Intervention de Dominique Perben

Réunion du 16 février 2005 à 15h00
Modification du titre xv de la constitution — Article 1er, amendements 47 1

Dominique Perben, ministre :

Sur l'amendement n° 47 tendant à supprimer l'article 1er, vous comprendrez que le Gouvernement exprime un avis défavorable.

L'amendement n° 3 de M. Charasse pose sans doute une des questions centrales auxquelles il nous faut répondre, ce que fait, me semble-t-il, le texte proposé.

Cet amendement vise à préciser que la présente révision constitutionnelle est opérée dans le cadre de la décision du 19 novembre 2004 du Conseil constitutionnel. Or je tiens à indiquer clairement que telle est bien la position du Gouvernement ! La révision qui vous est proposée vise à lever les obstacles constitutionnels relevés dans la décision du 19 novembre 2004. Ceux-ci sont liés aux stipulations du traité relatives soit à l'exercice de certaines compétences par l'Union européenne, soit à de nouvelles prérogatives reconnues aux parlements nationaux.

En revanche, répétons-le, le Conseil constitutionnel a jugé que « ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, la charte des droits fondamentaux n'appelle de révision de la Constitution ».

Il a notamment fondé cette interprétation sur la stipulation du traité qui impose d'interpréter les droits posés par cette charte « en harmonie avec les traditions constitutionnelles ».

Tel est notamment le cas, comme l'a relevé le Conseil constitutionnel et comme l'a déjà jugé la Cour européenne des droits de l'homme, du principe de laïcité : vous avez cité l'exemple du foulard dans les universités turques. Ce principe de laïcité n'est donc en rien menacé par le traité.

En outre, votre interrogation me permet utilement de préciser qu'aucune jurisprudence ne saurait être opposée à la France sur ce point.

La présente révision va en effet autoriser notre pays à participer à l'Union européenne « dans les conditions prévues par le traité », comme le prévoit le projet de réforme.

Ces conditions ont été analysées par le Conseil constitutionnel, pour que soient levés les seuls obstacles constitutionnels qu'il a relevés, je le dis aussi à Mme Borvo Cohen-Seat.

En d'autres termes, par cette révision, vous n'autorisez pas - il me paraît très important de le dire pour que cela figure dans le compte rendu des débats - la levée d'obstacles constitutionnels que le Conseil constitutionnel n'aurait pas relevés, par exemple sur la charte des droits fondamentaux.

Si ces conditions venaient à être modifiées, elles ne seraient pas opposables à notre pays. C'est déjà ce qu'a jugé dans le passé, pour l'Allemagne, la Cour de Karlsruhe, ainsi que vous y avez fait allusion tout à l'heure, monsieur le sénateur. Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, d'ores et déjà souligné l'importance du dialogue entre juges européens et nationaux.

Par ailleurs, si un projet d'acte européen méconnaissait le traité constitutionnel, la France s'opposerait à son adoption à Bruxelles ou saisirait, le cas échéant, la Cour de justice.

Au total, monsieur le sénateur, votre consentement, comme demain celui du peuple, se fonde sur notre Constitution telle qu'elle a été interprétée le 19 novembre 2004 et modifiée en conséquence. Cette décision du Conseil constitutionnel sera d'ailleurs visée dans la loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, ce qui permettra de clarifier les choses. Dans l'ordre juridique interne, notre Constitution ainsi interprétée demeurera « au sommet de l'ordre juridique ».

Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement.

S'agissant de l'amendement n° 6 rectifié de M. Retailleau, qui tend à modifier l'article 88-1 de la Constitution pour préciser que l'adoption de ce traité « n'affecte pas la primauté de la Constitution française sur le droit européen », il convient d'opérer une distinction, comme l'a encore rappelé le Conseil constitutionnel, entre l'ordre juridique communautaire et l'ordre juridique interne. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

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