... et, tout d'abord, en raison des risques d'éclatement de la justice judiciaire. En effet, les perpétuelles dichotomies « parquet-siège » ou « pénal-civil » contribuent à brouiller le message d'unité de notre justice. La sortie de la justice administrative ne peut que renforcer cette tendance à l'éclatement, alors même que nos concitoyens attendent un message fort donnant plus de lisibilité à l'ensemble de notre justice.
Voilà les quelques observations qu'au nom de mon groupe je souhaitais faire sur cette question, en soulignant qu'il nous aurait semblé utile d'adresser ce signal au monde judiciaire.
Je souhaite maintenant évoquer la difficile question de l'évolution exponentielle des frais de justice.
Notre excellent rapporteur a mis en lumière cet accroissement notable qui dévore, quasiment à lui seul, l'ensemble de la progression du budget de la justice depuis plusieurs années. En effet, il est légitime que nous trouvions décevant que l'ensemble des efforts financiers réalisés chaque année depuis 2002 en faveur du budget de la justice soit presque absorbé par ces seuls frais de justice.
Ainsi, les frais de justice ont augmenté de 11 % en 2002, de 17 % en 2003 et de 23 % en 2004, pour représenter 90 % de l'augmentation des crédits, alors que le volume des affaires n'augmente assurément pas dans les mêmes proportions.
L'effort financier consenti chaque année par nos concitoyens pour augmenter les moyens de la justice judiciaire pourrait donc leur sembler vain, alors qu'ils attendaient une justice plus efficace et plus proche de leurs préoccupations.
Evidemment, il n'est pas dans mon propos de critiquer les magistrats et les officiers de police judiciaire, qui prescrivent des actes essentiels au déroulement d'une enquête et qui utilisent le plus souvent avec rigueur les moyens qui leur sont alloués.
Bien sûr, ainsi que l'ont souligné Roland du Luart et, bien avant lui, en commission et en séance publique, le président Jean Arthuis, il est souhaitable de sensibiliser tous les acteurs à ces questions budgétaires et au coût de ces actes pour les contribuables. De ce point de vue, je ne doute pas que la mise en oeuvre de la LOLF contribuera à accentuer ce processus de responsabilisation financière, déjà plus engagé qu'on ne veut bien souvent le dire.
Mais l'honnêteté nous impose de souligner notre responsabilité en tant que législateurs.
Depuis vingt ans, nous avons adopté dix-huit réformes de la procédure pénale, apportant, chacune, leur lot de nouveaux dispositifs utiles mais coûteux : indemnités versées aux jurés d'assises ; mise en oeuvre du fichier national automatisé des empreintes génétiques ; dépistage des stupéfiants au volant ; opérations d'infiltration ; frais d'écoutes téléphoniques ; prise en charge des frais de déplacement des victimes, etc.
De la même manière que nous ne renions pas les progrès de la médecine et en acceptons le coût, nous devons, si nous prétendons doter notre justice des moyens technologiques modernes, en assumer les coûts correspondants.
Toutefois, à l'heure où nous nous apprêtons à étendre encore les fichiers judiciaires et à généraliser les bracelets électroniques, nous devons avoir conscience du coût conséquent de chacune de ces mesures.
Il est donc grand temps que le législateur se responsabilise en amont, lorsqu'il adopte des dispositifs, mais aussi qu'il ne reproche pas aux magistrats d'utiliser, en aval, ces mêmes dispositifs. La responsabilisation financière de l'un doit être le pendant de la responsabilisation financière de l'autre.
Le très prochain débat budgétaire sur la mission « Justice » devra nous permettre d'éclairer plus en profondeur les pistes que nous entendons développer pour utiliser au mieux les crédits alloués à la justice, à la double fin d'en améliorer l'efficacité et de répondre aux aspirations de nos concitoyens, qui attendent plus de transparence dans le fonctionnement du monde judiciaire.