Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 20 décembre 2007 à 15h00
Développement de la concurrence au service des consommateurs — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Ne réagissez pas trop vite, monsieur le secrétaire d'État : je vais vous donner acte de ce qui s'est réellement passé.

Le 17 juin un accord sur les prix a effectivement été conclu entre la grande distribution et les fournisseurs, mais cet accord était bien en retrait par rapport à l'effet d'annonce initial !

La baisse cumulée de 5 % des prix ne sera pas au rendez-vous final : l'accord ne portera que sur une baisse de l'ordre de 2 % pour la fin de l'année 2004 et de 1 % pour 2005, chiffres confirmés dans le rapport.

C'est pourtant à grand renfort de publicité autour de l'« accord obtenu » dans le secteur commercial que le Gouvernement annonçait une substantielle amélioration du pouvoir d'achat des consommateurs.

De leur côté, malgré les chiffres annoncés ici où là, la plupart des ménages français ne voyaient rien venir en termes d'amélioration de leur pouvoir d'achat, tout au contraire.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les appels contraints ; je parlerai moi des dépenses contraintes, en logement, en électricité et gaz ou en transport, ces dépenses qui ne cessent de peser de plus en plus lourdement sur le budget de nos concitoyens.

En août 2005 est publiée la loi dite « Dutreil », dont l'une des priorités était aussi d'améliorer le pouvoir d'achat des Français par le biais d'une baisse des prix de grande consommation. Mais, manifestement, les résultats ne furent pas à la hauteur des espérances. Des baisses de prix, il y en eut, certes, mais sur des produits ciblés, et ponctuellement. Les hard discounters continuent d'ailleurs de capter de nouvelles clientèles, de jouer sur la concurrence et de favoriser une pression générale sur les coûts des fournisseurs.

Côté pouvoir d'achat, les prix des produits de première nécessité ont continué leur progression et, à cet égard, mes chers collègues, je vous convie à consulter l'enquête réalisée par l'INSEE et par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Par exemple, les prix du gaz pour les particuliers ont augmenté de 6, 8 % en 2005 et de 12, 7 % en 2006. Et, si je me fie à ce l'on nous annonce, il y aurait encore une hausse de l'ordre de 5 % à 6 % au 1er janvier, et cela non pas en raison de l'indexation du prix du gaz sur le prix du pétrole, mais tout simplement, à en croire une dépêche de l'AFP du 28 novembre dernier, pour augmenter les dividendes des actionnaires et pour tenter de réduire le gap sur la valeur de l'action Gaz de France dans la perspective du projet de fusion avec Suez. C'est donc bien les actionnaires et leurs dividendes, et non pas l'ensemble des consommateurs et leur pouvoir d'achat, qui font l'objet de tous les soins du Gouvernement !

Fin octobre, le projet de loi, déclaré d'urgence, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs est déposé au Parlement, avec pour priorité, comme vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, l'amélioration du pouvoir d'achat, conformément aux déclarations du Président de la République et du Premier ministre.

La loi Chatel enterre en fait la loi Dutreil. C'est d'ailleurs un aveu d'impuissance à faire baisser les prix, échec confirmé par l'enquête menée à l'échelle nationale sur l'évolution des prix depuis quatre ans que j'évoquais précédemment.

Le prétexte était tout trouvé : il fallait aller plus loin et plus vite encore dans la réforme de la loi Galland, qui interdit la vente à perte et la pratique de prix abusivement bas. Bref, il fallait franchir un pas supplémentaire dans la libéralisation en alignant le seuil de revente à perte sur la base du « triple net » et en s'orientant à grands pas vers la négociation des prix, après avoir légalisé ce que d'aucuns ont appelé le racket des marges arrière dans le cadre de la loi Dutreil.

Difficile exercice pour vous, monsieur le secrétaire d'État, pour vous aussi, monsieur le rapporteur, que de travailler à un projet de loi qui semble déjà dépassé ! Ont en effet été concomitamment annoncés un projet de loi de modernisation de l'économie et un projet de loi pour le pouvoir d'achat, et ces textes ont tous un objectif identique.

Dans le même temps, certaines grandes enseignes de la distribution - inutile de les citer - font campagne sur le thème du pouvoir d'achat et dénoncent les faux chiffres de l'évolution des prix mesurée par l'INSEE. Elles réclament une abrogation de la loi Galland, une loi qui les empêcherait de faire leur métier de commerçant, qui ferait peser sur eux de fortes contraintes en encadrant la négociation commerciale - nous avons constaté, monsieur le rapporteur, quelle était l'attitude de certains grands distributeurs... - et en les obligeant à coopérer avec leurs fournisseurs ; bref, une loi qui les empêcherait - j'emploie le conditionnel à dessein - de baisser leur prix.

Les mesures contenues dans le présent projet de loi ne mettront pas un terme à l'opacité qui règne dans les relations commerciales. Elles risquent au final de déboucher sur des pratiques de prix d'appel et de « prix prédateurs » de la part de la grande distribution, avec le risque de fragilisation que cela implique sur le commerce de proximité et les petits fournisseurs, ces PME auxquelles nous sommes tous attachés.

Et, au moment où nous achevons la discussion de ce projet de loi, ces mêmes distributeurs expliquent qu'ils ne savent pas à quoi votre loi va bien pouvoir servir ! Selon eux, elle ne contribuera en tout cas pas à la baisse des prix à la consommation et à l'amélioration du pouvoir d'achat que vous promettez. Voici ce que déclare l'un de ces distributeurs : « Luc Chatel et Christine Lagarde créent une attente artificielle à laquelle on ne pourra pas répondre ». Je tairai son nom, pour ne pas lui faire de publicité, monsieur le secrétaire d'État !

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