Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 16 février 2005 à 15h00
Modification du titre xv de la constitution — Article 1er

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Mais je veux attirer l'attention de chacun d'entre nous sur le fait que, dès lors qu'il approuvera la révision constitutionnelle, il approuvera les 448 articles, les 36 protocoles, les 2 annexes, les 48 déclarations et le commentaire du praesidium qui a coordonné le travail de la Convention. En effet, tout cela peut être ramené à un principe affirmé par le texte : le principe de concurrence libre et non faussée.

Les travaux de notre assemblée doivent d'abord éclairer l'opinion publique des Français car, comme le disait Condorcet, il n'existe point de République sans républicains, et point de républicains sans esprit public éclairé.

C'est pourquoi, après avoir écouté avec beaucoup de soin Patrice Gélard dans la discussion générale et après avoir lu attentivement son rapport - qui, comme d'habitude, a le mérite de la clarté et de la franchise -, je souhaite lui poser un certain nombre de questions.

Est-il exact, monsieur le rapporteur, que nous ne sommes amenés à nous prononcer que sur certaines dispositions du projet de Constitution européenne et non sur d'autres parce que le Conseil constitutionnel a fait une certaine lecture du texte, qu'il a motivée dans sa décision du 19 novembre 2004 ?

Permettez-moi à cet égard de citer les propos qu'a tenus le président du Conseil constitutionnel à l'occasion de la présentation de ses voeux : c'est un bon résumé de ce qui s'entend parfois moins clairement quand on n'est pas juriste et qu'on lit les délibérations du Conseil constitutionnel.

« La construction européenne nous engage non seulement conventionnellement, mais encore constitutionnellement. (...) Oui, en raison du consentement constitutionnel et populaire dont il a bénéficié, le droit communautaire est d'effet direct et prévaut en cas de conflit sur nos normes nationales, y compris, dans la généralité des cas, sur nos règles constitutionnelles. »

Mais, dit-il, « Non, le droit européen, si loin qu'aillent sa primauté et son immédiateté, ne peut remettre en cause ce qui est expressément inscrit dans nos textes constitutionnels et qui nous est propre. »

Il souligne : « Je veux parler ici de tout ce qui est inhérent à notre identité constitutionnelle ». Il s'agit des principes qui fondent notre patrie républicaine, « au double sens du terme inhérent : crucial et distinctif ».

Le texte européen s'impose à nous, Français, et nous ne voyons nécessité de réviser notre Constitution que parce que nous en avons une certaine interprétation, celle qui est rappelée dans la délibération du 19 novembre 2004.

Pressentant qu'il pouvait y avoir conflit entre l'interprétation qu'en fait le Conseil constitutionnel français et l'interprétation que pourrait en faire, à la requête de tel ou tel Etat ou de tel ou tel groupe de citoyens, la Cour de justice de Luxembourg, le président du Conseil constitutionnel affirme : « Oui, il y aurait vice de consentement de la France si, le traité une fois entré en vigueur, les Cours de Luxembourg ou de Strasbourg allaient au-delà de cette lecture naturelle et raisonnable. »

Autrement dit, pour tous les sujets dont nous n'avons pas à débattre - mais dont nous pourrions penser qu'ils poseraient problème s'il venait à y avoir contradiction compte tenu de l'interprétation classique, républicaine, que nous avons de nos institutions -, nous sommes entièrement dépendants de l'approbation des juges de la Cour, c'est-à-dire que nous instituons le gouvernement des juges.

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