Intervention de Christian Cointat

Réunion du 16 février 2005 à 15h00
Modification du titre xv de la constitution — Article 2

Photo de Christian CointatChristian Cointat :

Il est alors lié, ce qui modifie le choix qui a été fait jusqu'à présent.

Il y a même, en quelque sorte, une sorte de méfiance à l'égard de la fonction présidentielle, puisqu'on pense qu'un Président de la République pourrait ne pas soumettre au référendum la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union.

Imagine-t-on qu'une affaire aussi importante, qui intéresse autant les citoyens français, pourrait être réglée uniquement par le Parlement sans que le peuple lui-même ait à se prononcer ? Je ne le crois pas !

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en France lorsqu'il a fallu trancher le cas du Royaume-Uni : après les positions prises par le général de Gaulle, le président Georges Pompidou n'avait d'autre choix que d'emprunter la voie référendaire, ce qu'il a fait.

Cet article 2 modifie donc un équilibre pourtant savamment étudié.

Par ailleurs, qu'on le veuille ou non, le Parlement est écarté de ce dispositif. Or, si le régime prévu par notre Constitution est certes à connotation présidentielle - et je m'en félicite -, il est néanmoins de nature parlementaire. Il me paraît donc étonnant que le Parlement ne soit pas cité dans cette approche.

Mes chers collègues, n'oubliez pas que l'on examine souvent les textes en les comparant à d'autres. On va ainsi se rendre compte que, pour tous les référendums prévus par notre Constitution, aux articles 11 et 89 - et même à l'article 74 pour les collectivités d'outre-mer -, le Parlement est consulté. Et là, pour une fois, il ne le serait pas ? On peut l'expliquer, mais je considère que ce n'est pas normal. Même si, dans la pratique, nous le savons bien - et les explications du Gouvernement peuvent, à cet égard, nous rassurer -, le Parlement sera consulté, il aurait été préférable de l'indiquer dans le texte.

Mais de sérieuses raisons d'ordre pratique s'opposent également à la rédaction qui nous est proposée pour cet article.

Que se passera-t-il pour l'adhésion d'autres Etats que la Turquie pour lesquels une conférence intergouvernementale n'a pas encore été convoquée ? Organisera-t-on un référendum lorsqu'on sera, un jour, obligé de régler le problème des petits espaces internes à l'Union européenne, qui sont autant de portes ouvertes sur l'extérieur ? Organisera-t-on un référendum pour l'adhésion d'Andorre, de Monaco, du Liechtenstein ou de la Suisse ? Cela risque de nous coûter très cher, et de dissuader quelque peu nos compatriotes de voter !

Cette question soulève un autre problème. Que se passera-t-il si, par malheur, le traité n'est pas ratifié ? Malheureusement, nous aurons conservé les articles 2 et 4 et nous ne serons pas plus avancés pour autant.

Les raisons de s'opposer à cet article sont donc diverses.

Je ne suis pas certain qu'aborder la question sous l'angle qui nous est proposé soit la meilleure façon de faire des Turcs nos amis.

Pourtant, on aurait pu éviter ces difficultés. Ainsi, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, on aurait pu, tout simplement, faire davantage confiance au Sénat et accepter qu'il amende le texte en première lecture, la navette se poursuivant alors avec l'Assemblée nationale.

Même si je comprends fort bien que l'urgence impose d'agir rapidement, ce texte alors amélioré aurait pu être voté conforme en deuxième lecture car, en première lecture, croyez-moi, cela me gêne. J'en suis très troublé, et en tant que parlementaire et en tant que républicain. En effet, si je siège parmi vous, c'est parce que je suis viscéralement républicain, que je crois au sens de ma mission. Oui, je me plais à croire que l'on peut s'acquitter de cette mission, remplir son mandat en déposant des amendements, en les votant, quitte, quand la raison d'Etat le commande ou quand le Gouvernement que l'on soutient nous le demande, à s'incliner. Mais il faut, à tout le moins, pouvoir s'exprimer !

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