Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 10 novembre 2005 à 11h00
État de préparation de la france face aux risques d'épidémie de grippe aviaire — Discussion d'une question orale avec débat

Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier M. Nicolas About et la Haute Assemblée de l'initiative qui a été prise à l'issue de l'audition du 6 octobre dernier au sujet de la grippe aviaire devant la commission des affaires sociales. Cette question orale avec débat nous permet de rendre compte devant les sénateurs d'un certain nombre de questions que se posent nos concitoyens. Je vais tenter d'être exhaustif et de répondre le plus précisément possible aux nombreuses questions qui ont été posées.

Je voudrais également indiquer que nous sommes là dans un véritable exercice de démocratie parlementaire. Vous connaissez mon attachement aux relations entre le Gouvernement et la représentation nationale, et je suis soucieux de pouvoir échanger avec vous, au-delà des travaux de la commission des affaires sociales, afin de vous rendre compte de l'action du Gouvernement sur ce dossier, et ce régulièrement, à chaque fois que vous le souhaiterez.

Il a été question de culture, notamment dans l'intervention de Mme Blandin, et je pense aussi que nous devons développer une véritable culture du risque en matière sanitaire, ce qui suppose d'accroître l'information et son corollaire, la transparence.

Tout d'abord, face aux risques, le Gouvernement a élaboré un plan « pandémie grippale », présenté en conseil des ministres dès le mois d'octobre 2004 et qui figure sur le site du ministère de la santé depuis 2005.

Ce plan distingue deux phases : une phase pré-pandémique et une phase pandémique.

La phase pré-pandémique recouvre deux étapes : l'étape initiale, dans laquelle nous sommes actuellement, où le virus H5N1 peut se transmettre de l'animal à l'homme, même si, aujourd'hui, sur le territoire français, nous ne connaissons pas de cas d'épizootie, c'est-à-dire d'épidémie animale ; ensuite, l'étape intermédiaire, avec transmission d'homme à homme mais limitée, et je rappelle qu'une telle transmission n'a été constatée nulle part sur la planète.

La phase pandémique correspond, elle, à la propagation rapide et massive du virus dans le cadre d'une diffusion mondiale.

La classification du plan français évoluera très prochainement pour se caler sur celle de l'OMS, qui distingue six phases allant de l'absence d'épizootie à la pandémie.

En cas de pandémie, l'Institut de veille sanitaire estime qu'en l'absence d'intervention et de préparation - j'insiste sur ces termes - le nombre de malades pourrait, au fil des mois, s'élever en France de 9 millions à 21 millions et que, toujours en l'absence d'intervention et de préparation - j'insiste de nouveau sur ces termes -, le nombre de décès pourrait s'établir entre 91 000 et 212 000.

Pendant la phase pré-pandémique, dans laquelle nous nous situons, l'objectif est d'éviter l'introduction du virus par le biais d'animaux infectés ou de personnes contaminées et, si cela s'avère impossible, de retarder au maximum sa diffusion.

Du point de vue animal - nombreuses ont été les questions en la matière -, des mesures ont été prises.

Tout d'abord, nous avons interdit l'importation d'oiseaux de volière, de compagnie ou de concours, ainsi que de volailles vivantes, d'oeufs à couver et de porcs vivants en provenance des pays touchés par l'épizootie.

Ensuite, nous avons renforcé la surveillance des oiseaux migrateurs susceptibles de contaminer les élevages, ainsi que celle des élevages domestiques. Cette surveillance s'opère sur le territoire national, mais nous avons également souhaité, en liaison avec l'Office international des épizooties, l'OIE, qu'une surveillance toute particulière s'exerce sur les circuits d'oiseaux migrateurs pendant l'hiver en Afrique, afin d'être avertis le plus tôt possible en cas de mortalité particulière, avant que les oiseaux ne repartent et ne remontent vers les courants traditionnels de migration en direction de l'Europe.

Enfin, nous avons diffusé des mesures de protection des élevages disposant d'un parcours en plein air - ne pas nourrir ni abreuver les animaux à l'extérieur - et des élevages fermés - ne pas abreuver les animaux ni nettoyer leurs bâtiments avec des eaux provenant de plans d'eau extérieurs.

Si l'épizootie devait se développer en France, la stratégie consisterait à stopper la propagation du virus dans les populations de volailles, à restreindre les risques d'exposition de l'homme, grâce - certains d'entre vous l'ont rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs - à de bonnes pratiques professionnelles telles que le respect des règles d'hygiène ou l'utilisation de vêtements et de matériel adéquats, et à recommander des mesures complémentaires de protection des professionnels.

Du point de vue de la santé humaine, il s'agit de renforcer le contrôle sanitaire dans les plates-formes aéroportuaires internationales, en veillant à l'information des voyageurs, au contrôle du fret, ainsi qu'à la formation des cellules médicales pour la détection et la prise en charge des cas suspects et de leur contact.

Si nous devions entrer dans la phase pandémique, notre objectif serait de limiter la contamination pour permettre au système de santé de prendre en charge un nombre important de patients et de produire dans les meilleurs délais le vaccin.

Cette réponse reposera en amont sur l'information adaptée des professionnels de santé et de la population. Pendant la crise, elle s'appuiera sur une mobilisation graduée des moyens de lutte médicale, en privilégiant - la question m'a été posée tout à l'heure - la prise en charge ambulatoire et en réservant l'hospitalisation aux cas les plus graves.

Des mesures de réduction des contacts sociaux seraient également mises en oeuvre, en particulier dans les collectivités d'enfants : d'expérience, nous savons que la grippe saisonnière chute pendant les périodes de vacances scolaires.

En application de ce plan, la France s'est donc préparée activement à faire face à la situation.

Dès la fin de l'année 2004, le ministère de la santé, sous l'impulsion de Philippe Douste-Blazy, a commandé 13, 8 millions de traitements antiviraux Tamiflu, qui seront disponibles à la fin de l'année. Au moment où je vous parle, mesdames, messieurs les sénateurs, 9 millions de traitements sont déjà en notre possession.

Nous avons également commandé 2 millions de doses de vaccin pré-pandémique H5N1, qui seront également disponibles au début de l'année 2006. Le Gouvernement a par ailleurs réservé 40 millions de doses de vaccin pandémique, à fabriquer en cas de crise sanitaire, soit 28 millions de doses à Sanofi-Aventis et 12 millions de doses à Chiron.

Enfin, un premier stock de 50 millions de masques de protection FFP2 a d'ores et déjà été livré dans deux cents quatre-vingt-dix hôpitaux sur notre territoire. Et, pour répondre à l'une de vos interpellations, mesdames, messieurs les sénateurs, je précise que par territoire j'entends la métropole ainsi que les départements et les collectivités d'outre-mer, car si, outre-mer, la compétence de santé revient aux exécutifs locaux, j'ai souhaité que l'ensemble des moyens de protection y soient disponibles, avant toute régularisation juridique : il n'est pas question que ce genre de contrainte retarde la préparation de tout ou partie du territoire national !

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