Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 16 février 2005 à 15h00
Modification du titre xv de la constitution — Article 2

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Beaucoup de choses ont déjà été dites.

Pour ma part, je forme le souhait que nos concitoyens s'intéressent à notre débat, car ce qui s'est dit tout à l'heure est à l'honneur de notre assemblée.

Je rappellerai l'extrême complexité de la décision que nos concitoyens ont à prendre. C'est la résultante, d'ailleurs, de ce processus constituant que je juge mauvais et non conforme à la tradition républicaine, moi qui suis partisan, tout comme vous monsieur Fortassin, d'une Europe démocratique, d'une Europe républicaine - j'ose le dire -, d'une Europe qui reconnaisse la seule souveraineté qui compte : celle du peuple, exprimée par ses représentants.

Nous ne sommes donc pas en désaccord sur ce point, mais plutôt sur la nature du texte qui nous est soumis : à côté de dispositions organisant les pouvoirs publics - et il est bien normal que nous en débattions -, un chapitre entier est consacré à l'introduction de toutes sortes de politiques. C'est un peu comme si l'on avait inséré dans la Constitution de la Ve République le code de la concurrence, le code du commerce, et j'en passe ! Il s'agit d'une aberration.

Cependant, mes chers collègues, cela résulte du processus lui-même : c'est une convention qui propose ce texte et non une assemblée constituante, ce qui fait une grande différence. En effet, une assemblée constituante n'est pas obligée de répondre par oui ou par non à 488 articles, dont 311 concernent des politiques économiques.

Les représentants du peuple auraient-ils moins de légitimité que le peuple à s'exprimer ? En ce cas, mes chers collègues, que signifient nos assemblées et nos parlements ?

Je regrette donc l'absence du processus constituant d'une assemblée élue à cette fin. Il nous aurait sans doute permis de converger sur bien des points, même si nous aurions constaté, certes, que nous divergeons sur d'autres.

Les Français devront se prononcer en matière d'organisation des pouvoirs publics européens, alors que, mes chers collègues, nous, parlementaires, éprouvons déjà les plus grandes difficultés à nous entendre et à être unanimes pour les comprendre : nous n'interprétons pas les textes de la même manière et nos opinions divergent sur ce qu'ils signifient ! Pourtant, nous sommes aidés par l'excellent document - je l'ai en main - qui est issu des travaux de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Le peuple français, quant à lui, n'est pas juriste, il n'a pas forcément la culture juridique qui fait parfois également défaut aux parlementaires que nous sommes. Or les Français devront se prononcer sur 488 articles... Et que publie-t-on à leur usage? Ceci !Un document où l'on prétend exposer aux Français la Constitution sur laquelle ils se prononceront. Il y est question de la partie I, de la partie II, de la partie IV, mais pas de la partie III. Pourtant, la partie III concerne toute leur vie quotidienne et les droits fondamentaux auxquels ils sont les plus attachés.

L'objet de ma remarque n'est pas de me prononcer sur le choix que les Français feront ; je déplore seulement, mes chers collègues - mais ceux qui siègent dans cette assemblée n'y sont pour rien -, que nos compatriotes ne soient pas en état d'être réellement constituants. Car on n'est pas constituant à l'occasion d'un plébiscite ; on n'est pas constituant lorsqu'on répond par oui ou non à 488 articles et à plus de 30 déclarations. Tout au contraire, mes chers collègues, les Français sont en cette occasion comme une troupe prise par les sentiments : s'ils votent oui, c'est bien ; s'ils votent non, c'est le chaos !

Et, lorsque nous aurons à voter sur d'autres élargissements, nous ne nous prononcerons pas sur les conditions politiques dans lesquelles les autres peuples participeront à notre grande Union européenne, mais nous nous prononcerons pour savoir si nous les jugeons dignes ou non de nous. Quelle affreuse incitation à s'affronter plutôt qu'à se rassembler ! Existe-t-il une exaltation des sentiments nationalistes plus ardente que celle-là ? C'est jeter les peuples les uns contre les autres que de leur dire que la valeur suprême qui les rassemble est la concurrence libre et non faussée !

Mes chers collègues, je remercie ceux d'entre vous qui ont bien voulu entrer dans le détail du texte. C'est en effet le texte à la main que nous devons dialoguer avec le peuple français. Pour le reste, que notre patrie fasse pour le mieux !

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