Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, un véritable malaise s'est installé au sujet de cet article 2.
Il suffisait, pour s'en convaincre, de suivre ce matin les débats de la commission des lois, de constater l'incapacité dans laquelle elle se trouvait de formuler tout simplement un avis sur certains points importants relevant de cet article 2.
Il suffisait également d'assister, hier soir, à la stupéfiante absence de réponse, soit de la part des membres du Gouvernement, soit de la part de M. le rapporteur, au plaidoyer de notre collègue Robert Badinter exposant les grandes incohérences et les lourdes conséquences qui résulteraient de l'adoption de cet article 2, lequel, vous le savez, mes chers collègues, instaure un étonnant référendum obligatoire pour l'adhésion future d'un certain nombre d'Etats à l'Union européenne.
Premièrement, cela n'a rien à voir avec l'objet du texte.
Deuxièmement, on a cru, en haut lieu, que cette disposition aurait pour effet de distinguer la question de l'adhésion de la Turquie, d'une part, de celle de l'adoption du traité constitutionnel, d'autre part. C'est exactement le contraire qui risque de se produire ! En effet, chacun a pu constater hier, ici même - et M. Badinter l'a rappelé -, que le Premier ministre avait consacré la moitié de son intervention à la Turquie. Ainsi, bien que ce sujet soit étranger à l'objet du texte, cela ne l'a pas empêché d'y consacrer la moitié de son exposé.
A partir du moment où le Gouvernement joint l'approbation du traité - et nous sommes nombreux à dire « oui » à ce traité - à cette autre disposition qui n'a rien à voir, à savoir qu'un référendum interviendra obligatoirement pour un certain nombre d'adhésions futures, on crée une confusion que, justement, on prétend vouloir éviter.
Mes chers collègues, on nous annonce qu'un référendum ne sera pas nécessaire pour l'adhésion de la Roumanie, de la Bulgarie ou de la Croatie, mais qu'il faudra prévoir un référendum, à chaque fois différent, pour les adhésions suivantes, c'est-à-dire pour la Bosnie, la Macédoine, le Monténégro, la Moldavie, l'Islande... Pour la Norvège, on a déjà dit deux fois « oui » ! Faudra-t-il attendre un référendum pour pouvoir dire « oui » une troisième fois ?
Par ailleurs, songez aux conséquences qu'aurait l'adoption de cet article 2 sur la diplomatie française ! Par rapport à tous les Etats qui frappent à la porte de l'Union, la France n'aurait pas de position, sinon conditionnelle.
Enfin, mes chers collègues, puisque nous croyons tous en la démocratie, si nous voulons que le référendum serve à quelque chose et que soit préservée la crédibilité de nos institutions, il ne faut pas que seule une petite partie des Français prenne part au vote.
Il y a donc un grand risque de décrédibiliser cette institution, en même temps qu'un grand risque de confusion.
En conclusion, si nous avons rencontré tant de difficultés ce matin et si, mes chers collègues, vous ne parvenez pas à répondre à cette question simple - pourquoi cet article 2 ? -, c'est, vous le savez bien, parce que nous n'avons pas de réponse à y apporter.