Puisque je suis cosignataire de deux amendements sur l'article 2, l'un de suppression, l'autre tendant à prévoir une consultation préalable du Parlement, je crois devoir expliquer mon vote, et mon explication sera sans doute quelque peu différente de celle que l'on vient d'entendre.
J'avoue d'abord ne pas « sacraliser » le référendum autant que certains des orateurs qui m'ont précédé.
Un électeur de mon département, qui n'est pas le premier venu mais qui n'est pas non plus un spécialiste de ces questions, me disait récemment qu'il ne voyait pas comment il pourrait, le moment venu, se prononcer lors d'un référendum sur la Turquie pour la bonne raison qu'il n'avait jamais mis les pieds dans ce pays ; s'il élisait des parlementaires, qui disposent, eux, des commissions et des moyens techniques nécessaires pour instruire les dossiers, c'était aussi pour pouvoir s'en remettre à eux pour prendre les décisions éclairées que, personnellement, il n'estimait pas être en mesure de prendre.
Cette réflexion ne me semble pas absurde, mais, quoi qu'il en soit, je ne suis pas non plus hostile à l'idée de recourir à un référendum pour l'adhésion d'un nouvel Etat.
Cependant, dans un système comme le nôtre, du fait de l'importance du Président de la République et de sa relation directe, presque charnelle, avec la population, je suis convaincu que la décision de recourir au référendum relève de son pouvoir supérieur d'appréciation de l'intérêt du pays et je ne comprends absolument pas que l'on veuille rendre le référendum obligatoire.
J'en vois d'autant moins la nécessité que j'estime que c'est au Président de la République qu'il reviendra d'apprécier, le moment venu, en fonction de circonstances que nous ne pouvons pas prévoir aujourd'hui, s'il faut ou non procéder à un référendum.
Si l'article 2 avait laissé à la procédure référendaire un caractère facultatif, il n'aurait pas présenté tous les travers qui ont, à juste titre, été dénoncés par Robert Badinter. Sans même parler de l'automaticité, pourquoi en effet un référendum pour les adhésions futures quand il n'y en a pas eu pour les adhésions antérieures ?
Je ne sais pas qui a imaginé de donner à la procédure un caractère obligatoire. J'avoue ne pas comprendre et, cher Patrice Gélard, je n'ai pas entendu d'explication claire sur ce caractère obligatoire, qui traduit effectivement une sorte de défiance à l'égard d'on ne sait quel Président de la République.
J'aurais compris que le Président de la République dise qu'il s'engageait personnellement à consulter le pays par référendum si la question se posait alors qu'il était encore en fonction. Cela aurait relevé de sa mission. En revanche, rendre le recours au référendum automatique n'est vraiment pas raisonnable, et c'est la raison pour laquelle j'ai signé l'amendement de suppression de l'article 2.
Encore que ce soit moins important, j'estime aussi, pour les raisons que notre ami Patrice Gélard a exposées, que la consultation du Parlement est tout simplement normale et qu'il est regrettable qu'elle ne soit pas prévue, d'où notre second amendement.
Je signale au passage qu'en ce qui me concerne je me situe dans la ligne du Président de la République sur la question de l'adhésion turque.
Je ne m'effraie pas de cette perspective, pas plus que je ne crois, monsieur Badinter, qu'il faille trop « prophétiser » : on ne peut pas dire que, dès lors que les négociations sont engagées, elles iront jusqu'au bout.
C'était vrai dans le passé, mais force est de reconnaître que nous en arrivons maintenant à des élargissements qui nous éloignent un peu du terrain connu de l'Europe. Il est donc évident qu'il y a beaucoup plus d'aléas.
Le poids des populations est énorme et je ne méconnais pas, tout en adhérant à la démarche du Président de la République, qu'il y a quantité de problèmes.
Il faut reconnaître qu'il s'agit d'un immense pari. On ne peut donc pas se livrer aux prophéties. Qui sait ce qui se produira ? Rien n'est assuré, ni dans un sens ni dans un autre, et il me paraîtrait convenable que, le moment venu, le Président de la République - quel qu'il soit alors - ait la possibilité de consulter le pays par voie de référendum si, dans l'appréciation souveraine et personnelle de ses responsabilités, il estime nécessaire de le faire.