Intervention de Michel Teston

Réunion du 18 juillet 2007 à 21h30
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres — Article 4

Photo de Michel TestonMichel Teston :

Cet article vise à confier aux autorités organisatrices de transport la mission de définir les priorités de desserte qui donneront lieu à l'élaboration, par les entreprises, de plans de transport et de plans d'information des usagers.

La définition de ces priorités doit, selon la lettre même du projet de loi, concilier plusieurs principes constitutionnels. Sont cités expressément le droit d'aller et de venir, l'accès aux services publics, la liberté du travail, la liberté du commerce et de l'industrie. J'y ajoute le droit de grève.

En effet, comment ne pas rappeler que M. Mandelkern, dans son rapport rédigé en 2004, considère que la conciliation de ces principes de valeur constitutionnelle « ne peut aboutir à une quasi-négation de l'un d'eux », en l'occurrence celui de faire grève, droit reconnu à chaque salarié ?

Ainsi, le droit de grève doit s'exercer dans le cadre des lois qui le réglementent sans nier les autres principes constitutionnels. Il en est de même de la liberté d'aller et de venir comme de la liberté du commerce et de l'industrie, pour ne citer que deux de ces principes qui doivent s'exercer en tenant compte notamment du droit que possède chaque salarié de faire grève.

Une grève ne saurait exister sans qu'aucune gêne ne soit causée aux usagers sauf à fournir un service normal et, dans ce cas, il s'agirait de la simple négation d'un droit fondamental que le juge constitutionnel ne manquerait pas de sanctionner.

Durant la campagne de l'élection présidentielle, le candidat Sarkozy avait évoqué l'idée d'un service normal aux heures de pointe. Au-delà de son caractère démagogique, cette proposition est évidemment incompatible avec l'esprit et la lettre de la Constitution. Elle a, heureusement, été écartée de la rédaction finale du projet.

Néanmoins, nous resterons très vigilants face à toute tentative de mettre en oeuvre des dispositions dont les conséquences seraient la négation du droit de grève.

En plus de la question de savoir si les limites au droit de grève, telles qu'elles figurent dans ce texte, ne sont pas disproportionnées avec l'intérêt public qui est censé les justifier, le projet de loi aura des incidences majeures sur les autorités organisatrices de transport, c'est-à-dire, bien souvent, sur les collectivités territoriales ou leurs établissements de coopération, qui devront définir non seulement les priorités de desserte, mais aussi les besoins essentiels de la population en matière de transport. J'aurais tendance à dire : vaste programme !

En effet, si chaque responsable d'autorité organisatrice est assurément très conscient de l'intérêt général et de la nécessité d'offrir un service essentiel aux habitants, il n'en reste pas moins que la définition des besoins essentiels est une tâche très difficile.

Quels arbitrages opérer entre des priorités qui, toutes, sont légitimes ?

Par exemple, quels établissements scolaires conviendra-t-il de desservir en priorité les jours de grève ? La concertation avec les parents d'élèves aboutira-t-elle à ce que les enfants scolarisés dans le collège A soient déclarés « plus prioritaires » que ceux du collège B ?

Quel service public devra-t-il être desservi en priorité : les écoles, l'hôpital, la Poste, la bibliothèque ?

En résumé, quelle sera la hiérarchie des priorités et quel sera le fondement objectif du choix effectué ?

Au-delà, et dans l'hypothèse de la définition de priorités telles que prévues par le texte, quelle attitude adopter quand un usager demandera des comptes, estimant que les priorités décidées par l'autorité organisatrice ne sont pas les bonnes ?

Sûr en quelque sorte de son droit - j'oserais presque dire de son nouveau « droit opposable au transport » -, l'usager pourra-t-il demander au juge de se prononcer sur les priorités fixées par les autorités organisatrices de transport et, si tel est le cas, sur quels critères celui-ci pourra-t-il fonder sa décision ?

Ainsi, le dispositif prévu porte en lui-même ses propres limites : sa mise en oeuvre paraît extrêmement complexe et, une fois effective, son application sera susceptible de créer un nouveau « foyer » de contentieux. Quelles seront, notamment, les conséquences financières de la mise en oeuvre de ces dispositions si l'autorité organisatrice voit sa responsabilité mise en cause ?

Les propositions du Gouvernement et de la commission spéciale ne peuvent donc recueillir l'adhésion du groupe socialiste. C'est la raison pour laquelle nous proposerons un certain nombre d'amendements.

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