Je souscris complètement à ce que vient de dire notre collègue Jean-Luc Mélenchon.
Cet article 1er, selon les termes mêmes du rapport de M. Gélard, tend, « par sa généralité », à « lever l'ensemble des obstacles du traité ».
M. Gélard limite d'emblée cette généralité en relevant que lesdits obstacles sont des cas de non-conformité relevés par le Conseil constitutionnel.
Personne, jusqu'à présent ne s'est interrogé - il serait intéressant de le faire - sur le pouvoir considérable déféré au Conseil constitutionnel, qui, par le jeu des articles 54 et 89 de la Constitution, dispose, sur mandat du Président de la République, de la capacité de déterminer de l'adéquation ou de l'inadéquation d'un traité aux normes constitutionnelles qui régissent notre pays.
On est bien loin de cette idée fondatrice de la République que le peuple est Constituant ! Ce sont donc neuf personnalités, dont la légitimité démocratique est pour le moins indirecte, qui disposent de ce pouvoir considérable de « cadrer » le débat de révision.
Le débat qui nous intéresse aujourd'hui montre bien la portée de cette censure préalable sur ce qui devrait être tranché par le peuple si le Président de la République optait pour une révision référendaire.
La décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004 précise que le traité constitutionnel européen mettrait en cause des éléments essentiels d'exercice de la souveraineté nationale.
La portée du traité européen rendait évident un tel commentaire ! Cependant, là où l'intervention des juges constitutionnels se fait politique et d'opportunité, c'est dans le choix des éléments de souveraineté mis en cause et dans le choix des aspects de la Constitution française à modifier.
Je regrette ainsi, pour ma part, que le Conseil constitutionnel n'ait pas cru bon de s'intéresser à l'incompatibilité manifeste entre le traité européen et le préambule de la Constitution de 1946, qui, je le rappelle, fait partie du bloc de constitutionnalité.
Or, qui pourrait le nier, la logique profonde du traité européen - un libéralisme fondé sur la concurrence - s'oppose frontalement à la logique de solidarité exprimée par le préambule de notre Constitution.
Prenons l'exemple du service public, qui fait d'ailleurs l'objet d'une large discussion parmi certains députés européens : en France, le fondement des grands services publics est constitutionnel ; or la notion de service public est absente du traité européen. Et ce n'est pas qu'une question de mots, contrairement à ce que d'aucuns prétendent !
Plus généralement, le refus du Conseil constitutionnel de régler explicitement le rapport entre la norme européenne et la norme nationale apparaît étonnant et il s'apparente plus à une capitulation ou à un abandon qu'à une forme de résistance à l'intégration libérale.
La décision du Conseil constitutionnel du 19 novembre 2004 pourrait mettre une limite à la supériorité des normes européennes, à savoir les principes explicitement exprimés dans la Constitution française.
Cette décision est contraire, du moins en apparence, à celle du 10 juin 2004, qui, par un revirement, admettait, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la supériorité des normes européennes sur les normes françaises, Constitution comprise.
Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, reconnaissez qu'il y a de quoi y perdre son latin, ce qui serait un comble pour vous.