Soit !
Très subsidiairement, à supposer que vous considériez, mes chers collègues, que, de façon définitive, il faille inscrire dans notre Constitution l'obligation de soumettre à référendum tout traité d'adhésion qui aura été signé mais non ratifié - serait-ce celui avec Monaco, la Bosnie, la Macédoine ou la Suisse -, il est important de sauvegarder les prérogatives « minimales » du Parlement. Ce dernier aura perdu, ce qui est prodigieux au regard de la tradition républicaine, le pouvoir de ratifier. Qu'on lui laisse au moins le droit - que vous, sénateurs, avez obtenu en 1995, grâce à l'insistance, à la fermeté du Sénat, et notamment du président Larché - de débattre sur l'objet d'une question qui va être soumise à référendum !
Il serait quand même extraordinaire et paradoxal que l'on débatte de l'objet du référendum dans toute la société française - dans les partis politiques, dans les associations, dans les sociétés de pensée, dans l'opinion publique -, mais pas au Parlement, au motif que ce n'est pas prévu dans la Constitution et que cela se trouve donc laissé aux accommodements que l'on sait. Je n'ai en effet pas besoin de rappeler ce qui s'est passé à propos de la Turquie et comment on a escamoté purement et simplement le débat préliminaire.
Il s'agit, ici, d'une prérogative que vous avez légitimement obtenue en 1995 et à laquelle on vous demande de renoncer sans que l'on puisse véritablement vous donner de raison. Est simplement invoqué le fait que ce traité s'inscrit non pas dans l'article 11 mais dans l'article 88-7. C'est un traité international ; il s'agit de ratification, il s'agit de référendum : qu'au moins le Parlement puisse en débattre, et que cela demeure dans la Constitution !
Et, encore plus subsidiairement, mais pas indifféremment, il faut savoir que lorsqu'il s'agit d'adhésion à l'Union européenne, le moment clé, qui a d'ailleurs été franchi en ce qui concerne l'adhésion de la Turquie, est l'admission de la candidature. Quand le Conseil européen ouvre les négociations d'adhésion, il ouvre en réalité purement et simplement la voie à l'adhésion. Cela peut prendre cinq ans ou dix ans, le chemin peut être rude, il faut absorber l'acquis communautaire, des discussions ont lieu avec la Commission. Mais, à ce jour, il est sans exemple qu'un candidat n'ait pas été en définitive admis. En effet, l'adhésion, c'est le « oui si » et les candidats, s'il est de leur intérêt d'entrer dans l'Union, finissent toujours par accomplir le « si ».
Si un débat parlementaire doit intervenir, c'est en amont. Nous demandons qu'un débat ait lieu au Parlement avant que le Conseil européen prenne la décision d'ouvrir les négociations d'adhésion. Reconnaissez que ce n'est pas grand-chose, mais cela évitera que ne se renouvelle ce à quoi nous avons assisté à propos de la Turquie.
Depuis un Conseil européen de 2002, on savait que l'adhésion de la Turquie se profilait à l'horizon. En a-t-on débattu avant le Conseil européen de 2004 ? Je dirais non, si on exclut ce qui a été arraché - c'est le terme qui convient - au Gouvernement : ce débat croupion qui s'est tenu, sans vote, à l'Assemblée nationale. Je ne parle pas du débat qui a eu lieu au Sénat ; on nous a fait l'hommage d'un débat postérieur à la décision du Conseil européen. S'il s'agit de débattre comme à l'Académie des sciences morales et politiques, je vous laisse y réfléchir.
Ces prérogatives parlementaires sont minimales et c'est elles que nous défendons.