Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 10 novembre 2005 à 15h45
Mise en oeuvre de la lolf dans la justice judiciaire — Débat de contrôle budgétaire sur un rapport d'information

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le rapport d'information de notre collègue Roland du Luart me donne l'occasion, en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois sur le budget de la justice, de vous faire part à mon tour des réflexions qui sont les nôtres sur les conditions de mise en oeuvre de la LOLF au niveau de l'institution judiciaire quelques semaines seulement avant que nous abordions l'examen au fond du budget de la justice pour 2006.

Les premiers commentaires auxquels je voudrais me livrer, monsieur le garde des sceaux, portent sur les contours de la mission « Justice ».

Je remarque, en premier lieu, que la justice administrative fait l'objet d'un sort particulier par rapport à la justice judiciaire, ainsi que l'a d'ailleurs souligné mon collègue Roland du Luart. En effet, la justice administrative constitue désormais un programme au sein d'une mission intitulée « Conseil et contrôle de l'Etat », qui est rattachée directement au Premier ministre, alors que, jusqu'à présent, les crédits de la justice administrative figuraient, comme ceux de la justice judiciaire, au sein du budget du ministère de la justice.

Or un tel choix nous paraît critiquable à plusieurs titres.

Tout d'abord, il convient de rappeler qu'il a été fait par le Gouvernement sans aucune concertation avec le Parlement. Voilà moins d'un an, au moment où je présentais à cette même tribune mon rapport sur le budget de la justice pour 2005, la justice administrative constituait encore l'un des six programmes de la mission « Justice » et il n'était pas envisagé de rattacher ce programme à une autre mission.

Ensuite, ce choix nous semble contestable au regard de l'esprit même de la LOLF. En effet, l'article 7 de la loi organique du ler août 2001 précise « qu'une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ». Or la justice administrative et la justice judiciaire ne sont-elles pas les deux versants d'une même politique publique consistant à rendre la justice ?

En ayant sorti le programme « Justice administrative » de la mission « Justice », la nouvelle maquette budgétaire offre en réalité une vision morcelée de cette mission pourtant essentielle de l'Etat.

Soucieuse d'avoir une vue la plus exhaustive possible de ce domaine, la commission des lois du Sénat a, pour sa part, préféré traiter ces deux programmes à l'intérieur d'un même avis budgétaire qu'elle a, au surplus, élargi à d'autres institutions participant à la justice de notre pays, telles que le Conseil constitutionnel, la Haute Cour de justice ou la Cour de justice de la République, qui sont inscrites dans la mission Pouvoirs publics.

Le fait que le Gouvernement justifie cette nouvelle architecture budgétaire au nom de la nécessaire indépendance des juridictions administratives due à leurs spécificités institutionnelles et à leurs fonctions particulières n'a pas paru totalement convaincant à la commission des lois. En effet, dans la mesure où l'on considère que le rattachement des institutions judiciaires au ministère de la justice ne remet nullement en cause leur indépendance, qui est garantie par la Constitution, pourquoi devrait-on considérer que l'indépendance des juridictions administratives serait menacée par un tel rattachement ?

Oserais-je dire, à titre personnel, qu'il y a une certaine crainte que les anciens élèves de l'Ecole nationale d'administration ne soient plus sensibles que les anciens élèves de l'Ecole nationale de la magistrature à telle ou telle influence ?

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