Chacun se souvient des conditions dans lesquelles la Constitution de la Ve République a été préparée : elle a été élaborée dans des délais extrêmement courts, sans doute même les plus courts de toute notre histoire constitutionnelle, si je fais abstraction de l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire de 1815, qui a été rédigé à toute allure par Benjamin Constant, mais qui n'a pas vécu cent jours !
Il est donc fatal que ce travail accéléré comporte quelques oublis. Michel Debré lui-même s'est très vite aperçu de ce qui manquait notamment en ce qui concerne les commissions parlementaires.
Le général de Gaulle avait prescrit de réagir avec force contre l'abus de la multiplication des commissions sous la IIIe et la IVe République. La Constitution a donc fixé à six le nombre de commissions permanentes, sauf commissions spéciales créées au coup par coup. Plus exactement, la commission spéciale est la règle, la commission permanente l'exception, le nombre de ces commissions étant limité à six dans chaque assemblée.
Très rapidement, Michel Debré s'est aperçu qu'il avait fait un oubli, et avec l'ordonnance du 17 novembre 1958 dont le garde des sceaux a parlé tout à l'heure il a essayé d'y remédier en élaborant très vite un texte dont le Conseil constitutionnel a dit plus tard qu'il n'était pas organique, qu'il n'avait cependant pas vraiment le caractère d'une loi ordinaire. Cette ordonnance qui n'a pas été soumise à l'époque au Conseil constitutionnel parce qu'il n'existait pas a prévu d'ajouter les commissions d'enquête et de contrôle. Depuis lors, nous avons supprimé les commissions de contrôle.
Sous la poussée des événements, notamment de l'évolution de notre société, des exigences nouvelles sont apparues et nous avons été conduits à multiplier les délégations, la première étant celle pour l'Union européenne que le Conseil constitutionnel a laissé passer alors que certains se demandaient si elle était vraiment conforme à la Constitution. J'ai toujours pensé que les délégations n'étaient pas contraires à la Constitution pour une raison très simple : elles ne participent pas au processus législatif, comme c'est le cas pour les commissions permanentes.