Au terme de l'examen de ce projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, je souhaite vous remercier, monsieur le rapporteur, ainsi que les membres de la commission des affaires économiques, pour votre engagement et le travail considérable que vous avez réalisé, sous l'égide du président Jean-Paul Emorine.
Ce débat a été intense, nourri et constructif. Il a donné lieu à des échanges de grande qualité et nous a permis de partager, au-delà de nos différentes sensibilités politiques, un certain nombre de convictions sur des sujets qui touchent le coeur de la vie quotidienne de nos concitoyens. Vous y avez pris une large part, monsieur le rapporteur, et je tenais à le souligner. Vous connaissez bien ces sujets, sur lesquels vous travaillez depuis plusieurs années, au Sénat, puisque vous avez été chargé de rapporter plusieurs textes relatifs à ces questions.
Ce projet de loi est important pour le Gouvernement, car la question des prix constitue le deuxième étage de la fusée, qui en comporte trois, qu'est la politique qu'il conduit pour la défense du pouvoir d'achat. Le premier étage est la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dont nous avons discuté cet été, la mesure phare étant la défiscalisation des heures supplémentaires.
Nous savons depuis ce matin que cette mesure, entrée en vigueur le 1er octobre dernier, a permis à 40 % de nos entreprises de bénéficier de la mise en place de ces heures supplémentaires. Contrairement à ce que nous avons pu entendre, ici ou là, il s'agit d'une mesure grand public, qui concerne de nombreux salariés et dont l'impact sur le pouvoir d'achat est important, ces heures supplémentaires n'étant soumises ni à l'impôt ni au paiement de charges.
Le deuxième étage de cette politique est donc constitué par le présent projet de loi, relatif à la concurrence au service des consommateurs, que j'ai eu l'honneur de défendre devant votre assemblée, et dont l'objectif est d'agir sur le niveau des prix.
Enfin, et c'est le troisième étage, l'Assemblée nationale débat actuellement du projet de loi relatif au pouvoir d'achat, qui aura également un impact sur la vie quotidienne de nos concitoyens, puisqu'il vise à permettre la monétisation des journées de RTT, le déblocage de la participation, l'obtention par les salariés des petites entreprises d'une prime de fin d'année de 1 000 euros, exonérée de charges, et l'alignement de l'évolution des loyers sur l'inflation. Ces mesures amélioreront le pouvoir d'achat des Français. D'ailleurs, si l'on en croit les enquêtes d'opinion parues ces derniers jours, ils les soutiennent majoritairement.
J'en reviens au projet de loi qui nous intéresse présentement.
La concurrence est, non pas un objectif, mais un moyen de faire baisser les prix au bénéfice des consommateurs. C'est le cas dans le secteur de la grande distribution. Sans faire l'historique des relations commerciales entre industriels et distributeurs au cours des dernières années, on peut convenir qu'elles étaient trop figées. Certes, il existait bien des négociations, mais on avait quelque peu oublié le consommateur final, qui est tout de même un client, puisqu'il achète les produits en bout de chaîne.
Les dispositions que vous avez adoptées permettront donc de réintroduire de la concurrence entre les distributeurs et de favoriser davantage de transparence dans les relations commerciales. En ce sens, le fameux « triple net » que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, représente une avancée très importante.
Il faut se souvenir qu'à l'époque du rapport Canivet, en 2004, une grande majorité des observateurs et des acteurs économiques étaient résolument opposés au principe du « triple net ». Sur ces sujets, les lignes ont donc véritablement bougé. Il a fallu, pour ce faire, une bonne dose de pédagogie et prendre conscience du fait que le système actuel des relations commerciales, qui ont été trop encadrées au cours des vingt dernières années, avait des effets pervers.
Nous avons connu, en effet, un système d'encadrement des prix jusqu'en 1986, puis, depuis 1996, des systèmes qui ont complètement figé les relations commerciales entre industriels et distributeurs. Il est désormais nécessaire de faire souffler un vent de liberté, tout en conservant certaines formes de contrôle. Les dispositions que vous avez votées, notamment celles qui concernent le contrat unique, permettront de mieux encadrer ces relations.
Ce sujet technique et complexe est très important, car il concerne la vie quotidienne des Français. Au bout de la chaîne, ce qui est visé, c'est, en effet, le panier de la ménagère et le prix du produit vendu en hypermarché. Au final, c'est la question du partage de la valeur entre les différents acteurs économiques - consommateurs, producteurs, industriels, transformateurs, distributeurs - qui est en cause.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, nous devrons aller encore plus loin sur cette question et avancer dans le sens de la négociabilité des conditions générales de vente. Il nous fallait, pour cela, évaluer l'impact d'une telle mesure sur certains acteurs de la filière, en particulier sur les PME, qui sont les fournisseurs de la grande distribution.
À cet égard, je viens de rencontrer des entreprises du grand Ouest ; elles sont prêtes à suivre ce mouvement, mais elles ont besoin de mesures d'accompagnement.
Nous avons évoqué, au cours de nos débats, la question des délais de paiement et celle des abus de position dominante, qui doivent être mieux encadrés.
Nous devrons également nous pencher sur le problème de l'urbanisme commercial, car les lois qui ont été votées en ce domaine n'ont pas eu l'effet escompté. En tentant de préserver un système existant, on a créé, à l'échelon de bassins de vie, certaines rentes de situation qui ne profitent pas aux consommateurs, car la concurrence en matière de distribution y est trop faible.
Il nous faudra régler toutes ces questions. Avec Mme Christine Lagarde, nous avons confié à Mme Marie-Dominique Hagelsteen, l'ancienne présidente du Conseil de la concurrence, une mission sur ce sujet. Elle auditionne en ce moment même l'ensemble des parties concernées et nous fera des propositions à la fin du mois de janvier. Nous serons alors en mesure de présenter, dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, au printemps, des mesures fortes et importantes sur cette nouvelle organisation.
Je vous remercie également, monsieur le rapporteur, de vous être autant impliqué sur les mesures sectorielles de ce projet de loi. Le Sénat a, d'ailleurs, parfaitement joué son rôle en amendant ce texte et en l'améliorant, sans le dénaturer.
Vous avez été l'initiateur d'un amendement concernant les durées minimales d'engagement, qui, tout en étant dans le même esprit que la disposition votée par les députés, rendra le texte plus opérant et plus efficace par rapport aux problèmes que posent le déficit de concurrence entre les opérateurs et, surtout, l'excès de captivité.
Nous avons eu un long débat sur les notions de fidélité et de captivité. Aujourd'hui, le consommateur ne se sent pas suffisamment en mesure de faire jouer librement la concurrence. Cet amendement, que vous avez fait adopter par le Sénat, permettra des avancées importantes, car le consommateur pourra à nouveau, à l'expiration d'un délai de douze mois après la signature du contrat, mettre en concurrence les différentes offres des opérateurs.
L'amendement relatif à la vente à distance, également adopté par le Sénat sur votre initiative, constitue aussi une amélioration très attendue des consommateurs, comme en témoignent les nombreuses demandes en ce sens que nous avons reçues.
J'entends dire ici ou là qu'il n'y aurait pas eu de concertation. On me permettra de m'étonner que ceux qui pendant des mois avaient refusé toute forme de concertation au sein du Conseil national de la consommation nous accusent aujourd'hui de progresser dans un domaine aussi important pour les consommateurs, car, après tout, lorsqu'on vend un produit à distance, il n'est pas acceptable que l'on fasse payer ce qui ne relève que du simple respect du contrat en surtaxant certains appels.
Vous étiez par ailleurs très attaché, monsieur le rapporteur, comme le débat sur ce point entre la commission et le Gouvernement l'a fait apparaître, à ce qu'il soit explicitement permis au juge de soulever d'office les dispositions relatives à la protection des consommateurs. Tel qu'il a été adopté, l'amendement voté en ce sens devrait rendre notre système juridique plus opérant.
Le Sénat a également fait preuve de sagesse en s'opposant à un amendement sur le double étiquetage, dont on comprend l'utilité pédagogique, mais qui aurait sans doute eu des effets pervers, notamment en créant un risque de confusion pour le consommateur final.
Je sais gré aussi au Sénat des avancées - je pense notamment au relevé annuel et aux dispositions sur les crédits variables - qu'il a permises dans un secteur très sensible pour les consommateurs, celui des banques, secteur où il n'y a pas encore suffisamment de fluidité, de transparence et de concurrence entre les acteurs.
Nous aurons à retravailler dans les prochains mois, mesdames, messieurs les sénateurs, la question forte de la mobilité bancaire. Comme je l'ai indiqué à votre assemblée, c'est une priorité de la Commission européenne et cela doit aussi être l'une des nôtres. Il faut faciliter le changement d'acteurs dans le secteur bancaire, comme vous l'avez fait dans le domaine de la téléphonie.
Je veux évidemment évoquer les dispositions, qui n'étaient pas forcément attendues au départ, adoptées par votre assemblée sur le travail du dimanche et rendre à nouveau hommage à Isabelle Debré.
Votre collègue a eu le courage non seulement d'aborder un sujet difficile, comme le démontrent les débats animés qui ont eu lieu au cours des derniers jours et ce matin encore à l'Assemblée nationale, mais aussi de regarder la réalité en face en répondant aux attentes d'un secteur dans lequel les consommateurs, les acteurs économiques et les salariés conjuguent leurs volontés de travailler ensemble dans la même direction pour favoriser l'activité économique et créer de la richesse, le tout au bénéfice des consommateurs et avec des garanties protectrices pour les salariés.
Il s'agit en effet d'un système « gagnant » pour tout le monde, pour le consommateur, qui peut faire ses courses en famille à un moment qui s'y prête ; pour le distributeur, qui peut ouvrir son magasin à des horaires où il sait qu'il va réaliser une grosse part de son chiffre d'affaires ; pour le salarié, qui peut gagner deux fois plus tout en bénéficiant d'un jour de récupération.
J'observe d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que, dans certaines zones géographiques, des organisations syndicales qui, à l'échelon national, vous ont interpellés pour vous engager à ne pas voter cet amendement ont validé localement des accords d'ouverture le dimanche, comme l'ont fait trois syndicats nationaux à Plan de Campagne, dans les Bouches-du-Rhône.
Cela montre qu'il y a des spécificités locales et que la question doit être traitée en fonction de ces spécificités, car, comme j'ai eu l'occasion de le dire, elle ne se pose pas dans les mêmes termes dans le monde rural, dans les petites villes ou dans les grandes agglomérations.
Vous avez eu raison, madame Debré, et je tenais à vous en remercier à nouveau, de circonscrire votre amendement à un secteur d'activité particulier dans lequel l'ensemble des acteurs considéraient qu'il fallait avancer. Aller au-delà aurait en revanche nécessité des concertations avec les partenaires sociaux avant d'engager le débat au Parlement.
Enfin, monsieur le rapporteur, vous avez à juste titre rappelé l'épisode de l'amendement sur le quatrième opérateur. Après le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, je tiens à renouveler mes excuses devant votre assemblée. Vous avez compris qu'il s'agissait plutôt d'un dysfonctionnement dans l'organisation des travaux entre les deux chambres du Parlement.
Sur le fond, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez, les uns et les autres, eu l'occasion de vous exprimer et votre assemblée a pu confirmer son choix sur cette question qui se situe en effet au coeur du débat puisque, avec le quatrième opérateur, l'objectif est justement d'introduire davantage de concurrence dans le secteur de la téléphonie au service des consommateurs.
Au terme de cette discussion, je me tourne vers la majorité pour la remercier de son engagement et du soutien qu'elle a apporté au Gouvernement sur un « chantier » très important pour nos concitoyens et je remercie en particulier M. le rapporteur de son assiduité et de sa détermination.