Contrairement aux orateurs précédents, j'estime que l'article 2 est absolument nécessaire, parce qu'il ne faut jamais craindre l'avis du peuple. En tant que parlementaire et élu local, je n'ai jamais pensé que mes mandats seraient réduits si le peuple s'exprimait.
L'amendement n° 7 rectifié devrait permettre de conforter cette idée selon laquelle, obligatoirement, systématiquement, le peuple sera consulté.
L'article 2 du projet de loi est légitime puisqu'il correspond à la lettre de la Ve République. Monsieur Détraigne, vous avez cité les articles 11 et 89 de la Constitution. Ce n'est pas pour rien que les pères fondateurs ont gravé dans le marbre la possibilité de consulter le peuple.
Nous connaissons la pratique référendaire de la Ve République. Le général de Gaulle a fait usage du référendum à de nombreuses reprises.
Il est d'ailleurs étonnant de voir nos collègues de gauche, qui, hier, ont tant critiqué une trop forte présidentialisation du régime, déplorer une restriction des pouvoirs du Président de la République. C'est un peu contradictoire.
L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, car, en réalité, c'est la question qui est en cause, mérite-t-elle qu'à un moment donné - et le plus tôt eût été le mieux, vous le savez, mes chers collègues - le peuple soit consulté ? Bien sûr ! Valéry Giscard d'Estaing, qui a présidé la convention, l'a d'ailleurs reconnu. La présence ou l'absence de la Turquie au sein de l'Union européenne modifiera profondément les règles de fonctionnement du cadre juridique que nous sommes appelés à ratifier dans quelques mois.
L'adhésion de la Turquie est une question non pas de degré - est-ce que l'on augmente beaucoup le nombre d'habitants et de frontières de l'Union ? - mais de nature de ladite Union. Cette indétermination à l'égard des frontières, de la géographie de l'Europe correspond à une indétermination du projet politique. Il faut sortir de cette ambiguïté.
L'entrée de la Turquie dans l'Union européenne est sans doute compatible avec la conception du modèle d'une Europe espace, d'une Europe de libre-échange, d'une Europe anglo-saxonne. Cependant, le traité de 1995 prévoit déjà l'union douanière avec la Turquie.
En revanche, l'adhésion de la Turquie est incompatible tant avec la conception souverainiste qu'avec l'idée d'une Europe puissance. Cela doit être clair pour tout le monde.
Il existe bien sûr de nombreuses liaisons entre le traité constitutionnel et l'adhésion de la Turquie. Je ne rappellerai pas la phrase de Jean-Louis Bourlange, que je citais hier soir. Le nouveau traité va indexer le pouvoir des membres de l'Union sur leur poids démographique.
Si la Turquie devient membre de l'Union européenne, elle jouera un rôle de pivot dans plus de 75 % des décisions du Conseil européen. Je fais allusion à l'article paru dans le mensuel Economie et prévision.
Dans les années à venir, le pouvoir peut changer de main et, si les socialistes revenaient au pouvoir - ce que je ne souhaite pas -, il y a de fortes chances qu'un Congrès soit convoqué pour supprimer ce dispositif de référendum. Les propos de M. Gélard m'ont fait craindre une sorte de tour de passe-passe. Il a en effet précisé que ce qui serait instauré par cette révision pourrait être supprimé par la suite.
C'est pourquoi mon amendement a pour objet de sceller les choses et prévoit que, dans l'avenir, la disposition que nous nous apprêtons à voter ne pourra être modifiée que par un référendum, et non par un vote du Parlement réuni en Congrès.