...parce que leur survie économique en dépend, et le tout dans des pays parfois peu zélés, tant ils manquent de protéines. Ces organismes nous ont alertés sur le devoir impératif de solidarité vétérinaire et sanitaire.
Demain, nous, pays riches, devons aussi nous assurer de la fabrication de médicaments et de vaccins pour ces pays démunis. La fortune du laboratoire Roche et la plus forte hausse hier au CAC 40 du groupe Sanofi-Pasteur le permettent.
J'ajouterai la nécessité d'un conservatoire des espèces aviaires si abattage massif il devait y avoir. Voilà pour la solidarité Nord-Sud.
Je terminerai par trois domaines où le Gouvernement laisse, hélas ! des friches : la culture scientifique, la culture pastorienne, la culture de solidarité.
La culture scientifique en France, portée à bout de bras par des associations fragilisées, n'est pas assez prise en compte par le Gouvernement. Comment s'étonner, dans un tel contexte, que, dès les premières alertes des médias, les gens ont oscillé entre croyances fallacieuses et indifférence ignorante ?
Les éleveurs en ont fait injustement les frais, car les consommateurs, ignorant les notions les plus élémentaires de contagion et les méthodes les plus simples de stérilisation, se sont détournés du poulet rôti et du magret de canard.
En revanche, là où il y a risque accru, quand les poulaillers industriels sont voisins des porcheries, on n'explique pas aux gens comment le cochon pourrait devenir l'incubateur naturel d'une recombinaison génétique entre virus de grippe humaine et virus de grippe aviaire.
Le savoir scientifique est un droit dont le bon usage et le partage régulier éloignent les peurs irrationnelles et les comportements à risque.
Dans notre illusion d'une technologie toute puissante, nous avons aussi oublié Pasteur et l'hygiène associée. A l'école, on enseigne peut-être encore l'utilité du lavage des mains... mais il n'y a ni le temps ni les lavabos pour le faire dès le collège.
Et l'on préfère proclamer des normes et des nombres de masques - certes indispensables - avant les crises, plutôt que de mobiliser l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES, sur de simples schémas expliquant la contagion par la toux ou la stérilisation d'un tissu humide dans un four à micro-ondes.
Pensons aussi pédagogie : nos aéroports affichent des avertissements en anglais, en français et en chinois, mais ne disposent pas d'infographies parlantes pour tous sur les premiers symptômes nécessitant une consultation.
La culture la moins sollicitée est enfin celle de la solidarité. La façon honteuse dont le Tamiflu a disparu des pharmacies est un bel exemple d'individualisme, si ce n'est d'égoïsme coupable. En effet, si ce médicament antiviral est aujourd'hui inutile dans les armoires de ceux qui l'ont acquis, il manque à ceux qui ont contracté la grippe actuelle et dont l'organisme fragile ou vieillissant nécessite cet appui pharmaceutique.
La solidarité, c'est aussi veiller par la bonne information des personnes les plus concernées, les médecins généralistes, à faire taire les rumeurs. Il n'est pas normal que le docteur de ma voisine lui confirme qu'il n'y a plus de Tamiflu parce que la France aurait tout envoyé aux Chinois !
Une épidémie, voire une pandémie, ne peut s'enrayer par une simple gestion de santé publique et de sécurité civile. La solidarité locale sera fondamentale. C'est tout un état d'esprit à reconstruire, les dégâts de la canicule nous le rappellent : solidarités intergénérationnelles, dispositifs ruraux, entraide de quartiers, anticipation d'un appui précoce, spécifique pour les plus fragiles - SDF, foyers d'accueils, SAMU social, sans-papiers.
La diffusion de cette culture relève aussi de la responsabilité d'un plan de pandémie grippale : les médecins, les élus locaux ont besoin d'avoir des informations scientifiques, des indications stratégiques actualisées et des incitations à un dialogue plus serein pour éclairer précisément leurs patients inquiets, et préparer des réponses moins individualistes, si par hasard la possible recombinaison génétique d'un virus H5N1 le rendait apte à la contagion d'être humain à être humain.