Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la mesure où Nicolas About vient de nous présenter un exposé excellent et exhaustif de la situation et comme je partage le temps de parole dévolu au groupe CRC avec ma collègue Gélita Hoarau, je serai bref.
Le risque de pandémie existe. Nous savons que le virus est très contagieux chez les oiseaux et que le virus de la grippe saisonnière mute très rapidement.
Cette menace est suffisante pour que nous exigions au minimum non seulement une information claire à destination de la population, qui doit être associée aux décisions, mais surtout des moyens financiers suffisants.
En effet, selon David Nabarro, coordinateur des agences des Nations unies concernées par l'épizootie, « l'urgence sanitaire mondiale est de juguler la maladie chez les animaux ». Il estime les sommes nécessaires à 180 millions de dollars.
A ce jour, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, n'aurait réuni qu'une trentaine de millions de dollars. L'urgence sanitaire est donc de trouver, dans les semaines qui viennent, les 150 millions de dollars qui manquent. La conférence internationale qui vient de se tenir au siège de l'OMS s'est engagée à dégager des moyens financiers de l'ordre d'un milliard de dollars.
En outre, cette menace de pandémie révèle une nouvelle fois les écarts de niveau de vie et de conditions sanitaires à l'échelon mondial.
Il faut véritablement offrir aux pays du Sud - que ce soit en Afrique ou en Asie - la chance de sortir du sous-développement. Il est évident que, si le Sud n'a pas les moyens de lutter contre la maladie, c'est la planète entière qui en souffrira.
Plus encore, il s'agit de répondre rapidement à la question de savoir qui fabriquera les médicaments et les vaccins.
En raison des menaces de pandémie, les ventes de Tamiflu par le laboratoire suisse Roche se sont élevées à 553 millions d'euros. Je pense d'ailleurs que ce montant doit être revu à la hausse.
Aujourd'hui, ce laboratoire ne peut pas faire face à la demande, mais il est propriétaire du brevet. Il a néanmoins apporté quelques réponses. Depuis 2001, les accords de Doha acquis de haute lutte pour l'accès au médicament contre le sida dans les pays du Sud prévoient la possibilité pour des Etats d'ignorer un brevet afin de produire des médicaments génériques. C'est le système de la licence obligatoire.
Or, de son côté, le laboratoire Roche parle de licence « volontaire », ce qui lui permettrait de choisir les laboratoires qui produiraient les médicaments et de fixer les prix. Des choix, notamment avec sept ou huit entreprises, sont en train de se dégager et les négociations avec les Etats en passe d'aboutir.
Il nous paraît donc très important d'exiger que les vaccins soient produits sous la responsabilité des Etats garants de la santé publique et que cette production ne soit pas laissée au libre choix de l'industrie pharmaceutique. De notre point de vue, le laboratoire Roche devrait abandonner son brevet. Tous les pays, notamment les plus pauvres, doivent avoir accès aux médicaments et aux vaccins.
Ce médicament antiviral pose bien d'autres questions encore, auxquelles il faudra répondre.
Il n'est pas possible d'accroître la charge financière publique sans s'interroger sur la réelle efficacité des médicaments qui sont massivement achetés. Je tiens à rappeler que ce sont les assurés sociaux qui, par leurs cotisations, financent l'achat des médicaments antiviraux, donc du Tamiflu.
Mais ce médicament est-il réellement efficace ? Nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous nous confortiez.
Je tiens juste à rappeler que, le 11 février 2004, la Commission de la transparence a évalué l'efficacité du Tamiflu dans le traitement de la grippe. Le service médical rendu a été estimé « insuffisant ». Il y a là une véritable question à laquelle nous aimerions que vous nous répondiez. Il s'agit certes d'une étude sur l'efficacité du Tamiflu dans le cadre de la grippe et non de la grippe aviaire, mais cela incite tout de même à prolonger les évaluations.
En outre, nous examinerons ici même, la semaine prochaine, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, pour 2006.
Les menaces de pandémie posent, bien entendu, la question du nombre de médecins, d'infirmiers et d'hôpitaux. Il faut, dès aujourd'hui, stopper les fermetures de lits, de services et d'hôpitaux, car la population ne comprendrait pas que les structures ne correspondent à la réalité des risques encourus. Au contraire, il faut envisager de conforter les structures hospitalières, voire d'en rouvrir certaines.
Enfin, il est malheureusement à craindre que cette menace de pandémie ne serve de révélateur à la politique sociale et de santé du Gouvernement.
Les sans-papiers, les sans domicile fixe et les précarisés sont de plus en plus nombreux aujourd'hui. Ils seront également les premiers touchés, parce qu'ils échappent le plus souvent à la prévention et n'ont pas les moyens d'accéder à un système de santé de plus en plus individualisé.