Intervention de Gérard César

Réunion du 8 novembre 2005 à 21h30
Loi d'orientation agricole — Articles additionnels après l'article 22 quater

Photo de Gérard CésarGérard César, rapporteur :

A l'occasion de l'examen de ce projet de loi d'orientation agricole, trois amendements, dont celui que je défends au nom de la commission des affaires économiques, posent la question des moyens d'action à utiliser contre les animaux nuisibles et les prédateurs, en particulier des moyens à mettre en oeuvre pour remédier aux dégâts causés par les loups dans les élevages en montagne.

Par l'amendement n° 716, notre collègue Jean Desessard propose purement et simplement de supprimer toute possibilité, pour un particulier, de se défendre contre les animaux nuisibles. Vous imaginez sans peine la réaction très défavorable de la commission à cette proposition !

Avec l'amendement n° 538, motivé à juste raison par la recrudescence des attaques de loups dans le massif des Alpes, nos collègues Claude Domeizel et Thierry Repentin tentent de répondre aux attentes angoissées des éleveurs, qui ne supportent plus de voir, sans pouvoir réagir, leurs troupeaux menacés.

Au 24 octobre dernier, les dernières statistiques transmises par le ministère font état d'une augmentation de 40 % du nombre des attaques en un an et de 30 % de celui des victimes sur la même période. Ce ne sont plus seulement les ovins, ce sont aussi les bovins et les caprins qui sont tués par les loups.

Mais la réponse proposée dans l'amendement n° 538 n'est pas satisfaisante, car elle s'affiche en contradiction flagrante avec nos engagements internationaux et communautaires, notamment la Convention de Berne et la directive « Habitats », sans apporter, sur le plan pratique, d'amélioration par rapport au dispositif de l'arrêté du 17 juin 2005 modifié, relatif au prélèvement maximum de loups.

En revanche, après un examen attentif, force est de constater la relative faiblesse du dispositif juridique qui fonde les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour mettre en place des moyens de lutte adaptés et respectueux de nos engagements internationaux et communautaires.

En effet, au niveau législatif, aucune disposition n'assure la transposition de l'article 9 de la Convention de Berne, repris par l'article 16 de la directive « Habitats », qui autorise, dans des circonstances strictement énumérées et dans des conditions bien précises, à déroger au principe de protection stricte des espèces protégées par ces textes. Or ces articles retiennent le cas « des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage », et autorisent les abattages lorsqu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que cela ne nuit pas à l'état de conservation de l'espèce considérée.

Les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, issus de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, édictent un régime de protection absolue des espèces protégées, admettant seulement la délivrance d'autorisation de captures ou de prélèvements d'animaux à des fins scientifiques. Cela est très nettement insuffisant. La seule mention d'un régime dérogatoire inspiré de la directive « Habitats », dans le dernier alinéa de l'article 2 de l'arrêté du 10 octobre 1996 portant modification de l'arrêté du 17 avril 1981 modifié fixant les listes des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire, apparaît bien fragile au regard d'un socle législatif affichant des ambitions de protection stricte. Des demandes de clarification ont d'ailleurs été faites à plusieurs reprises.

Par conséquent, je vous propose aujourd'hui de saisir l'opportunité offerte par ce débat important d'intégrer à un endroit judicieux du code de l'environnement, c'est-à-dire à l'article L.411-2, un article général sur les dérogations aux statuts de protection qui soit en accord avec la directive européenne.

Cette proposition d'amendement « adosserait » les arrêtés de prélèvements de loups à un décret en Conseil d'Etat, les stabiliserait et répondrait à de vrais besoins : la délivrance et l'encadrement de dérogations en général.

Au-delà de ce dispositif législatif renforcé et mis en cohérence avec notre droit communautaire, il appartient au Gouvernement, en prenant appui sur ce dispositif et à l'occasion de la concertation mise en place localement avec l'ensemble des parties prenantes, y compris les associations de protection de la nature, d'améliorer les moyens de lutte contre les loups par des tirs d'effarouchement plus largement autorisés, des abattages menés dans le respect des quotas décidés, mais avec des moyens adaptés, faute de quoi l'action des pouvoirs publics serait totalement discréditée.

Pour terminer, permettez-moi de vous présenter le bilan des attaques de loups d'après des statistiques tout à fait récentes, puisqu'elles datent du 24 octobre 2005.

En 2004, on dénombrait 633 attaques contre 888 en 2005. Le nombre de victimes s'élevait, cette année-là, à 2 785, dont 1 équin, 10 bovins et 28 caprins, contre 3 655 en 2005, dont 3 équins, 50 bovins, 125 caprins et 1 cochon d'Asie. Comme vous pouvez le constater, le nombre des attaques a progressé. Aussi, pour répondre à l'attente des éleveurs, il est urgent d'obtenir une juste répartition sur le territoire, et donc d'avoir des tirs sélectifs.

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