Intervention de Yves Krattinger

Réunion du 18 juillet 2007 à 21h30
Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres — Article 5

Photo de Yves KrattingerYves Krattinger :

Le II constitue un « noeud » important de l'article 5. Il impose aux salariés considérés comme indispensables au service, dans le cadre du plan de transport adapté, de faire part à leur employeur, quarante-huit heures à l'avance, de leur intention de faire grève.

Le mot « intention », qui n'est pas assez précis, peut être considéré comme une incongruité juridique. En effet, une intention n'est pas facile à mesurer.

Le plan de transport adapté comporte plusieurs niveaux, je le rappelle, selon le nombre de grévistes ou les perturbations prévues. Tous les salariés éventuellement indispensables à la réalisation du niveau le plus élevé du plan de transport adapté devront donc avertir de leur intention de faire grève. C'est en fonction de ces déclarations que tel niveau du plan de transport sera mis en oeuvre.

Le bon sens - ou d'autres sentiments - pourrait conduire un maximum de salariés à se déclarer grévistes à l'avance, pour échapper à toute sanction éventuelle. Cela serait plus sûr et les syndicats ayant déposé un préavis de grève ne manqueront pas de leur conseiller de le faire. En outre, ce procédé favorisera le succès de la grève, car plus le nombre de grévistes déclaré sera élevé, plus le succès annoncé sera important, même si, au dernier moment, certains décident finalement de ne pas participer à la grève. Cela aura pour effet de désorganiser totalement, au dernier moment, le plan de transport adapté et la réaffectation des non-grévistes.

Heureusement, monsieur le ministre, vous n'avez pas prévu de sanctions contre ces salariés qui auraient le tort de changer d'avis et d'assurer, un peu malgré eux, la continuité du service public !

Mes chers collègues, nous voulons seulement vous faire observer que cette disposition peut entraîner d'importants effets pervers et qu'elle est, quand on en examine les conséquences pratiques, d'une parfaite absurdité.

En obligeant les salariés à se déclarer grévistes quarante-huit heures à l'avance, votre projet de loi instaure de facto un préavis de grève individuel, ce qui est une novation en droit du travail, un OJNI, un objet juridique non identifié.

Si le droit de grève est un droit individuel, le préavis est collectif et son dépôt relève des organisations syndicales. Leurs délégués bénéficient d'une protection spécifique. Le préavis de grève a pour objet de protéger les salariés souhaitant se joindre au mouvement. Avec cet article, on bouscule des réalités qui étaient très solides jusqu'à présent.

Les salariés qui se déclareront grévistes à l'avance seront donc seuls exposés à toutes les formes de pression possibles - cela a été dit par les uns et par les autres -, quelles que soient les promesses formelles qui sont faites. Même si on peut penser, monsieur le ministre, que les vôtres sont sincères, vous ne pourrez pas maîtriser ce qui se passera dans toutes les entreprises.

Le droit de grève est un droit individuel, j'y insiste. Le salarié est couvert par un préavis déposé ; il peut se déclarer gréviste à tout moment. C'est ainsi que fonctionne le droit positif aujourd'hui. Aux termes du code du travail, qui est clair sur ce point, le salarié ne peut être en faute.

Votre projet de loi créé donc une nouvelle obligation pour le salarié. Il prévoit explicitement que l'exercice du droit de grève dans une entreprise de transport public terrestre exige le respect par le salarié d'une obligation nouvelle et supplémentaire, et que, s'il ne la respecte pas, il pourrait être déclaré en faute et sanctionné. Si on pousse la logique jusqu'à son terme, on en arrive là !

Ce faisant, cet article instaure une discrimination pour les salariés des entreprises de transport terrestre, qui seront les seuls à devoir se plier à cette obligation et à risquer une sanction. À cet égard, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous précisiez ce que vous entendez exactement par « sanction ».

L'ensemble du texte est, bien sûr, en contradiction avec la jurisprudence qui a été évoquée tout à l'heure, mais avec cet article, vous allez beaucoup plus loin encore : vous modifiez profondément les caractéristiques de l'exercice du droit de grève et en ébranlez les fondements légaux.

Nous nous opposerons à cette mesure avec détermination, car elle n'aura aucun effet positif pour les usagers en raison des effets pervers qu'elle comporte.

Pour que les choses soient bien claires, nous demanderons que cet amendement soit mis aux voix par scrutin public.

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