Tout d'abord, notre collègue souligne que la LOLF agit plus comme un révélateur et un amplificateur des problèmes préexistants que comme un créateur de difficultés nouvelles. De ce point de vue, l'apport de la LOLF est très positif : pointer très clairement, de manière chiffrée, les problèmes réels est un progrès.
Plus généralement, la LOLF me paraît révélatrice des changements profonds du système judiciaire et de la hiérarchie de ses objectifs. Nous n'avons d'ailleurs peut-être pas toujours pleinement conscience de ces évolutions. Permettez-moi donc de vous en rappeler quelques-unes.
Il s'agit d'abord de la multiplication des textes, une inflation législative sans étude d'impact en termes budgétaires. Tout le monde dénonce cette tendance, mais tout le monde s'y prête, parfois à tort, parfois avec raison.
On a ainsi l'impression d'élaborer des lois pour un monde sans pesanteur, sans se préoccuper de leur application. L'intendance est censée suivre.
A ce sujet, j'ai été assez intrigué, monsieur le garde des sceaux, par votre réponse à Mme Elisabeth Guigou, lors du débat sur la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Vous aviez en effet déclaré : « Je m'étonne que Mme Guigou estime que la démocratie exige qu'on se donne immédiatement les moyens des mesures qu'on veut faire voter. »
Le terme « immédiatement » n'est peut-être pas approprié, mais ce n'est pas une raison pour le remplacer par « jamais » !
Permettez-moi de vous citer très rapidement deux exemples, que vous connaissez d'ailleurs certainement.
J'ai lu que la loi du 3 février 2003 relative à la conduite sous l'influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants aurait entraîné 25 000 consultations médicales supplémentaires.
De même, les lois Perben comportent au moins onze mesures ayant un effet direct sur les frais de justice.
La judiciarisation de l'application des peines constitue une charge de travail supplémentaire considérable pour le juge concerné, mais également pour le parquet et pour le juge des libertés et de la détention.
La deuxième caractéristique des évolutions de notre système judiciaire concerne le mouvement inéluctable vers une justice où la preuve matérielle et les conclusions de l'expertise technique prennent progressivement la place de l'aveu. Si cette tendance est positive, elle est également coûteuse.
En effet, comme l'ont souligné les deux intervenants précédents, une bonne part de l'accélération de l'augmentation des frais de justice est due aux frais d'expertise tant dans le domaine médical, notamment génétique, que dans celui de la téléphonie mobile.
L'utilisation de fichiers de plus en plus lourds à produire et à exploiter et le traitement des données issues des communications créent des charges financières supplémentaires. Le coût des interceptions sur les réseaux mobiles a triplé entre 2001 et 2003.
Le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme comporte des dispositions qui susciteront de nouvelles demandes en matière de traitement des informations vidéo, donc de nouveaux frais. On peut dès lors s'interroger sur le financement de ces mesures. Les moyens nécessaires seront-ils prélevés sur le budget de la mission « Justice » ou sur celui de la mission « Sécurité » ? En tout état de cause, il faudra bien que quelqu'un paie !
Dans ces conditions, la question de la tarification de certaines prestations se pose nécessairement.
Permettez-moi à ce sujet de rappeler certaines des préconisations émises et des actions déjà lancées : faire davantage appel à la concurrence et demander aux opérateurs téléphoniques des « gestes commerciaux ». Ainsi la Chancellerie a-t-elle déjà obtenu une baisse de 10 % du coût de ses communications.
Certes, mais nous pourrions également vérifier si certains opérateurs ne profitent pas de leur position dominante.
A ce propos, je citerai notre collègue Yves Détraigne : « Il est parfois difficile de porter un jugement sur les tarifs appliqués, faute de connaître les coûts réels des recherches effectuées ».