève d'une mise en scène, ou bien nos collègues de l'opposition sont complètement à côté de la plaque !

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Au moment où l'on attend de nos dirigeants politiques qu'ils abandonnent la langue de bois dans leurs déclarations et se prononcent en toute liberté, il me paraît étrange de ne pas les laisser exposer devant les citoyens français leur conception du service public. À moins que vous ne préfériez revenir au régime antérieur, où vous vouliez que les choses soient toutes cadrées préalablement !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Personnellement, je suis très satisfait que le Premier ministre ait pu exprimer sa conception des services publics.

Quelle est la différence entre un service public et un service privé ? Ce qui caractérise essentiellement le service public, c'est la continuité et la priorité donnée à l'usager.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

C'est comme cela qu'il fonctionne tous les jours !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Que le Premier ministre puisse dire que l'éducation des enfants est, à ses yeux, aussi importante...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Avec la suppression de 17 000 postes d'enseignants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

M. Dominique Braye. ... que le fait d'être transporté sur son lieu de travail ne me paraît pas totalement illégitime, bien au contraire !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Quoi qu'il en soit, cette question n'a rien à voir avec le projet de loi dont nous discutons actuellement. Il s'agit tout simplement d'une déclaration d'un ministre devant les télévisions. Par rapport à ce qui se passait avant, je suis heureux que ce ministre puisse, pour une fois, se prononcer en toute liberté !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Belle conception du Parlement ! Parti de godillots !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Moi, je suis pour la libre expression du Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Madame la présidente, monsieur le ministre, les remarques de notre excellent collègue Braye me conduisent à appuyer les déclarations de mes collègues qui siègent sur les travées de la gauche.

S'il n'était question que du service public, cher collègue, nous vous écouterions avec intérêt. Mais le service public ne se limite pas à ce que vous en dites : il ne se résume pas à la continuité, nonobstant le fait de grève ; il ne se résume pas non plus à l'opposition entre la liberté individuelle de circuler ou d'aller travailler et la liberté collective de faire grève ! Le service public, c'est aussi bien d'autres choses.

Or, sur tous ces autres points, les actes du Premier ministre prennent le contre-pied de ce qu'il affirme maintenant : la continuité du service public de l'éducation nationale est davantage compromise par la suppression de 10 000 postes à la rentrée prochaine que par le fait de grèves.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Le service public, c'est aussi l'égalité d'accès de tous les citoyens au service. Cette égalité d'accès n'est plus garantie !

Le service public, c'est aussi l'universalité de traitement : qui que vous soyez, vous êtes traité de la même manière. Cette universalité n'est plus garantie du fait de la disparité des moyens alloués au service public, voire de l'absence de moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

C'est vrai depuis que vous avez dénaturé les services publics !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Par conséquent, vous êtes en contradiction avec les principes dont vous vous réclamez. La vérité, c'est que le service public n'est pas le vrai sujet du débat qui vient d'être ouvert.

Le vrai sujet, aujourd'hui, est le suivant : vous illustrez la traditionnelle figure de la revanche sociale ! Lorsque la droite gagne les élections, elle se venge sur les syndicats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous avez voulu nous faire croire que vous vous occupiez de transports... Mais ce n'est pas la grève qui met en cause les transports !

En région parisienne, nous le savons mieux qu'ailleurs, lorsque le train n'est pas à quai, cela n'est dû à un fait de grève que dans 3 % des cas. Dans les 97 % restants, cela est dû à l'usure du matériel ou à des personnes désespérées qui se jettent sur les voies, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

... c'est-à-dire à deux faits sociaux sur lesquels nous pouvons intervenir pour les corriger. Commencez donc par vous occuper de ces 97 % et, ensuite, nous discuterons des 3 % qui résultent des faits de grève !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes exclusivement préoccupés d'opposer les Français les uns aux autres : celui qui travaille dans la motrice ou dans le train à celui qui attend sur le quai.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

La lutte des classes, c'est vous ! Ce n'est pas nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Je vous en prie, monsieur Braye, ne m'obligez pas à forcer la voix ! J'essaie de présenter des arguments de raison. S'ils ne vous paraissent pas relever de la raison, combattez-les, mais par d'autres arguments !

La vérité, c'est que vous vous en prenez au service public des transports parce qu'il regroupe aujourd'hui la classe ouvrière la plus organisée de ce pays ! Et vous voulez lui infliger une défaite...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Vous ne représentez plus la classe ouvrière, c'est nous qui la représentons !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Peut-être, monsieur Braye, mais vous la représentez dans sa fraction la plus vulgaire et la plus vociférante !

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous vous attaquez à la classe ouvrière organisée, et vous commencez par les transports...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Je vous en prie, mon cher collègue, supportez que quelqu'un parle et abstenez-vous de vociférer quelques instants !

Vous vous en prenez aux travailleurs des transports parce que vous allez vous attaquer aux régimes particuliers de retraite. Or c'est l'affrontement sur le régime des cheminots qui va vous coûter le plus cher.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Cela est écrit en toutes lettres dans la presse économique réactionnaire !

Par conséquent, seul les naïfs peuvent faire semblant de croire que nous parlons d'autre chose ! Vous avez gagné les élections...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Madame la présidente, si M. Braye ne consent pas à se taire quand un de ses collègues parle, il l'oblige à hurler, ce qui est tout à fait déplaisant !

Mon collègue peut-il accepter de se taire afin que je termine ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur, vos plaisanteries sur mon nom sont tout à fait déplacées ! Il est inadmissible d'être interpellé de cette manière !

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Avec votre autorisation, madame la présidente, je vais essayer de terminer mon intervention, nonobstant ces calembours d'un goût douteux.

Je ne méconnais pas les difficultés qui peuvent survenir à tel ou tel moment dans le service public : nous devons en débattre, fort légitimement et fort naturellement, mais nous ne parlons pas de cela aujourd'hui.

Il s'agit aujourd'hui de la transformation d'une victoire politique en une revanche sociale, ...

Non ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

... et le Premier ministre, en s'exprimant comme il l'a fait hier soir, puis le ministre présent aujourd'hui au banc du Gouvernement n'ont fait que le confirmer.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Ce n'est pas un rappel au règlement, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Ne prenez pas ces airs indignés, mes chers collègues, vous le savez aussi bien que moi : c'est ce qu'attendent vos mandants !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je voudrais interpeller M. le ministre, de manière très calme et très courtoise, même si mon propos n'est pas forcément de nature à le satisfaire.

Il nous a été affirmé, hier, que ce texte ne concernait que les transports terrestres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Nous avons dit ce que nous en pensions. Nous y reviendrons tout à l'heure, mais nous venons d'apprendre qu'un dispositif identique pourrait être élaboré pour l'éducation nationale et pour d'autres services publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je peux vous renvoyer au Monde, comme l'a fait obligeamment hier M. Gournac !

Nous voudrions donc savoir, monsieur le ministre, si ce texte relatif au service public dans les transports terrestres constitue un « ballon d'essai » et si le dispositif va être étendu à d'autres services publics ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Il faudrait que les organisations syndicales soient informées de cette possibilité d'extension, car cela pourrait changer complètement leur point de vue sur ce projet de loi, y compris les organisations modérées. N'y a-t-il pas là une volonté de faire en sorte que le droit de grève soit progressivement réduit le plus possible, alors que vous allez vous attaquer, comme le souhaite M. le Premier ministre, aux régimes spéciaux de retraite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Vous mélangez tout, comme je le disais tout à l'heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

En ce qui concerne les régimes spéciaux de retraite, on pourrait d'ailleurs évoquer les positions défendues par M. Sarkozy à une certaine époque, quand il n'était pas encore Président de la République : je veux parler du cas d'Électricité de France.

En tout état de cause, il serait souhaitable, monsieur le ministre, que vous nous précisiez si vraiment seuls les transports terrestres sont visés, ou s'il s'agit d'un ballon d'essai, d'un dispositif qui sera repris pour d'autres services publics.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Vous le savez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, même ceux d'entre vous qui n'étaient pas présents en séance hier soir : ce texte concerne les transports terrestres. Cela est tout à fait clair. Je tiens d'ailleurs à indiquer à MM. Billout et Godefroy que, s'ils venaient à présenter, au cours de la discussion, des amendements visant à étendre le service minimum à d'autres secteurs que celui des transports terrestres, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

Riressur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En effet, vous avez l'un et l'autre évoqué cette éventualité tout à l'heure.

Je vous renvoie aux propos que j'ai tenus hier soir à cette tribune, quand j'ai expliqué pourquoi il était important de s'intéresser aux besoins quotidiens de la population et pourquoi notre texte visait les seuls transports terrestres. Ma position sur ce point est très claire, même si, comme je l'ai indiqué, d'aucuns, dans cet hémicycle, auraient souhaité que l'on aille plus loin.

S'agissant maintenant de ce qu'a déclaré hier M. le Premier ministre sur l'éducation nationale - je vous y renvoie car je n'ignore pas que les sénateurs, et pas seulement ceux qui siègent sur les travées de droite, sont très attentifs aux interventions des membres du Gouvernement ! -, ses propos montrent bien que le dispositif dont nous souhaitons la mise en place ne concerne que les transports terrestres. Cela étant, si le droit de grève est constitutionnel et légitime, une question se pose : comment fait-on pour assurer l'accueil des enfants quand il y a grève ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je parle bien de l'accueil des enfants ! Je suis également élu local !

Je vous le dis très sincèrement, compte tenu de ce que sont aujourd'hui la société, la politique et les rapports entre l'une et l'autre, il ne me paraît plus possible de laisser des questions légitimes sans réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Pourquoi ? Les enfants ne sont pas accueillis, en cas de grève ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Voilà le sens de ce qu'a dit M. le Premier ministre hier soir.

Si les Français se sont trop longtemps désintéressés de la politique, c'est aussi parce que l'on a considéré pendant des années que des questions comme celle de l'instauration d'un service minimum dans les services publics de transports terrestres étaient taboues !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Mes propos ne visent pas une famille politique plutôt qu'une autre ; quelles que soient nos convictions, notre action doit tendre à réconcilier nos concitoyens avec la politique. C'est ce que je m'efforce de faire, et c'est aussi pourquoi j'ai voulu faire oeuvre de clarté, comme vous l'avez demandé, les uns et les autres : seuls les transports terrestres, je vous le confirme, entrent dans le champ du texte qui est soumis cette semaine au Sénat.

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Nous avons connu hier, en fin de soirée, un moment de « défoulement », la discussion s'étant quelque peu emballée sous l'impulsion de M. Desessard... Cet emballement semble renaître cet après-midi, mais je crois qu'il faut en revenir au texte.

Nous avons, les uns et les autres, été associés à la préparation de ce débat. Ainsi, nous avons reçu les représentants de toutes les organisations, de tous les partenaires sociaux qui l'ont souhaité. Ce projet de loi vise bien les transports terrestres ; si, demain, il s'avérait que le dispositif que nous allons voter est tellement satisfaisant que l'on peut souhaiter son extension à d'autres domaines, il faudra étudier la question, mais nous n'en sommes pas là !

Exclamations et rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. Vous déposerez des amendements à cette fin si vous le voulez, mais ce n'est pas l'objet du présent texte. Tous les sondages montrent que nos concitoyens, les usagers attendent de nous que nous prenions des dispositions sur la continuité du service public dans les transports terrestres. Dans cette optique, je vous propose de reprendre nos travaux sur le projet de loi.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mme la présidente. Mes chers collègues, j'ai le plaisir de saluer la présence, dans la tribune d'honneur, d'une délégation de l'Assemblée nationale de Serbie, conduite par une des premières femmes élues de ce pays, Mme Natacha Vuckovic.

M. le ministre, Mme et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Cette délégation effectue auprès des deux assemblées composant le Parlement français une visite d'étude dans le cadre de l'« Initiative jointe de soutien aux institutions parlementaires », développée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Les thèmes de cette visite sont forts : Europe, agriculture, environnement, technologies et affaires étrangères.

Le Sénat français est heureux d'accueillir cette délégation d'un grand pays auquel nous attachent une amitié historique et beaucoup de souffrances partagées durant les deux guerres mondiales.

Nous espérons que cette visite d'étude permettra à la délégation de mieux connaître les institutions parlementaires françaises, notamment de percevoir l'intérêt du bicamérisme - je pense qu'elle aura pu l'apprécier, voilà quelques instants, de manière particulièrement vivante !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

... et de la représentation des collectivités territoriales.

En votre nom à tous, mes chers collègues, je lui souhaite la bienvenue !

Nouveaux applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs (urgence déclarée) (nos 363, 385).

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles.

TITRE IER

CHAMP D'APPLICATION

Les dispositions de la présente loi sont applicables aux services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

Pour l'application de la présente loi, on entend par :

1° « Entreprise de transport » : toute entreprise ou toute régie, chargée d'une mission de service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique ;

2° « Autorité organisatrice de transport » : toute collectivité publique, groupement de collectivités ou établissement public compétent, directement ou par délégation, pour l'institution et l'organisation d'un service public de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous entamons l'examen des dispositions de ce projet de loi, je souhaite évoquer les difficultés auxquelles, dans les départements d'outre-mer, et plus particulièrement en milieu rural, les autorités organisatrices de transport vont être confrontées pour la définition des priorités de dessertes en matière de transport scolaire.

On comprend parfaitement les intentions du rapporteur, qui a souhaité retenir le transport scolaire au titre des priorités de dessertes en cas de grève ou de perturbation du trafic.

Cependant, comme je l'indiquais, il reviendra aux autorités de définir ces priorités, et nous savons que, dans les zones rurales où il n'existe pas de solution de rechange au transport scolaire, chaque desserte est prioritaire.

Dans l'outre-mer, les entreprises qui sont chargées du transport terrestre régulier de voyageurs assurent aussi le service de transport scolaire. On peut donc prévoir que, en cas de grève ou d'incident technique, le transport scolaire sera touché comme l'ensemble du réseau.

En Guadeloupe, par exemple, 16 300 élèves des écoles primaires, des collèges et des lycées dépendent des transports collectifs, pour un total de 221 circuits de ramassage. Ainsi, nous risquons de nous retrouver dans une situation où, au sein d'une même famille, un enfant pourrait se rendre au collège, alors qu'un autre ne serait pas en mesure d'aller au lycée.

En conséquence, dans les zones rurales et dans les départements d'outre-mer, si l'on inscrit le transport scolaire comme une priorité, c'est l'ensemble du réseau qui devient prioritaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à préciser que l'objectif n'est en aucun cas d'interdire l'exercice du droit de grève dans ces zones, mais de prendre en compte les contraintes propres à celles-ci.

De surcroît, comme on l'a déjà démontré ici, cette mesure paraît d'autant moins justifiée pour des réseaux qui sont relativement peu touchés par les grèves. Il conviendrait même de les préserver des tensions, inexistantes à ce jour, qui pourraient être induites par une mise en application généralisée du présent texte.

Par conséquent, il n'y a pas lieu, à mon avis, d'appliquer le présent dispositif au transport scolaire dans les zones en question ; il conviendrait plutôt d'exclure le transport scolaire de son champ d'application.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord souligner que, si je n'ai pas pris part hier à la discussion générale, c'est parce que je ne nourris aucun préjugé à l'égard de ce texte. Après tout, il est dans l'air du temps ! Je ne dis pas qu'il arrive à son heure, mais enfin, après des années de cohabitation et de « ni-ni », puis les cinq années d'immobilisme qui viennent de se terminer, je ne suis pas choqué qu'il vienne en discussion.

Je me suis inscrit pour parler sur l'article 1er parce que j'ai constaté que, avec une habileté dialectique affirmée et beaucoup de bonhomie, le Gouvernement s'est borné, à cet article, à restreindre le champ d'application du texte au service public de transports terrestres, au motif qu'il est préoccupé exclusivement, je dis bien exclusivement, par les déplacements quotidiens : surgissent alors des images de métro, de trains de banlieue...

Le projet de loi pose d'emblée que deux acteurs sont nécessaires pour l'application du dispositif : une entreprise de transport et une autorité organisatrice de transport.

Je considère pour ma part qu'il aurait fallu inverser la démarche, c'est-à-dire constater l'existence d'un service public et le fait que, dans certains secteurs, et pas exclusivement celui des transports terrestres, les deux acteurs précités sont présents, afin d'en tirer toutes les conséquences, y compris pour le transport maritime et le transport aérien.

C'est ce que vous n'avez pas fait, monsieur le ministre. Votre objectif, comme l'indique le rapport de la commission, est simplement « d'améliorer la vie quotidienne des usagers dans les transports publics ». Mais vous prenez le soin de préciser : « Les transports maritime ou aérien n'étant pas considérés comme des transports publics réguliers... » Et depuis quand en serait-il ainsi ? Il existe des transports maritime ou aérien réguliers ! Les concepts de « vie quotidienne » et de « déplacements quotidiens » n'ont pas de sens : le véritable critère, c'est l'existence d'un service public. Après tout, bien des usagers du métro ne le prennent pas tous les jours !

Par conséquent, il y a là une erreur de conception, et je comprends très bien que le rapport envisage, quelque peu hypocritement à mon sens, une éventuelle extension, dans l'avenir, du dispositif du service minimum aux transports maritime ou aérien, au service postal, à l'éducation nationale... Les prémisses de la discussion que nous venons d'avoir à l'instant figuraient déjà dans le rapport de la commission.

Cela étant, puisque l'on a évoqué hier l'Alsace ou l'Île-de-France, je m'autoriserai maintenant à parler du cas de la Corse, car il existe dans cette région un service public de transport, qui donne lieu au lancement d'appels d'offres, et une autorité organisatrice de transport, la collectivité territoriale de Corse. Bref, on trouve tous les éléments qui devraient normalement conduire à l'application du dispositif. Cependant, j'ai pris la précaution, dans un amendement que je présenterai ultérieurement, de ne parler que du transport maritime, sans évoquer le transport aérien, afin de ne pas donner à penser que je voudrais aller au-delà du service minimum.

En tout état de cause, le texte qui nous est présenté vise exclusivement les transports terrestres. Si l'on n'y prend garde, il ne s'appliquera donc, en Corse, qu'à la ligne de chemin de fer Ajaccio-Bastia, ce qui aurait tout de même un côté surréaliste ! Je ne doute pas que beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, aient déjà pris l'avion ou le bateau pour se rendre en Corse, mais vous devez être bien peu nombreux à avoir emprunté la ligne de chemin de fer Ajaccio-Bastia ! Pourtant, s'agissant de la Corse, la portée du texte se limitera à cette dernière.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que ce texte n'avait pas été conçu seulement pour la SNCF, mais pour tous les services, et qu'il fallait respecter les engagements pris pendant la campagne, notamment lors d'une visite du Président de la République à Porto-Vecchio qui s'est déroulée en votre présence.

Je n'étais pas là pour vous écouter, mais ceux qui étaient présents ont sans doute compris - naïvement - que ce texte sur le service minimum allait également les concerner. Hélas, ce ne sera pas le cas ! Les engagements que vous prenez à travers ce texte ne vaudront tout simplement plus au-delà de Marseille !

Je n'ignore pas que, dans cette affaire, d'autres îles sont concernées - l'île d'Yeu, Belle-Ile... -, que Bruno Retailleau évoquera certainement tout à l'heure, mais vous comprendrez que je m'intéresse d'abord à un service qui est financé avec l'argent public, celui de la collectivité nationale, et de façon d'ailleurs assez scandaleuse, à telle enseigne que, si la Cour des comptes y mettait bon ordre, je ne m'en plaindrais pas !

Mon souci est aussi d'éviter que puissent se reproduire des actes de quasi-piraterie tels ceux que nous avons connus voilà quelques mois, lorsque, à l'occasion d'une très longue grève, des salariés de la compagnie se sont emparés d'un bateau à Marseille pour l'emmener au large. Il faudrait éviter de donner une fois de plus cette image des Corses.

Que les choses soient claires : avec ce texte, le principe d'égalité est rompu. Qu'est-ce qui justifie des degrés dans la pénalisation de l'usager au motif que l'un prendrait le métro régulièrement et l'autre, l'avion ou le bateau une fois par semaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez répondre à ces interrogations à l'occasion de la discussion des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

J'espère pouvoir, cette fois-ci, exposer mes arguments en étant un peu plus respecté.

Le président de la commission spéciale nous l'a rappelé : des sondages montrent que les personnes interrogées sont sensibilisées à la continuité de fonctionnement du service public. On ne peut lui donner tort, c'est un fait !

Cette sensibilité s'explique par toutes les perturbations que connaissent, notamment, les réseaux ferroviaires. Mais, comme Mme Nicole Bricq nous l'a expliqué hier soir de manière tout à fait probante, nous devons traiter ces dérèglements de façon globale. Si vous procédiez ainsi, nous pourrions être convaincus !

En effet, je l'ai dit, sur cent cas de perturbations, trois seulement se rapportent à un fait de grève, les autres étant liés à d'autres causes : le climat, le tirage du signal d'alarme de manière intempestive, les suicides et l'usure du matériel. Toutes ces causes devraient également être traitées si vous étiez réellement soucieux de la continuité du service public.

Or, naturellement, de cela il n'est nullement question : On ne s'occupe que du fait de grève de certains travailleurs du service public, pour en faire un exemple.

S'il s'agissait d'autre chose, le Gouvernement devrait appliquer le principe de continuité à d'autres services publics, par exemple le service public postal. Mais ce même gouvernement vient d'accepter la dérégulation postale totale et absolue, et les parlementaires de l'UMP l'ont votée, contrairement aux parlementaires socialistes, communistes ou écologistes français.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

C'est toujours le même sujet ! Si vous étiez vraiment soucieux de la continuité du service public, il faudrait vous demander si la dérégulation permettra de la garantir.

C'est donc le même gouvernement qui, d'un côté, organise une rupture de la continuité du service public et qui, de l'autre, ne s'intéresse qu'au fait de grève dans les transports ferroviaires.

Monsieur le ministre, comme vous l'avez très bien rappelé, les parlementaires de gauche sont très attentifs aux annonces du Gouvernement ; c'est bien normal, car nous ne sommes pas là comme un élément décoratif, mais comme une puissance de contrôle.

Ici, il ne s'agit pas de la parole de tel ou tel ministre qui aurait outrepassé la pensée du chef du Gouvernement, et qui se serait fait rappeler à l'ordre, comme j'ai eu personnellement à en connaître. Non ! Le Premier ministre nous annonce lui-même que le succès du service minimum lui permettra de l'étendre à d'autres services publics, comme l'éducation nationale.

Pour quelle raison ? On pourrait évoquer des dizaines d'autres services publics, mais il s'agit là de l'une des corporations les plus organisées et les plus syndiquées de ce pays, et l'une des plus emblématiques de l'idée que l'on se fait du service public et du travail qui peut être effectué pour le défendre.

Croyez-vous sérieusement que le problème de l'accueil des jeunes dans les écoles soit aujourd'hui à ce point insurmontable qu'il faille imaginer de contrevenir au droit de grève pour y répondre ? N'y a-t-il vraiment pas d'autre façon de s'organiser ? Localement, vous le savez aussi bien que moi, les problèmes sont réglés avec des moyens qui malmènent beaucoup moins nos libertés.

Monsieur le ministre, vous soulignez fort justement qu'il faut poser les questions légitimes et y répondre. Soit ! C'est une règle générale : lorsqu'il y a un dysfonctionnement, les usagers sont mécontents.

Un article du projet de loi prévoit qu'une consultation des travailleurs pourra être organisée après huit jours de grève pour savoir si celle-ci doit continuer ou pas. On se demande bien pourquoi : les travailleurs du service public, qu'ils soient ou non en grève, seraient-ils dépositaires à eux seuls de l'intérêt général ? Non, c'est la nation tout entière !

Si vous voulez demander aux travailleurs ce qu'ils pensent des conséquences de la gestion de l'entreprise par leurs collègues, pourquoi ne leur posez-vous pas la même question lorsqu'il s'agit de gestion patronale ? Pourquoi ne fait-on pas voter les travailleurs lorsqu'un patron envoie l'entreprise dans le mur, comme cela a été le cas dans certaines grandes entreprises ? Dans ces cas-là, on ne leur demande jamais leur avis ! Quand on délocalise, on ne cherche pas non plus à connaître leur opinion ! Quand on prépare un plan de licenciements, on ne les consulte pas ! Ce sera le cas seulement lorsqu'il s'agira de les faire voter contre leurs collègues. Et c'est évidemment le but de l'opération !

Monsieur le ministre, il y a un point sur lequel je veux vous donner absolument raison : selon vous, la pratique gouvernementale concourt à réconcilier les Français avec la politique. Sûrement ! En tout cas, elle prouve à tous les benêts qui ne se mêlent pas de politique que, très rapidement, c'est la politique qui s'intéresse à eux ! C'est exactement ce que vous êtes en train de faire en ce moment !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche est ainsi libellé :

I.- Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

transport terrestre régulier

insérer les mots :

et maritime

II.- Après les mots :

transport terrestre régulier

procéder à la même insertion dans le troisième alinéa () et dans le dernier alinéa () de cet article.

La parole est à M. Bruno Retailleau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je voudrais présenter mon amendement sous un angle différent de celui qu'a utilisé notre collègue Nicolas Alfonsi pour évoquer la Corse lors de son intervention sur l'article.

Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur l'insularité. La France possède des îles et pas seulement l'Île-de-France !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pour beaucoup de nos concitoyens, les îles sont des destinations touristiques de rêve, mais il ne faut pas oublier que des milliers de gens y vivent douze mois sur douze. Or il s'agit ici d'un texte non pas de revanche sociale, mais de protection du grand public, et souvent du public le plus fragile, qui a besoin des transports et des services publics et qui n'a d'autre solution que d'y recourir.

Pensons simplement à ceux pour qui le bateau est le seul lien avec le continent : pour eux, il n'y aucune alternative, car il n'existe pas de liaison aérienne. Seul le bateau leur permet d'avoir accès à des services qui répondent à leurs besoins essentiels. En Corse, il y a des hôpitaux publics, des collèges, des lycées, alors que beaucoup d'îles sont dépourvues de toutes ces infrastructures. Ne serait-ce que pour aller consulter un médecin spécialiste ou pour accomplir un certain nombre de démarches administratives, à la préfecture ou à la sous-préfecture, il faut prendre le bateau !

Ainsi, même si ce texte va dans le bon sens, il risque malgré tout d'accroître quelque peu les inégalités. Effectivement, dès lors que le service minimum n'est assuré que pour les transports terrestres et les îliens n'ont d'autre choix que de prendre le bateau, il y aune rupture de l'égalité devant le service public.

Va-t-on créer une citoyenneté de deuxième zone pour ces insulaires ou va-t-on prendre en compte leurs besoins ? Je sais qu'un rapport doit être publié en octobre pour définir d'éventuelles extensions du champ d'application de la loi, mais je crains que ce ne soit pas suffisant.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de prendre en compte si ce n'est l'amendement, au moins ce cri des insulaires. Ils sont, certes, bien loin de Paris et de l'Île-de-France, mais leur lien avec le continent et avec les services publics fondamentaux passe par la liaison maritime.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Alfonsi est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

transport terrestre régulier

par les mots :

transports terrestre et maritime réguliers

II. - Procéder à la même substitution dans le troisième alinéa () et dans le dernier alinéa () de cet article.

III. - Procéder à la même substitution dans l'intitulé du projet de loi.

La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Je souhaite ajouter quelques informations à mes commentaires sur l'article.

En 1975, le Président Giscard d'Estaing et le Premier ministre Jacques Chirac ont arrêté le principe de la continuité territoriale, en vertu duquel la liaison entre Marseille et la Corse devait être subventionnée au même titre que la liaison ferroviaire entre, par exemple, Paris et Marseille.

C'est ainsi que cette subvention de continuité territoriale s'établit aujourd'hui à environ 170 millions d'euros, ce qui est considérable. Je le répète, si la Cour des comptes opérait quelques contrôles, personnellement, je n'y trouverais rien à redire...

Cette subvention destinée à assurer le service public se répartit entre le maritime, pour deux tiers, et l'aérien, pour un tiers.

Dans mon amendement, je me suis borné à viser le transport maritime. En effet, je ne souhaite pas défendre une position maximaliste : je veux simplement donner aux Corses le sentiment que, au moins sur le plan des principes, ils sont considérés comme les autres citoyens. Ainsi, même si ce service minimum n'est pas strictement appliqué, on pourra dire qu'il existe.

Nous sommes bien dans le cas où l'autorité organisatrice des transports définit l'offre de transport, le nombre de lignes, la fréquence et l'amplitude des horaires.

Je me demande bien en vertu de quels arguments cet amendement pourrait être refusé ! À partir du moment où une subvention est accordée par la collectivité nationale, où tous les Corses en profitent, où s'appliquent manifestement les arguments qui viennent d'être développés par notre collègue Bruno Retailleau, mais à une plus petite échelle, au nom de quoi ne saisirait-on pas cette occasion qui nous est offerte pour faire en sorte que le service minimum soit également assuré pour les bateaux reliant la Corse au continent.

Monsieur le ministre, j'attends avec impatience votre réponse. Je ne sais dans quel sens ira votre argumentation, mais je ne doute pas que mes collègues, toutes sensibilités confondues, seront sensibles à celle que je viens de développer.

Certes, il m'est souvent arrivé d'être seul ; je me rappelle, par exemple, que nous étions seulement deux sur cinquante et un à voter contre les accords de Matignon. Vous connaissez la suite : lorsque celui qui est depuis devenu Président de la République a organisé un référendum, sa proposition a été rejetée.

Même si, une fois de plus, je suis le seul à avancer certains arguments, ils ne sont pas nécessairement infondés. Quoi qu'il en soit, je souhaite que mon amendement soit accepté.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je souhaite rassurer MM. Alfonsi et Retailleau : nous avons particulièrement réfléchi sur le sujet du transport maritime régulier de passagers. Je l'ai souligné hier soir lors de la discussion générale, les îliens ont besoin au quotidien de prendre le bateau pour accéder à l'enseignement ou aux soins médicaux.

Je n'ignore rien des problèmes qui se posent à cet égard à la Corse, mais ils n'entrent pas dans le cadre du présent projet de loi, qui porte sur les transports terrestres réguliers.

Quoi qu'il en soit, les réflexions qu'a conduites la commission à ce sujet l'ont amenée à déposer un amendement n° 15 tendant à insérer un article additionnel après l'article 9 et visant à prévoir la présentation au Parlement par le Gouvernement, avant le 1er octobre 2008, d'un bilan sur l'application de la loi que nous allons voter. Si elle se révèle efficace - en tant que rapporteur de la commission spéciale, j'aurai sans doute à me pencher sur cette question -, le dispositif sera étendu aux autres modes de transport régulier de voyageurs.

Mais, pour l'instant, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J'émets également un avis défavorable.

Je l'ai dit hier au cours de la discussion générale, notamment lorsque j'ai répondu aux différentes motions, il est nécessaire que nous nous centrions sur les trajets quotidiens, car nous voulons viser ici les besoins essentiels de la population.

Pour autant, je ne méconnais pas la situation de certaines îles, auxquelles s'applique éventuellement aussi cette notion de quotidienneté. Cependant, si l'on étend le dispositif au transport maritime, on l'étend ipso facto au transport aérien. §Ce n'est plus la même logique !

Vous le savez, il y a trois aspects dans ce dossier. Il y a l'aspect politique - ce que l'on veut faire, en fonction des engagements qui ont été pris et que l'on s'attache à tenir -, l'aspect juridique - ce que l'on peut faire -, qui nous contraint également, et la dimension pratique - ce que l'on sait faire.

Les uns et les autres, vous avez reconnu hier que, si l'on peut avancer aujourd'hui sur le service minimum dans les transports terrestres, c'est aussi parce que des accords ont été mis en oeuvre dans des entreprises comme la RATP et la SNCF.

Monsieur Alfonsi, s'agissant de l'île qui vous est chère, vous savez pertinemment que, en matière de dialogue, il existe des marges de progression, en dehors de tout texte législatif.

Très clairement, pour ce qui est des transports maritimes, nous ne sommes pas aujourd'hui dans la situation dans laquelle nous sommes depuis 1996 avec la RATP et la SNCF.

Si nous adoptions votre amendement, monsieur Alfonsi, alors que - je l'avoue et je l'assume - nous n'avons pas entrepris la moindre discussion avec les entreprises, les autorités organisatrices et les partenaires sociaux concernés, il nous serait difficile ensuite de tenir de grands discours sur la nécessité de la concertation !

La voie de la sagesse, et je le dis parce que ce sujet n'est pas tabou - il n'y a plus de sujet tabou, nous en sommes convenus hier à différentes reprises -, c'est l'amendement que vient d'évoquer Mme Procaccia, qui tend à prévoir la présentation d'un rapport d'évaluation. Toutefois, si les parties en présence engageaient une discussion entre elles dès à présent, ce serait une très bonne chose.

En tout cas, une chose est certaine, c'est que ce que nous sommes en train de faire n'est certainement pas inutile pour les secteurs qui vous intéressent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. On voit qu'on est dans le maritime, monsieur le ministre, parce qu'on rame !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais on ne coule pas !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Ce débat m'a beaucoup intéressé car, dans une vie antérieure, j'ai été chef du service de la flotte de commerce à la direction générale des transports maritimes. J'ai donc vécu au quotidien les problèmes de continuité territoriale. En outre, en tant qu'élu d'une région littorale, je sais ce que sont les problèmes insulaires.

J'ai beaucoup de sympathie pour les amendements présentés par M. Retailleau et M. Alfonsi, car je sais qu'ils correspondent à des réalités très profondes, mêmes si elles ne sont pas identiques.

Je comprends parfaitement les préoccupations qui motivent l'amendement de M. Alfonsi - les troubles qui ont pu être organisés chaque année à la SNCM, en particulier au moment des départs en vacances, sont dans toutes les mémoires -, mais il ne s'agit pas des problèmes de desserte que connaissent les autres îles de nos côtes.

En effet, en Corse, il n'y a pas de monopole des transports maritimes : lorsque la SNCM est en grève, il est possible d'utiliser les services d'autres compagnies de transport maritime, Corsica ferries ou la compagnie italienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

En outre, comme l'a d'ailleurs dit Mme le rapporteur, le caractère régulier de ces transports n'est pas affirmé. Il ne s'agit donc pas tout à fait de la même chose.

Les autres îles sont desservies par des compagnies privées. Force est tout de même de reconnaître, cher collègue Retailleau, que les conflits sociaux n'y sont pas extrêmement nombreux !

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Néanmoins, monsieur le ministre, il y a un problème maritime, sur lequel il faudra se pencher.

L'État a accompli des efforts considérables pour recapitaliser la SNCM. Aujourd'hui, si l'on est arrivé à maintenir cette entreprise à flot - on ne saurait mieux dire !-, c'est parce que le contribuable y a consacré énormément d'argent. Il est donc normal que, en contrepartie de cet effort national, ceux qui animent cette compagnie, qu'il s'agisse de ses dirigeants ou de ses salariés, fassent preuve d'un minimum de respect envers l'usager ou le client.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas ignorer que, tôt ou tard, il faudra entamer une réflexion sur ce sujet avec les syndicats des entreprises de transport maritime et qu'il faudra adopter des règles, dans la mesure où, comme l'a fort justement fait observer M. Alfonsi, la SNCM a des obligations de service public.

Nous avons bien compris que vous ne vouliez pas mêler tous les problèmes à la fois, les attaquer tous en même temps, mais, pour autant, il ne faut pas négliger cet aspect très important pour le développement économique de la Corse que représentent les liaisons entre celle-ci et le continent.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous sommes d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

L'un d'entre nous est intervenu au sujet de la Corse, un autre à propos de la Vendée et il vient d'être question de la Bretagne. Pour ma part, j'insisterai sur le caractère quotidien des transports.

En Bretagne, les voies maritimes sont aussi importantes que les voies terrestres et, dans la plupart des cas, il n'y a pas d'autre moyen que le bateau pour rallier une île depuis le continent et inversement. Si vous voulez aller de Paris à Bordeaux et que vous avez peur en avion, vous pouvez toujours recourir au fer ou à la route ; quand vous habitez sur une île, vous n'avez d'autre choix que d'affronter la mer.

Monsieur le ministre, vous arguez du fait que vous n'avez pas entamé la concertation. Eh bien, c'était une erreur ! Il fallait le faire ! Un projet de loi sur la continuité du service public dans les transports réguliers de voyageurs devrait concerner tous les transports quotidiens et réguliers.

J'ajoute, cher collègue de Rohan, qu'en Bretagne les transports maritimes ne servent pas uniquement au moment des vacances : ils servent aussi à aller « au boulot », à l'hôpital, à l'école, bref, dans tous les lieux que l'on trouve sur le continent qui n'existent pas sur l'île.

Pourriez-vous donc prendre l'engagement, monsieur le ministre, de commencer à rencontrer les organisations syndicales de transport maritime dès la semaine prochaine ?

Je comprends très bien que ce qui compte, pour les Parisiens, c'est le métro, le RER, mais sachez que, chez nous, en Bretagne, nous sommes dépendants de la mer. Nous aimons la mer, nous avons besoin d'elle, nous avons besoin de nos îles et de nos îliens, nous avons besoin de toutes nos énergies, et cela quotidiennement.

Il faut donc engager la concertation avec les compagnies de transport maritime dès la semaine prochaine afin de garantir l'égalité sur l'ensemble du territoire, pour les habitants de toutes les îles, pas seulement pour ceux de l'Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je veux tout d'abord préciser que, en présentant l'amendement n° 62 rectifié, je ne songe pas à défendre spécifiquement le littoral vendéen. La France est une nation maritime : nous avons des îles normandes, bretonnes, vendéennes, méditerranéennes. Ce sujet concerne donc l'ensemble de la communauté nationale.

Il est vrai que, sur les côtes de la Manche et de l'Atlantique, il existe des compagnies privées, mais, dans le cas que je connais bien, elles ne travaillent essentiellement que l'été. En automne et en hiver, quand il y a très peu de clients, il n'y a évidemment plus que la compagnie publique qui fonctionne. Cela pose tout de même un problème.

Par ailleurs, je répète après Philippe Nogrix que, pour certaines îles, il n'existe aucune solution de remplacement, notamment aérienne.

Enfin, je rappelle que la plupart de ces îles, bien moins grandes que la Corse, sont dépourvues des services essentiels. Il n'y a pas d'hôpital public, pas de lycée, etc. Il s'agit donc d'une situation bien spécifique.

Monsieur le ministre, j'ai bien compris le problème qui est le vôtre. J'accepterai de retirer mon amendement contre l'engagement loyal et définitif - si tant est qu'il existe encore des engagements définitifs ! - selon lequel ce sujet sera pris en compte, car l'insularité est totalement oubliée dans toutes nos discussions.

Le présent projet de loi vise à protéger les usagers. Je souhaite donc que les insulaires soient eux aussi couverts un jour par un texte leur garantissant la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale, le respect de l'égalité de tous, de l'universalité du service public.

M. Michel Bécot applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Sans vouloir retenir trop longtemps l'attention de la Haute Assemblée, je tiens tout de même à rappeler deux choses.

Certes, l'assimilation des autres îles à la Corse est physiquement acceptable, mais M. le ministre et la commission devraient tout de même se soumettre au principe de réalité.

En effet, le rapport de la commission indique que le transport maritime n'est pas considéré comme un transport public régulier. De qui se moque-t-on ? Ne peut-on pas parler de transport public régulier dès lors qu'une collectivité décide des horaires, des jours de circulation, attribue des subventions ? Ressaisissons-nous, mes chers collègues, et, encore une fois, ne laissons pas de côté les réalités !

Vous me dites, monsieur le ministre, qu'un rapport d'évaluation sera soumis au Parlement dans un an et que vous déciderez alors s'il faut étendre aux services maritimes les dispositions applicables aux transports terrestres, notamment d'Île-de-France. Tout cela n'est pas très raisonnable !

La vérité est politique. La vérité, c'est que, compte tenu des événements - je le dis pudiquement - qui se déroulent en permanence en Corse, mieux vaut, autant que faire se peut, la tenir à l'écart des préoccupations nationales !

M. le ministre fait un signe de dénégation. -- Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Je maintiendrai donc mon amendement, dans l'espoir d'être démenti.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur Alfonsi, vous savez que j'ai pour vous beaucoup de respect, mais laissez-moi vous dire que, si nous étions timorés, je ne serais certainement pas devant vous aujourd'hui pour présenter ce texte sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ! Cela fait vingt ans qu'on parle de ce problème et nous sommes précisément réunis pour le régler. Pardonnez-moi de croire au volontarisme politique !

Je vous l'ai expliqué tout à l'heure, j'ai en permanence à l'esprit les trois dimensions - politique, juridique et pratique - de ce dossier.

Monsieur Retailleau, s'il ne m'est pas possible aujourd'hui de consentir à l'extension de ce dispositif, ce n'est pas pour des raisons liées au littoral vendéen, au littoral breton ou à la Corse. C'est tout simplement parce que ce projet de loi concerne les déplacements quotidiens de la population. Force est de reconnaître que les transports réguliers de voyageurs se font par voie terrestre. Voilà la vérité juridique.

J'ai été attentif aux interventions des uns et des autres et j'ai parfaitement reçu le message envoyé par le président de Rohan, mais, comme je n'ai pas pour habitude de stipuler pour autrui et que cette question relève de Dominique Bussereau, je ne saurais prendre un engagement qui ne dépend pas seulement de moi.

En revanche, je vous l'ai indiqué très clairement tout à l'heure, si un travail est mené dès maintenant par les autorités organisatrices avec les sociétés de transport local, le Gouvernement le suivra de près.

Je ne peux pas vous dire que le secrétariat d'État chargé des transports s'occupera de cette question dès la semaine prochaine, car Dominique Bussereau n'est pas là : ma réponse n'a aucun caractère d'opportunité politique, elle est purement pratique. En tout cas, je peux vous assurer que le message a été entendu. Ce qui nous anime, c'est tout simplement la volonté d'améliorer la situation des personnes concernées.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 65, présenté par MM. Krattinger et Gillot, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Pour les transports scolaires, les dispositions de la présente loi ne s'appliquent qu'aux agglomérations de plus de 100 000 habitants. Ces dispositions ne s'appliquent pas dans les départements d'outre-mer.

La parole est à M. Yves Krattinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Certains proposent des extensions du périmètre d'application de la loi ; pour ma part, je vous proposerai plutôt une réduction de celui-ci.

S'agissant des transports scolaires, en particulier dans les départements ruraux qui ne comportent pas d'agglomération de plus de 100 000 habitants et en outre-mer, force est de constater aujourd'hui que l'incidence des grèves est quasi nulle voire nulle. Il n'y a pas de conflictualité avérée et, globalement, de l'avis général, tout se passe bien, sinon très bien.

Dans ce contexte, ceux qui organisent les transports dans ces territoires ou ceux qui les représentent auprès des institutions - je veux parler du groupement des autorités responsables de transport, le GART, et de l'Assemblée des départements de France, l'ADF - considèrent qu'il n'y a pas lieu, pour ces territoires, de légiférer. Ils vous demandent donc d'éviter le risque qu'un texte ne perturbe un ordre établi qui donne satisfaction à tout le monde et n'engendre, demain, des tensions ou des conflits complètement inutiles.

Le transport scolaire est par définition un service adapté, je dirais même un service minimum. Comment pourrait-on le morceler ? Ou bien on transporte les élèves le matin et on les ramène le soir, ou bien on ne le fait pas ! On ne va pas choisir parmi eux : c'est au-dessus de mes forces et, je pense, de celles de mes collègues, qu'ils soutiennent le Gouvernement ou qu'ils soient dans l'opposition.

Je ne vois pas non plus comment les petites entreprises qui assurent plusieurs circuits vont pouvoir choisir. J'aimerais que les présidents de conseils généraux m'indiquent comment ils vont choisir les circuits qui devront se voir appliquer un service minimum.

Voilà pourquoi je vous propose d'exclure du champ d'application de la loi les transports scolaires organisés dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants et dans les territoires d'outre-mer, point sur lequel mon collègue Jacques Gillot est intervenu tout à l'heure.

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

La commission est défavorable à cet amendement.

S'agissant de l'exclusion de l'outre-mer, monsieur Gillot, je ne vois pas pourquoi les droits des usagers n'y seraient pas les mêmes qu'en métropole. Pourquoi n'auraient-ils pas le droit à une information sur les grèves et la régularité du transport ? Pourquoi n'y aurait-il pas, outre-mer, de négociation et de dialogue social entre les entreprises de transport et les syndicalistes ? Une telle exclusion me paraît incompatible avec le principe d'égalité des citoyens.

S'agissant de l'exclusion des agglomérations de moins de 100 000 habitants, monsieur Krattinger, je ne vois pas pourquoi, dans ma commune de 45 000 habitants, les autobus ne seraient pas dotés de systèmes d'information et de régulation.

En revanche, je comprends parfaitement vos préoccupations en matière de transports scolaires. Au cours des auditions que nous avons conduites, les autorités organisatrices nous ont fait part de leurs interrogations concernant l'éventualité du choix entre le collège, le lycée et l'école primaire.

Dans un premier temps, la commission s'est demandé s'il convenait d'exclure les transports scolaires. La position de la commission - vous le savez puisque vous y participiez - a finalement été le suivant : on ne saurait légiférer sur la continuité du service de transport et dire à des parents que, sous prétexte qu'ils vivent dans une commune de 1 000, de 50 000 ou de 99 000 ou habitants, leurs enfants ne sont pas concernés par le dispositif !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

À l'article 4 du projet de loi, il est inscrit que les autorités organisatrices de transport ont une large capacité d'action et peuvent déterminer elles-mêmes la façon dont elles s'organisent.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

C'est à travers cet article, amélioré, je l'espère, par l'amendement de la commission, qu'il sera répondu à ces préoccupations sur les transports scolaires.

Quoi qu'il en soit, en vertu du principe de l'égalité des citoyens, y compris dans les villes de moins de 100 000 habitants et outre-mer, nous sommes absolument défavorables à l'amendement n° 65.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Même si, comme vous le dites vous-même, monsieur le sénateur, il y a peu de jours de grève dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants, que se passera-t-il en cas de grève ? Si les habitants de ces agglomérations ne sont pas visés par le dispositif, se pose aussitôt un problème juridique de rupture du principe d'égalité devant la loi, car vous ne pouvez pas vous fonder sur la différence de taille de la commune pour justifier cette interdiction. Je puis vous assurer qu'il n'est pas possible d'aller dans cette voie.

Qui plus est, si l'amendement proposé par Mme Procaccia à l'article 4 est adopté, les examens nationaux seront intégrés dans les besoins prioritaires. Or, que l'on habite dans une agglomération de moins de 100 000 habitants ou de plus de 100 000 habitants, on passe les mêmes examens dans les mêmes conditions. Il y a là une contrainte juridique dont on ne peut s'abstraire.

Voilà pourquoi, pour des raisons à la fois politiques et juridiques, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote sur l'amendement n° 65.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Je tiens simplement à apporter une précision à Mme le rapporteur. Je n'ai jamais dit qu'il fallait exclure les départements d'outre-mer des dispositions concernant le droit de grève dans les transports. J'ai toujours concentré mon intervention sur le transport scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous n'avez pas écouté, madame le rapporteur !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo et Retailleau, Mme Papon, M. Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier, Cléach et Cazalet, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et MM. de Richemont et Haenel, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

Ces services sont essentiels à la population car ils permettent la mise en oeuvre des principes constitutionnels suivants :

- la liberté d'aller et venir ;

- la liberté d'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ;

- la liberté du travail ;

- la liberté du commerce et de l'industrie.

La parole est à M. Christian Cambon.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Il s'agit d'un amendement de clarification.

L'article 1er contient les définitions qui permettent de mieux appréhender les dispositions de la loi instituant l'organisation de services publics de transport. Nous souhaitons ajouter que ces services sont essentiels à la population, car ils permettent la mise en oeuvre des principes constitutionnels suivants : la liberté d'aller et venir, la liberté d'accès aux services publics, la liberté du travail, la liberté du commerce et de l'industrie.

Je rappelle que ces principes, et eux seuls, sont visés par le Conseil constitutionnel comme pouvant limiter le droit de grève.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Ces exigences sont précisées et réitérées à l'article 4. Si le fait de les inscrire à l'article 1er peut satisfaire les signataires de cet amendement, cela nous convient parfaitement. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement est très favorable à cet amendement. Ces principes seront ainsi énoncés dès l'article 1er. En outre, la mention de la liberté d'accès me semble particulièrement bien venue.

L'amendement est adopté.

L'article 1er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 75, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de la présente loi ne peuvent faire l'objet d'utilisation comme conditions de recevabilité dans le cadre de la délégation de service public par appel d'offres.

La parole est à M. Michel Billout.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Le service public des transports peut être assuré par des entreprises de transport privées, auxquelles on délègue l'exercice d'une mission de service public. Ces délégations sont soumises à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.

Nous savons que l'autorité organisatrice de transport adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager.

Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire.

Or nous pensons que la procédure d'appel d'offres peut difficilement conduire à la concertation des représentants du personnel prévue par le projet de loi, à l'article 4 notamment.

En effet, on voit mal une entreprise organiser de telles consultations pour répondre à l'appel d'offres, dans l'incertitude d'obtenir le marché.

De plus, le risque est grand que l'entreprise accepte des conditions extrêmement contraignantes pour les salariés afin d'être la plus concurrentielle possible. Dès lors, la procédure instituée par le projet de loi présente un réel danger de dumping social.

Même si ce n'est pas l'objet du présent amendement, je ferai remarquer notamment que les modifications par avenant des contrats, qui sont également prévues dans ce projet de loi, risquent d'entraîner des conflits entre l'entreprise et les autorités organisatrices de transport, car elles ne manqueront pas, dans la plupart des cas, de modifier l'équilibre du contrat initial. En tant qu'élus locaux, nous savons bien qu'il est extrêmement difficile de négocier des avenants sur des contrats en cours.

En conséquence, la présence des éléments relatifs au contenu du service minimum dans le cahier des charges ne devrait pas, à notre avis, constituer un critère de sélection lors de l'appel d'offres.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

La commission est défavorable dans la mesure où cet amendement vise à empêcher les autorités organisatrices de transport d'utiliser comme critères d'appel d'offres les dispositions du projet de loi que nous vous invitons à adopter aujourd'hui.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement émet le même avis pour les mêmes raisons : on ne peut pas exclure certaines entreprises des dispositions du texte.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

TITRE II

DIALOGUE SOCIAL ET PRÉVENTION DES CONFLITS DANS LES ENTREPRISES DE TRANSPORT

I. - Dans les entreprises de transport mentionnées à l'article 1er, l'employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Dans ces entreprises, le dépôt d'un préavis de grève ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives, dans les conditions prévues par l'accord cadre.

Des négociations peuvent également être engagées au niveau de la branche pour organiser une procédure de prévention des conflits et développer le dialogue social. Les accords de branche qui prévoient des règles d'organisation ou de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa s'appliquent dans les entreprises de transport où aucun accord cadre n'a pu être signé. L'accord cadre régulièrement négocié s'applique, dès sa signature, en lieu et place de l'accord de branche.

Un décret en Conseil d'État fixe les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa dans les entreprises de transport où, à la date du 1er janvier 2008, aucun accord cadre n'a pu être signé et aucun accord de branche ne s'applique. Les règles d'organisation et de déroulement ainsi prévues respectent les conditions posées au II. L'accord de branche ou l'accord cadre régulièrement négocié après cette date s'applique, dès sa signature, en lieu et place de ce décret.

II. - L'accord cadre prévu au premier alinéa détermine notamment :

1° Les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification, à l'employeur, des motifs pour lesquels elle envisage de déposer le préavis de grève prévu à l'article L. 521-3 du code du travail ;

2° Le délai dans lequel, à compter de cette notification, l'employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;

3° La durée dont l'employeur et les organisations syndicales représentatives disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au I. Cette durée ne peut excéder huit jours à compter de cette notification ;

4° Les informations qui doivent être transmises par l'employeur aux organisations syndicales représentatives, en vue de favoriser la réussite du processus de négociation, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;

5° Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives et l'employeur se déroule ;

6° Les modalités d'élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable, ainsi que les informations qui doivent y figurer ;

7° Les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l'employeur, de la position des organisations syndicales représentatives, ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.

III. - Les accords cadres signés les 30 mai 1996 et 23 octobre 2001 à la Régie autonome des transports parisiens et le 28 octobre 2004 à la Société nationale des chemins de fer français, ainsi que les accords relatifs à la prévention des conflits conclus dans les entreprises de transport avant le 1er juillet 2007 demeurent applicables jusqu'à la conclusion de nouveaux accords, qui seront soumis aux dispositions du présent article.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Contrairement aux propos tenus par les membres de la majorité sénatoriale et par M. le ministre, l'état de la société française n'appelle pas aujourd'hui un durcissement de la réglementation du droit de grève.

On constate, d'une part, que le nombre et la longueur des conflits dans les entreprises ont largement diminué et, d'autre part, que la prévisibilité du trafic en cas de grève s'est nettement améliorée.

Dans ces conditions, les responsables des grandes entreprises de transport public ont clairement affiché leur préférence pour que le dialogue social se fasse par voie contractuelle. Ainsi, Anne-Marie Idrac affirmait encore privilégier le dialogue social et la négociation.

De plus, les exemples étrangers d'instauration d'un service minimum se révèlent être des échecs notoires, monsieur le ministre.

L'article 2 du projet de loi, qui vise à organiser une procédure de prévention des conflits par la négociation, instaure deux périodes de préavis successifs ayant en réalité le même objet.

La première période concerne les motifs pour lesquels une organisation syndicale envisage de déposer un préavis. La seconde concerne le délai de préavis de cinq jours avant le déclenchement de la grève, déjà prévu, je le rappelle, par l'article L.521-3 du code du travail.

Cette procédure constitue un obstacle bureaucratique caractérisé au droit de grève. Il aurait été plus opportun de veiller à l'application effective de la législation existante, notamment au respect par l'employeur de son obligation de négocier.

La combinaison des dispositions des articles 2 et 3 du projet de loi entraîne une contrainte supplémentaire dans l'exercice du droit de grève.

Il est prévu que l'accord cadre précise les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit et de la position des diverses parties. Or ces prérogatives relèvent habituellement de la liberté d'expression du syndicat et des délégués syndicaux, dans le cadre de leur mission.

Le Gouvernement commet une véritable erreur de jugement en posant le principe d'une loi avant même de s'interroger sur la nature réelle des réformes souhaitables pour assurer la continuité du service public. En effet, la défense du service public ainsi que la qualité et la sécurité des prestations fournies aux usagers sont non seulement indissociables des conditions de travail, de sécurité et de vie des personnels, mais aussi du respect des droits collectifs, des droits syndicaux et de la négociation dans les entreprises.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons aux dispositions de l'article 2 du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

S'il s'agit de discuter, qui peut être contre ? Il est évident que la négociation est le meilleur moyen d'empêcher les conflits de se produire.

Néanmoins, cet article laisse transparaître l'idée que les travailleurs abusent du droit de grève. C'est, en fin de compte, le fond du problème : un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, êtes convaincus que des travailleurs recourent un peu trop facilement au droit de grève et c'est la raison pour laquelle vous estimez qu'il faut augmenter les délais pendant lesquels ils seraient contraints de discuter.

Or la réalité est tout autre. Les travailleurs n'abusent pas du droit de grève. Sachez-le, la grève leur coûte !

Tout d'abord, contrairement à ce que donne à croire une légende complaisamment diffusée, les jours de grève ne sont pas payés ; leur paiement peut éventuellement, par la suite, faire l'objet d'une négociation. Nous serons d'ailleurs amenés à aborder ce point à propos d'un autre article du projet de loi.

Ensuite, pour le gréviste, la grève est source de stress. Croyez-vous qu'il soit facile de décider de laisser un train à quai ?

M. Jean-Pierre Braye s'esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous vous trompez donc complètement sur l'état d'esprit des travailleurs qui décident de faire grève. D'une manière générale, n'importe quel travailleur préférera toujours un bon accord à un mauvais conflit. Lorsque le préavis a été créé, c'était justement pour obliger à négocier avant que le conflit n'atteigne sa phase aiguë.

Il faut donc se poser la question suivante : pourquoi les préavis ne fonctionnent-ils jamais ? Les trois quarts du temps, ce n'est pas le fait de la partie ouvrière ; c'est dû à l'autre partie, qui décide d'aller à l'épreuve de force.

J'estimais nécessaire de vous dire tout cela afin que ne se répande pas l'idée que la grève est un exercice facile.

Par ailleurs, vous faites continuellement référence aux expériences étrangères. Il faut dire que, en France, on adore dire du mal de ce qui se passe chez nous, et l'on se bouscule même au portillon pour cela !

M. le ministre proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Je ne vous accuse pas, monsieur le ministre. J'interviens préventivement, connaissant le goût immodéré des uns et des autres pour dénigrer la réalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Mon cher collègue, pendant l'examen du projet de loi relatif aux libertés des universités, c'est plutôt vous qui avez passé votre temps à dire du mal de l'université française. Moi, au contraire, je m'attachais à la défendre.

Pour en revenir à notre sujet, mes chers collègues, je suis au regret de vous dire que les expériences étrangères, qui font toujours rêver, surtout lorsqu'on ne les regarde pas de trop près, ne marchent pas du tout.

En Allemagne, le droit de grève est considérablement plus restreint qu'en France. Je tiens à l'apprendre à ceux que la réalité allemande intéresse, les syndicalistes allemands revendiquent dorénavant le droit de faire grève « comme les Français ». Ils parlent de « grèves politiques ». Autrement dit, ils réclament le droit de faire grève pour d'autres raisons que celles concernant directement leur seule entreprise. Ils considèrent donc que la démocratie n'est pas achevée chez eux et qu'elle est bien plus aboutie chez les Français, et ils ont raison

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

C'est comme ça qu'on a hérité de Cohn-Bendit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Les Français montrent souvent la « voie » dans de nombreux domaines, même si je ne veux pas abuser de ce terme dans un débat où nous parlons des chemins de fer.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

On nous cite également le cas de l'Italie en nous disant : « Si les Italiens, qui n'ont pas la réputation d'avoir la rigueur prussienne, en sont capables, pourquoi, nous, Français, n'en serions-nous pas capables ? ». La raison en est simple : ce système ne fonctionne pas en Italie !

Il ne faut pas parler de la grève en général, mais s'attacher à des cas précis. Ainsi, quelles sont les grèves qui se déclenchent soudainement sans préavis ? Eh bien, ce sont celles qui sont liées à une émotion, par exemple celles qui font suite à l'agression d'un contrôleur ou à un accident. Dans ces conditions, aucune législation ne les arrêtera. Car, face à l'émotion, les travailleurs se sentent immédiatement solidaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Le droit de grève s'apparente alors à un droit de retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous pouvez imaginer n'importe quel mode de préavis, aucun ne fonctionnera. C'est d'ailleurs ce qui se passe continuellement.

Je pourrais également prendre l'exemple portugais, autre merveille qui fait se pâmer d'aise les gens qui s'expriment sur ce sujet. Mais lui non plus ne fonctionne pas !

Dans les pays à forte tradition de discipline syndicale, la centrale syndicale a beau appeler à la raison en disant « les gars, les filles, on va d'abord discuter un peu plus », rien n'arrête les travailleurs qui ont décidé de se mettre en grève. Patatras ! Quand la coupe est pleine, elle déborde.

Résultat : dans tous les pays où le droit de grève est réglementé, les grèves sont plus sauvages et plus dures. Pourquoi ? Parce que, quand la loi est à ce point contraire aux libertés fondamentales, la liberté reste la plus forte. Vous le verrez, c'est ce qui se produira !

Si cet article part d'une bonne intention - on peut au moins vous rendre cette grâce -, à savoir élargir le champ de la discussion, il n'aboutira en fait qu'à une aggravation de la situation. C'est la raison pour laquelle la loi ne sera pas respectée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 27, présenté par MM. Krattinger et Godefroy, Mmes Demontès, Printz et Bricq, MM. Desessard, Ries, Teston, Reiner, Gillot, Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le I de cet article :

Des négociations sont engagées au niveau de la branche des entreprises de transport terrestre de personnes pour organiser une procédure de prévention des conflits dans le cadre du développement du dialogue social avant le 1er janvier 2009.

Dans les entreprises de transport mentionnées à l'article premier, l'employeur et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de la signature d'un accord cadre organisant une procédure de prévention des conflits. L'entreprise en informe l'autorité organisatrice de transports. Pour être valable, l'accord cadre doit avoir été signé par une ou des organisations ayant recueilli plus de la moitié de suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles.

Dans ces entreprises, le dépôt d'un préavis de grève pour des motifs liés au fonctionnement de l'entreprise ne peut intervenir qu'après une négociation préalable entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives dans les conditions prévues par l'accord cadre.

Les accords de branche qui prévoient des règles d'organisation ou de déroulement de la négociation préalable s'appliquent dans les entreprises de transport.

La parole est à M. Yves Krattinger.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Il nous a semblé que le souhait du Gouvernement et de sa majorité d'aller vite, conformément au voeu du Président de la République - puisque c'est ainsi que vous nous présentez les choses -, pourrait conduire à entraver la réalisation du dialogue social.

Nous observons, avec les organisations syndicales et les représentants des employeurs que nous avons auditionnés en commission spéciale, que le délai imposé au 1er janvier 2008 est impossible à tenir. Tous l'ont dit ! Dans les entreprises où des accords ont été conclus, il a fallu au moins douze à dix-huit mois, voire davantage, pour parvenir à régler tous les problèmes techniques.

Tout le monde le sait, il n'est pas possible d'envisager de contraindre toutes les entreprises à conclure un accord en six mois, à moins que le Gouvernement, sous couvert de dialogue social, n'ait en fait décidé que les règles de la négociation préalable seraient fixées par décret en Conseil d'État. C'est un point qu'il conviendrait d'éclaircir, monsieur le ministre. Nous aimerions en effet connaître vos intentions en la matière.

Nous proposons donc que la date butoir soit reportée d'un an, au 1er janvier 2009, et, surtout, que la procédure de prévention des conflits soit d'abord négociée au niveau de la branche, et ce pour trois raisons.

La première raison est que, même si la fixation d'une date butoir est une forme d'injonction à l'égard des partenaires sociaux, le souci permanent qu'on a des usagers conduit à souhaiter que des négociations se tiennent réellement, et dans des conditions acceptables.

La deuxième raison est pratique. La RATP, la SNCF et les grosses régies d'agglomération ne sont pas les seules entreprises concernées par votre texte. Le transport terrestre régulier de voyageurs est réalisé par une multitude de petites sociétés, voire de micro-entreprises, tout particulièrement dans le secteur rural. Malheureusement, elles sont souvent dépourvues de représentant du personnel. Elles ne seront donc pas en mesure de négocier et de mettre en place un accord cadre. Les y contraindre, c'est s'en remettre en fait au décret, comme nous l'avons déjà dit.

La troisième raison concerne un aspect fondamental du droit du travail sur lequel vous êtes revenus depuis la loi Fillon de 2004, déjà consacré au dialogue social : le principe de faveur. Jusqu'alors, un accord d'entreprise ne pouvait déroger à un accord de branche que pour des dispositions plus favorables. L'accord de branche avait donc une fonction de garantie, tant à l'égard des salariés de la branche qu'en matière de sécurité juridique.

La loi de 2004, conformément à une revendication récurrente du MEDEF, a fait sauter ce bouclier. Aujourd'hui, nous n'avons plus rien !

Votre texte peut donc proposer que l'accord de branche devienne subsidiaire à l'accord d'entreprise. Nous sommes bien sûr opposés à cette démarche, qui a d'ailleurs commencé à être prise en compte dans les discussions au sein de la commission spéciale.

Je le répète, cette démarche sera source d'incohérence et d'insécurité juridique, d'autant que la validité d'un accord d'entreprise n'est subordonnée qu'à l'absence d'opposition d'un ou de syndicats non signataires représentatifs dans l'entreprise, ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles, et ce à condition que le quorum ait été atteint, conformément à un arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2006.

Sans revenir aujourd'hui sur les questions complexes de hiérarchie des normes, puisque tel n'est pas le sujet, nous tenons à rappeler que la prééminence des accords de branche majoritaires est un principe essentiel du droit du travail. Dans le cas qui nous intéresse, ce système serait meilleur et apporterait plus de garanties pour l'avenir.

Dans le dernier alinéa de notre amendement, nous rappelons simplement que les accords de branche prévoyant des modalités d'organisation et de déroulement de la négociation préalable ont vocation à s'appliquer de manière automatique dans toutes ces petites entreprises. Ainsi, le problème serait réglé.

Du système proposé par votre texte il résulte qu'il n'y a pas d'incitation réelle pour un accord de branche et que les accords d'entreprise seront difficiles à négocier et à mettre en oeuvre, car ils peuvent ne pas être cohérents.

Visiblement, la phrase principale de l'article 2 est celle qui est relative au décret en Conseil d'État. C'est ce à quoi on aboutira finalement. En fait, le dialogue social est un rideau de fumée.

Afin de lui rendre malgré tout un peu de vigueur, nous proposons que, dans les entreprises où il pourra aboutir, l'accord cadre fasse l'objet d'une majorité d'engagement, c'est-à-dire qu'il soit signé par une ou des organisations majoritaires. Il nous semble aussi que, sur un sujet aussi délicat que l'exercice du droit de grève, en pratique, cette précaution ne serait pas superflue, je l'ai déjà dit hier.

En outre, il nous semble indispensable de rappeler que la procédure restrictive au dépôt d'un préavis de grève, que vous mettez en place, ne s'appliquera que si les motifs du préavis sont liés au fonctionnement de l'entreprise. Jean-Luc Mélenchon vient en effet de l'évoquer. Si tel n'était pas le cas, quel serait le contenu de la négociation entre les représentants des salariés et l'employeur ? Un constat d'échec serait alors inévitable.

Enfin, si les motifs du préavis ne sont pas liés à l'entreprise, il n'y a pas lieu d'empêcher que le droit de grève soit exercé par les salariés immédiatement, à moins que vous ne souhaitiez - il faudrait aussi éclaircir ce point, monsieur le ministre - qu'une grève interprofessionnelle devienne illégale dans les entreprises de transport. Ce point ne figure pas noir sur blanc dans le texte, mais il mérite que l'on s'y arrête compte tenu des intentions que l'on pressent dans les propos de certains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 1, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du premier alinéa du I de cet article, après les mots :

et les organisations syndicales représentatives

insérer les mots :

qui envisagent de déposer le préavis

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Cet amendement vise à prendre en compte une pratique existante dans les entreprises de transport : avant le dépôt d'un préavis de grève, la négociation préalable entre l'employeur et tous les syndicats représentatifs doit être limitée à la direction et aux syndicats qui envisagent le dépôt du préavis.

Cette mesure permettra d'alléger la procédure de négociation et évitera d'avoir à débattre avec certains syndicats de revendications qu'ils ne partagent pas nécessairement, ou qui ne les concernent pas s'il s'agit de syndicats catégoriels. Faute d'une telle précision, des syndicats représentant des conducteurs, par exemple, seraient amenés à négocier sur des revendications concernant les conditions de travail des commerciaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 2, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du I de cet article :

Des négociations sont également engagées au niveau de la branche en vue de la signature, avant le 1er janvier 2008, d'un accord organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social.

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Cet amendement, qui prend en compte une des préoccupations du groupe socialiste et de M. Krattinger, prévoit qu'un accord de branche sera également signé avant le 1er janvier 2008 pour toutes les petites entreprises qui n'ont pas de structure de négociation.

Aux termes du texte proposé pour l'article 2 du projet de loi, des négociations « peuvent » être engagées au niveau de la branche. La commission souhaite qu'un tel accord soit signé, ce qui permettra d'éviter le recours au décret en Conseil d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 68, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le troisième alinéa du I de cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Cet amendement vise à supprimer le troisième alinéa du I de l'article 2.

Selon nous, il n'appartient pas au pouvoir réglementaire de fixer les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa de cet article.

Dans sa décision en date du 22 juillet 1980, le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il appartient au législateur de déterminer les limites du droit de grève, lequel a valeur constitutionnelle, et que la loi ne saurait comporter aucune délégation au profit du Gouvernement, de l'administration ou de l'exploitant du service en vue de la réglementation du droit de grève.

L'intervention du législateur est donc indispensable pour aménager l'exercice du droit de grève.

De plus, ce principe est posé par l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946 et par l'article 34 de la Constitution.

En effet, l'article 34 de la Constitution réserve à la loi le soin de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale, et de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques.

En renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable, l'article 2 du projet de loi ne se borne pas à laisser au Gouvernement le soin de déterminer les modalités d'application des conditions d'exercice de la négociation préalable. Il laisse au pouvoir réglementaire le soin d'édicter des normes relatives à la négociation préalable qui constituent un élément substantiel des modalités d'exercice du droit de grève

Par conséquent, le législateur en se déclarant incompétent au profit du pouvoir réglementaire viole l'article 34 de la Constitution.

De surcroît, il serait plus pertinent, au regard de l'objectif d'amélioration du dialogue social, de renoncer à ce que des actes unilatéraux s'imposent, voire s'opposent, aux différents partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo, Retailleau et Souvet, Mme Sittler, MM. Grillot, Biwer, Huré, Milon, Seillier et Cléach, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa du I de cet article :

Un décret en Conseil d'État fixe les règles transitoires d'organisation et de déroulement de la négociation préalable mentionnée au premier alinéa dans les entreprises de transport. Il entrera en vigueur lors de la promulgation de la présente loi et s'applique à défaut d'un accord de branche ou un accord cadre régulièrement négocié.

La parole est à M. Christian Cambon.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous souhaitons que l'esprit du dialogue social entre en vigueur le plus rapidement possible.

Il convient de prévoir une mise en oeuvre rapide de ces nouvelles règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable afin de ne pas attendre le 1er janvier 2008 pour l'application effective des dispositions de la loi.

À cet effet, le présent amendement prévoit qu'un décret en Conseil d'État fixe des règles transitoires, lesquelles s'appliqueraient à défaut d'un accord de branche ou d'un accord cadre régulièrement négocié.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

La commission est défavorable à l'amendement n° 27, qui vise à réécrire le I de l'article 2, car il réécrit également les dispositions relatives aux négociations de branche que nous appelons de nos voeux pour aider les petites entreprises.

Vous imposez la conclusion d'accords majoritaires. Cela risque de compliquer la signature des accords. De plus, l'ensemble des syndicats veulent réexaminer le principe des accords majoritaires dans le cadre du dialogue social - nous l'avons entendu en janvier dans toutes les discussions sur le dialogue social -, et je ne crois pas que cette question puisse être envisagée au détour d'un amendement déposé sur ce projet de loi.

Enfin, vous restreignez le champ d'application de la négociation préalable.

Vous proposez, s'il s'agit d'une grève interprofessionnelle ou si le motif de la grève est national, que la procédure de négociation préalable ne s'applique pas. Nous pensons au contraire qu'elle doit s'appliquer. Il faut qu'au moins l'entreprise et le syndicat puissent discuter.

Effectivement, la discussion ne pourra pas porter sur l'abrogation d'une loi qui ne les concerne pas. Néanmoins elle pourra peut-être, dans un premier temps, amener le syndicat et l'entreprise à s'organiser un peu mieux et à déterminer quelle est l'étendue de la grève, et, dans un second temps, conduire le syndicat à donner des consignes qui tiennent compte de la réalité du terrain.

En ce qui concerne l'amendement n° 68, monsieur Fischer, le risque n'existe pas, puisque, théoriquement, tous les accords de branche devraient être signés avant le 1er janvier 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Nous souhaitons tout de même prévoir dans le texte la possibilité de recourir à un décret en Conseil d'État pour le cas où il y aurait un problème de délai. Il s'agit simplement d'un filet de sécurité.

Aussi, j'émets un avis défavorable sur votre amendement.

Je suis également défavorable à l'amendement n° 17 rectifié. Ce que vous proposez, monsieur Cambon, est un peu trop rapide. J'espère que les accords seront signés. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait aller encore plus vite.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En ce qui concerne l'amendement n° 27, je veux dire à M. Krattinger que j'aime bien le terrain et donc les accords d'entreprise.

Il faut savoir que, grâce à un amendement qui sera adopté tout à l'heure, nous sommes d'accord sur l'obligation d'ouvrir des négociations de branche. Cette disposition ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement. C'est la preuve de l'ouverture que j'ai évoquée hier à la tribune.

En revanche, l'accord de branche sera supplétif : il pourra y avoir l'un ou l'autre, l'un et l'autre, mais, en tout état de cause, il n'y aura aucun problème si quelqu'un souhaite aller directement vers l'accord d'entreprise.

D'ailleurs, je ne crois pas à la fatalité de l'échec ou du non-engagement des accords d'entreprise. Si j'en juge par les très nombreux contacts que nous avons eus au titre de la concertation, les faits risquent de donner tort à ceux qui aujourd'hui s'inquiètent à ce sujet.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, d'autant que je ne vous rejoins pas sur l'allongement du délai de négociation. Cela fait vingt ans qu'on en parle : si en cinq mois on n'est pas capable de se mettre d'accord, on n'y arrivera jamais !

Voilà pourquoi nous pensons que cinq mois doivent suffire à établir très clairement les modalités de cette négociation.

Pour la même raison, je me vois contraint de demander à M. Cambon de bien vouloir retirer l'amendement n° 17 rectifié. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Certains trouvent le délai de cinq mois trop long, d'autres le jugent trop court : c'est donc que la proposition que vous fait le Gouvernement n'est certainement pas loin de la meilleure solution !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

L'amendement n° 1 est ambigu. Vous proposez que ce soit l'organisation qui dépose le préavis qui soit associée à la négociation préalable. Or il ne faut pas oublier qu'au titre de la loi du 4 mai 2004 chaque négociation, et pas seulement celle qui porte sur le préavis de grève, implique la convocation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives. Il existe donc une différence entre le préavis - vous proposez qu'éventuellement une seule organisation participe à la négociation - et la négociation des accords proprement dits qui, justement, implique la présence de l'ensemble des organisations syndicales.

C'est en raison de cette ambiguïté que le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 2.

Quant à l'amendement n° 68, j'ai bien entendu l'argumentation qui est la vôtre, monsieur Fischer, mais je n'adhère pas à votre conclusion.

Vous l'avez compris, avec ce texte, nous nous en tenons aussi à une obligation de résultat. Si nous avons prévu la possibilité d'agir par décret, c'est tout simplement pour ne pas dire : « on a essayé, ils n'ont pas réussi, tant pis ! » Nous devons absolument aboutir à un résultat.

Je vous ferai néanmoins une confidence : je suis persuadé que nous n'aurons pas à utiliser cette voie de recours que constitue le décret en Conseil d'État. En effet, comme vous, je souhaite que le dialogue social se porte bien et je suis convaincu qu'il sortira renforcé de ce texte.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au travers de cet amendement, la commission propose que seules les organisations syndicales représentatives qui ont notifié leur intention de déposer un préavis de grève participent à la négociation préalable prévue au présent article.

Nous ne pouvons que nous opposer à une telle mesure.

En effet, eu égard à l'objectif prétendu du texte, à savoir l'instauration d'un dialogue social plus abouti et une meilleure prévisibilité de service, cette disposition nous paraît totalement contre-performante.

S'il s'agit de prévenir les conflits, nous estimons que l'ensemble des organisations syndicales doivent participer à cette négociation. J'avoue ne pas très bien comprendre l'argumentation de Mme le rapporteur. En effet, plusieurs organisations syndicales peuvent représenter la même catégorie de personnel. C'est d'ailleurs assez fréquent dans le paysage syndical français.

Imaginez la situation !

Une organisation syndicale représentative notifie à la direction son intention de déposer un préavis. Celle-ci entreprend donc la négociation préalable et un accord est trouvé. Or si cet accord ne convient pas aux autres organisations syndicales et qu'elles notifient à leur tour en réponse leur intention de déposer un préavis de grève, la situation deviendra ubuesque.

Nous estimons que, pour prévenir effectivement toute conflictualité, l'ensemble des organisations syndicales doivent pouvoir participer à la négociation préalable dès lors qu'une organisation syndicale représentative du personnel a notifié son intention de recourir à la grève.

Pour aller plus loin, nous proposons également - c'est l'objet de l'un de nos amendements - que, à l'issue de la négociation préalable, seuls les accords majoritaires puissent être validés. Il s'agit, là encore, de prévenir la conflictualité au sein de l'entreprise.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cet amendement.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Je suis tout à fait d'accord avec M. Billout et j'avais l'intention de faire les mêmes remarques que lui.

Si vous voulez véritablement ouvrir le dialogue au sein de l'entreprise, toutes les organisations syndicales présentes dans l'entreprise doivent pouvoir participer à la négociation, même si la sollicitation n'émane que d'une organisation syndicale.

À défaut, comme l'a souligné mon collègue, un accord pourrait intervenir entre une seule organisation et la direction, accord qui ne conviendrait pas aux autres organisations syndicales.

Et là, madame le rapporteur, il y a un piège : si on se réfère par anticipation à l'article 3 du projet de loi, on se rend compte qu'il ne sera pas possible à des organisations syndicales non consultées préalablement de pouvoir redéposer un préavis de grève sur le même sujet. Cela signifie que l'accord obtenu avec une seule organisation sera réputé valable, et que ceux qui n'ont pas été consultés préalablement et qui n'ont pas pu négocier ne seront pas autorisés à déposer un nouveau préavis de grève.

Il est donc indispensable, monsieur le ministre, de consulter l'ensemble des organisations syndicales présentes dans l'entreprise et de toutes les faire participer à la négociation, quitte à ce que chacun reprenne « ses billes » à l'issue de celle-ci.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement répond à une demande formulée, devant la commission, par la RATP et la SNCF, qui ont sept, huit ou neuf organisations syndicales. Il est vrai qu'en province, quand il n'existe qu'une ou deux organisations syndicales, une telle disposition ne posera jamais de problème.

Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Par ailleurs, cet amendement vise à ouvrir une possibilité et à apporter un peu de souplesse.

Pour répondre à M. le ministre, il s'agit bien du préavis de grève. Envisager de déposer le préavis ne veut pas dire qu'on a déposé le préavis. Rien n'empêchera une organisation syndicale qui souhaite associer d'autres syndicats de le faire ou à un syndicat qui serait éventuellement intéressé par ce préavis de s'y associer.

Donc, j'estime que cet amendement est un élément de souplesse, qu'il n'interdit rien, et qu'il peut tout de même permettre, lorsqu'il existe de nombreuses organisations syndicales, et de multiples métiers...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Non, dans les petites entreprises de transport, il n'y a pas forcément de personnels chargés de la communication, de la publication assistée par ordinateur, ou PAO, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Cela n'est vrai que pour les très petites entreprises !

L'amendement est adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 68.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme la rapporteur nous a dit tout à l'heure que le délai supplémentaire de préavis permettrait, notamment aux organisations syndicales, de prendre en compte la réalité du terrain.

Madame la rapporteur, je vous renvoie à vos propos en vous disant qu'à votre tour il vous faudrait prendre en compte la réalité du terrain : lorsque les organisations syndicales engagent une grève avec les salariés qui veulent bien les suivre, elles ont pris en compte la réalité du terrain avant de s'engager dans ce mouvement.

Bien évidemment, je voterai l'amendement n° 68, comme j'ai voté l'amendement n° 27 du groupe socialiste.

Sincèrement, je crois qu'il faut mettre un terme aux clichés concernant les organisations syndicales. Vous nous faites souvent le reproche d'être sectaires ou d'user de clichés en ce qui concerne le MEDEF.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je ne parle pas précisément de vous, madame la rapporteur, mais, dans l'ensemble, nous, sénateurs, sommes...

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. Chacun, dans cette assemblée, doit véritablement prendre en compte la réalité : lorsque les organisations syndicales décident de proposer aux salariés une grève, ce n'est pas de gaieté de coeur, et c'est après avoir pris en compte la réalité du terrain.

M. Jean-Luc Mélenchon applaudit

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, cet amendement était sûrement le fruit d'un excès d'enthousiasme de ses signataires à l'égard de votre projet de loi. Nous revenons à des sentiments plus modérés, et je profite de l'absence de M. Portelli pour retirer l'amendement.

Sourires sur l'ensemble des travées et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 17 rectifié est retiré.

L'amendement n° 3, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. Au troisième alinéa () du II de cet article, après les mots :

les organisations syndicales représentatives

insérer les mots :

qui ont procédé à la notification

II. Après les mots :

les organisations syndicales représentatives

procéder à la même insertion au quatrième alinéa (), au cinquième alinéa (), au sixième alinéa () et au huitième alinéa () du II de cet article.

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 1 qui a été adopté voilà quelques instants.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Au nom du parallélisme des formes et pour les raisons que j'ai évoquées, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 74, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le septième alinéa () du II de cet article par les mots :

attendu que seuls les accords majoritaires peuvent prétendre être validés

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Les membres du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent affirmer, par cet amendement, le caractère majoritaire de l'accord qui peut aboutir entre les organisations syndicales représentatives et la direction de l'entreprise durant le délai de négociation préalable selon les dispositions du présent article.

Les auteurs de cet amendement souhaitent donc que cet accord soit accepté par la majorité des organisations représentatives du personnel pour être validé et, par conséquent, qu'un accord signé par un seul syndicat ne puisse prévaloir.

Dans un état d'esprit tout à fait contraire, les amendements proposés par la commission prévoient que seuls les syndicats ayant notifié leur intention de déposer un préavis de grève soient amenés à discuter avec la direction de l'entreprise dans le cadre de la négociation préalable.

Cette proposition nous semble contre-performante et nous sommes en total désaccord avec la commission.

En effet, si l'objectif de ce texte est de renforcer le dialogue social, dont on parle beaucoup, il apparaît au contraire opportun de se prémunir contre toute possibilité de conflit.

De plus, il s'agit là d'une revendication posée par les organisations syndicales depuis de nombreuses années.

Une telle mesure aurait toute sa place dans un projet de loi portant sur le dialogue social.

Aussi, nous vous proposons que l'accord qui peut être négocié entre la notification et le dépôt du préavis de grève ne puisse être adopté que s'il est accepté de manière majoritaire par les organisations syndicales représentatives du personnel.

C'est pourquoi je vous demande d'adopter l'amendement n° 74.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

La commission est défavorable à cet amendement, qui est en contradiction avec l'esprit de ceux qu'elle a elle-même déposés, puisqu'il pose la règle de l'accord majoritaire. Ainsi que je l'ai évoqué tout à l'heure, dans leur principe, ces accords doivent être envisagés dans un cadre plus global.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cet amendement, s'il était adopté, contreviendrait à la loi de mai 2004.

À travers cet amendement, le groupe CRC entend redéfinir les règles de représentativité, au moment même où les partenaires sociaux dans leur ensemble engagent entre eux des négociations qui doivent s'étendre jusqu'à la fin de l'année. Ce serait, en définitive, ne pas leur accorder confiance, ce qui n'est pas le but de l'opération.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Portelli et Beaumont, Mme Gousseau, MM. Garrec, Dassault et Cambon, Mme Payet, MM. Béteille, Pozzo di Borgo et Retailleau, Mme Sittler et Papon, MM. Grillot, Biwer, Milon, Seillier, Cléach et Huré, Mme Férat, Malovry et Henneron, M. Émin, Mme Mélot et M. de Richemont, est ainsi libellé :

Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'accord cadre prévu au premier alinéa du I est transmis, dans un délai de 15 jours à compter de sa signature par les parties, pour avis conforme au Représentant de l'État afin qu'il apprécie le respect de l'intégralité des dispositions prévues par le II de l'article 2.

En cas d'avis non conforme, les parties disposent d'un délai de trois mois pour répondre aux observations du Représentant de l'État.

La parole est à M. Christian Cambon.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous sommes très attentifs aux conditions dans lesquelles ces accords, qui doivent intervenir avant le 1er janvier 2008, pourront respecter les termes de la loi.

Aussi, nous souhaitons, à travers cet amendement, donner la possibilité au représentant de l'État de contrôler le respect des conditions fixées par la loi pour la rédaction des accords cadres ou de branche pour la prévention des conflits, dans les mêmes conditions que le représentant de l'État se verra notifier l'accord ou le plan de prévisibilité du service.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je demande aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

En effet, cet amendement tend à introduire une formalité supplémentaire qui risque de ralentir la procédure, alors que l'amendement n° 17 rectifié visait à aller plus loin et à accélérer la négociation. En outre, il donne au représentant de l'État un pouvoir de contrôle de légalité. Pour ma part, je crois à la négociation.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

À l'argumentation développée par Mme le rapporteur vient s'adjoindre un autre argument juridique.

Cette disposition aboutirait à donner un contrôle de légalité au préfet. Or ces accords collectifs seront soumis au ministère du travail, qui sera compétent pour recevoir l'accord collectif en question. On ne pratiquera pas non plus un contrôle de légalité a priori, mais on examinera les modalités de conclusion de l'accord collectif, et non pas son contenu.

Cet amendement contreviendrait donc à ces règles qui, aujourd'hui, s'articulent plutôt bien entre elles.

Voilà pourquoi, monsieur Cambon, je vous prie - sans vouloir en faire une habitude - de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi je serai contraint d'en demander le rejet.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

M. Robert Bret. M. Portelli n'est toujours pas là !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

M. Christian Cambon. Pour les raisons déjà exposées à propos de l'amendement précédent, je retire cet amendement.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 18 rectifié est retiré.

L'amendement n° 4, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le III de cet article par les mots :

, et, au plus tard, jusqu'au 1er janvier 2009

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Il s'agit de fixer une date limite pour la durée d'application des accords cadres, cette date étant le 1er janvier 2009.

À la RATP, l'accord qui a été conclu sera renégociable en 2011. En revanche, à la SNCF, aucune date limite n'est prévue.

Il nous paraît souhaitable de fixer un délai à ces deux entreprises de telle sorte qu'elles puissent organiser des négociations. Même si des accords existent à l'heure actuelle, ils ne sont pas complètement satisfaisants. Si on ne leur fixe pas de délai, la RATP renégociera des accords apparemment convenables en 2011. En quelle année la SNCF le fera-t-elle ? En 2015 ? En 2020 ?

Nous avons donc estimé qu'il fallait fixer un délai à toutes les entreprises, qui prenait fin en 2008, un an de plus étant laissé à la RATP et à la SNCF, qui auront d'autant moins de difficulté à négocier qu'elles ont déjà conclu des accords.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je suis partagé sur cet amendement, madame le rapporteur.

Je sais effectivement que l'alarme sociale existe. D'ailleurs, je l'ai dit, nous nous en sommes inspirés pour ce texte. Mais, pour moi, l'alarme sociale doit valoir partout et pour tous. Je souhaitais donc la rendre obligatoire le plus tôt possible, donc dès 2008.

Cela étant, compte tenu des arguments que vous avez brillamment développés à l'instant et que je comprends, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Yves Krattinger, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

M. Yves Krattinger. Madame la rapporteur, cet amendement démontre la nécessité de reporter d'un an la conclusion de nouveaux accords. Vous venez vous-même d'en faire la démonstration puisque, dans les deux entreprises où des accords existent déjà, il va falloir les modifier et cela devrait prendre environ dix-sept mois.

M. Robert Bret marque son approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

La commission reprend là des demandes formulées par les directions de la SNCF et de la RATP qui, en toute sagesse, ont souligné qu'il n'était pas possible de renégocier les accords d'ici à la fin du mois de décembre 2007 et qu'il fallait donc leur donner un an de plus.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Ce n'est pas du tout cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Par conséquent, est-il stupide de défendre la position qui a été la nôtre en ce qui concerne l'accord de branche, dont la renégociation nécessite dix-huit mois ?

J'irai même plus loin : lorsque des accords existent, comme à la SNCF et à la RATP, n'est-ce pas ouvrir une boîte de Pandore, alors que les partenaires se sont mis d'accord ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le ministre, je suis un peu surpris que vous vous en remettiez à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je lui fais confiance !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Moi aussi, mais je m'étonne que vous le fassiez aujourd'hui. En effet, en commission, je vous ai interrogé très clairement sur ce sujet qui me semblait très important. Le fait de ne pas remettre en cause les accords signés à la RATP et à la SNCF est un recul par rapport à ce qui avait été initialement prévu. Lorsque je vous ai demandé si un délai avait été fixé, vous m'avez répondu - comme on pourra le vérifier en se reportant au compte rendu de votre audition - qu'il n'y aurait pas de délai. Or, aujourd'hui, en vous en remettant à la sagesse du Sénat, vous risquez d'être en contradiction avec vous-même puisque, si cet amendement est adopté, un délai sera institué.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

J'ai dit que j'étais partagé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le ministre, lorsque des accords ont été conclus - parfois difficilement, comme à la RATP, où ils ont été jugés satisfaisants par tous puisque le délai prévu ne mène finalement que jusqu'en 2011 -, est-il véritablement judicieux de reprendre la discussion en prenant le risque de perturber ce qui fonctionne à peu près bien ?

Il en est de même pour la SNCF. Nous avons tous des critiques à formuler sur son fonctionnement, mais, bien souvent, les dysfonctionnements sont plus liés à des problèmes techniques qu'aux mouvements de grève, comme tout le monde l'a souligné.

Vous êtes en train d'agiter un chiffon rouge, ce qu'il est absolument inutile de faire à l'occasion du texte qui nous est proposé aujourd'hui.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Moi non plus, je ne comprends pas la position du Gouvernement.

En effet, le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat avait le mérite d'avoir été corrigé par rapport à sa version initiale, afin d'éviter que son adoption ne remette en cause les accords de prévention des conflits déjà en vigueur dans plusieurs entreprises de transports publics.

Cela concernait les accords cadres signés à la RATP le 30 mai 1996 et le 23 octobre 2001 et à la SNCF le 28 octobre 2004, ainsi que tous les accords signés avant le 1er juillet 2007.

Or, par cet amendement, la commission souhaite obliger les partenaires sociaux à négocier de nouveaux accords au plus tard le 1er janvier 2009.

Alors que les accords existants ont, de l'avis même des organisations syndicales et des directions des entreprises, permis de diminuer sensiblement la conflictualité au sein des entreprises concernées, Mme le rapporteur ne les juge pas satisfaisants. À cet égard, on se demande bien ce qu'elle pourrait qualifier d'« accords satisfaisants ».

Le dispositif que cet amendement tend à instituer nie complètement les bénéfices de la concertation ; il tourne le dos au dialogue social tant sur la forme que sur le fond. Compte tenu des ambitions affichées du présent projet de loi, c'est tout de même un comble. Mais il est vrai que vous n'en êtes plus à une contradiction près !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Tout d'abord, avec cet amendement, nous ne remettons pas en cause les pratiques sociales existantes à la RATP et à la SNCF, nous les mettons en conformité avec la loi.

Si la SNCF, la RATP et les autres entreprises de transport ayant signé des accords étaient exclues du dispositif, leur mode de fonctionnement ne correspondrait plus à ce qui se pratique dans l'ensemble des autres entreprises, ce qui - il est vrai - ne serait pas forcément satisfaisant.

Ensuite, comme l'a précisé Mme la présidente de la SNCF lors de son audition devant la commission spéciale, si la procédure de demande de concertation immédiate existe, elle demeure insuffisamment utilisée. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le nombre de conflits et de jours de grève reste important. Dès lors, si le principe du dialogue était étendu et devenait obligatoire, une véritable concertation pourrait avoir lieu.

Mes chers collègues, souvenons-nous de ce que nous avons entendu en commission spéciale. En matière de dialogue social, nous ne pouvons tout de même pas nous satisfaire du fonctionnement de la SNCF. Le présent projet de loi vise donc à l'améliorer en étendant la négociation et la concertation.

En l'occurrence, la RATP, la SNCF et les autres entreprises de transport ayant signé des accords bénéficieront d'une année supplémentaire pour se mettre en conformité avec la loi. D'ailleurs, elles en ont déjà adopté les principes ; il suffit juste de les améliorer et d'aller un peu plus loin. Vous en conviendrez, ce n'est tout de même pas complètement impossible !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le ministre, depuis le début de ce débat, vous vous réclamez, tout comme le Président de la République, de la « culture du résultat ».

Or des résultats, à la RATP, il y en a ! L'accord institué fonctionne bien ; il satisfait à la fois la direction de l'entreprise et les syndicats de salariés et son application a permis de faire diminuer le nombre de jours de grève. Les résultats sont donc positifs.

Pourtant, monsieur le ministre, alors que vous vous prétendez favorable à la culture des résultats, vous suggérez de modifier un système qui a fait ses preuves !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Au nom d'un dispositif virtuel, vous ne tenez pas compte des résultats obtenus par l'accord de la RATP. Ce n'est pas cela, la culture du résultat !

Monsieur le ministre, vous êtes donc pris en défaut : vous êtes non pas pour la culture du résultat, mais pour des changements virtuels.

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, le présent projet de loi n'est en réalité que la première étape d'une politique de restriction générale du droit de grève destinée à s'étendre à l'ensemble du secteur public.

Je maintiens donc ce que j'affirmais hier. Le présent projet de loi est à la fois démagogique, inefficace, vaniteux et hypocrite. Démagogique, parce qu'il vise à faire plaisir à la population, alors qu'il n'assure pas le service minimum. Inefficace, parce qu'il est inapplicable. Vaniteux, parce qu'il ne réglera pas tous les problèmes du service public. Hypocrite, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. ...parce que son véritable objectif, à savoir la restriction du droit de grève dans l'ensemble du secteur public, n'est pas avoué.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Mes chers collègues, en complément de ce que j'indiquais tout à l'heure, permettez-moi de rappeler les chiffres qui nous ont été communiqués par la SNCF.

Dans cette entreprise, l'accord instituant la demande de concertation immédiate avant le dépôt d'un préavis de grève a des limites, puisque la procédure demeure facultative. Ainsi, l'an dernier, 84 % des préavis qui ont été déposés n'ont pas fait l'objet d'une concertation préalable.

Par conséquent, notre objectif est bien de faire précéder tout dépôt d'un préavis de grève d'une concertation. Actuellement, la procédure existe, mais elle n'est pas toujours appliquée. À partir du 1er janvier 2009, elle le sera.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Desessard, comme je vous ai déjà répondu hier, je ne le referai pas aujourd'hui. Toutefois, puisque je vous vois sourire, sachez que le plaisir est partagé.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Pour ma part, je ne souhaite pas priver le législateur de sa compétence. En effet, l'objectif est bien de donner une base légale aux accords en question. Vous n'avez certainement pas envie de renoncer à une telle possibilité, ni de permettre à certains de s'exonérer de l'application des accords.

Vous avez tous rappelé votre attachement au dialogue social. Nous voulons simplement qu'il s'applique obligatoirement.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il s'agit là, me semble-t-il, d'une approche pragmatique, qui peut même, une fois n'est pas coutume, nous rassembler.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mes chers collègues, compte tenu de la réunion de la conférence des présidents, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente.