J'ai signé l'amendement qui vient d'être présenté, je le trouve excellent et je souhaite vivement qu'il soit adopté. Si je défends le présent amendement de repli, c'est non pas dans un esprit de défaitisme, mais pour bien souligner les éléments suivants.
A mes yeux, l'amendement de Pierre Fauchon est un peu moins technique qu'il ne le dit. En réalité, nous avons deux questions différentes à trancher : la dénomination de l'organe qui, au sein de notre assemblée, est chargé des affaires européennes et la constitutionnalisation d'une instance qui permettra de mettre en oeuvre des compétences nouvelles.
En ce qui concerne la dénomination, je préférerais celle de « commission spéciale », non pas pour mettre en émoi les commissions permanentes, qui ont vocation à faire du travail législatif, mais pour modifier la perception qu'ont de nous nos partenaires européens.
En effet, lorsque M. Haenel, M. Frimat et moi-même travaillons avec ces derniers au sein de la conférence des organes spécialisés des assemblées de la Communauté, la COSAC, nous souffrons quelque peu, non pas d'être considérés comme des pauvres parce que nous n'avons qu'une délégation au lieu d'une commission spéciale, mais parce que nous donnons l'impression aux autres que les affaires européennes sont finalement un peu moins importantes pour la France que pour les autres pays, puisqu'elle ne possède pas, comme ses partenaires, un organisme bien implanté pour traiter ces questions. Cela est fâcheux. Si nous voulons entraîner nos partenaires, il faut leur donner le sentiment que, chez nous aussi, les affaires européennes sont considérées comme étant importantes.
J'en viens à la constitutionnalisation de la délégation. Je suis prêt à renoncer au changement de dénomination et à garder la délégation pour ne pas effaroucher les commissions permanentes. Il a d'ailleurs été rappelé que la délégation - ou la commission spéciale - serait composée de membres de ces commissions. Moi-même, tout en étant rapporteur des affaires européennes à la commission des finances, je suis très fier d'être vice-président de la commission des finances de notre assemblée et je ne voudrais pour rien au monde renoncer au travail législatif que cette responsabilité implique, au motif que la délégation aurait plus de pouvoirs. Je suis également très heureux de pouvoir travailler sur les questions financières au sein de la délégation. Ce sont deux rôles tout à fait complémentaires.
C'est une bonne chose que les commissions permanentes gardent leur vocation législative. Mais il me paraît important également qu'une commission spéciale nouvelle soit chargée de la mise en oeuvre des prérogatives nouvelles qui résultent en particulier des articles 88-5 et 88-6, lesquels constituent des innovations profondes.
Il faut en effet que nous puissions participer au débat, comme nos partenaires. La délégation y est prête, puisqu'elle travaille déjà en réseau avec l'ensemble des organismes correspondants des autres parlements nationaux. Nous pouvons instantanément voir s'il nous est possible de réunir une majorité du tiers des parlements nationaux pour exprimer un avis motivé.
Mais si notre organisme n'est pas constitutionnalisé, nous ferons le travail, puis nous serons obligés de laisser les autres parlements s'exprimer. Quant à nous, nous regarderons passer les trains ! Telle n'est pas ma conception de la construction européenne et, surtout, de la participation - que je souhaite - de la France au débat européen.
Hier, lors de la discussion générale, M. Hubert Haenel a indiqué que, après consultation de spécialistes du Conseil d'Etat, il avait le sentiment que nous pourrions peut-être continuer à travailler comme nous l'avons fait jusqu'à présent et exercer cette compétence nouvelle. J'aimerais en avoir la certitude. Je ne veux pas que nous nous exposions à des recours et que nous soyons, demain, soit dans l'incapacité d'exercer cette compétence nouvelle qui est très forte, soit dans la situation où nous regarderions passer les trains chez les autres.
Je souhaite que nous assumions cette responsabilité. Certes, elle ne s'inscrit pas dans notre tradition constitutionnelle. Nos partenaires, eux, sont déjà de plain-pied avec cette disposition aujourd'hui offerte aux parlements nationaux. Chez eux, elle est normale ; chez nous, elle surprend un peu !
Ne soyons donc pas surpris au point de la regarder bouche bée sans rien faire ! Acceptons la surprise, prenons-là et innovons : l'Europe mérite que nous innovions et que nous mettions en place une organisation nous permettant d'assumer cette compétence nouvelle qui, je le répète, n'enlèvera rien aux autres compétences.