Madame le garde des sceaux, vous déclariez très récemment devant le tribunal de grande instance de Bobigny : « La justice ne peut être ferme si elle n'est pas humaine. Une justice humaine, c'est aussi une justice qui respecte totalement ceux qui sont condamnés. » Comment pourrions-nous ne pas souscrire pleinement à cette affirmation ?
Après avoir examiné le projet de loi visant à instaurer des peines minimales pour les récidivistes, nous sommes aujourd'hui saisis d'un texte qui institue, conformément aux engagements du Président de la République, un contrôleur général indépendant des lieux privatifs de liberté.
Ces deux projets de loi, loin d'être antinomiques, constituent les fondements d'une justice que vous souhaitez, à juste titre, à la fois ferme, lisible et humaine.
Si la fermeté à l'égard des délinquants et des récidivistes est une nécessité, et si notre arsenal juridique devait être renforcé afin de nous prémunir contre des cas de récidive parfois très graves, il convient, toutefois, de respecter pleinement les droits fondamentaux des personnes privées de liberté.
La sanction doit être sévère, lorsque la gravité de l'acte commis l'exige, parce que le comportement de l'auteur de l'acte incriminé le nécessite. Pour autant, une justice se doit de toujours garder un visage humain. Une justice humaine, c'est une justice qui reste attentive non seulement aux victimes, mais aussi à la situation des condamnés. C'est une justice soucieuse du respect dû aux personnes. La volonté d'améliorer l'efficacité de notre justice ne peut pas se faire au détriment des principes fondamentaux de notre droit. L'emprisonnement doit toujours s'effectuer dans des conditions qui s'accordent avec le respect des personnes.
La privation de liberté ne signifie en aucun cas privation de l'accès au droit. La justice doit savoir concilier une exigence d'efficacité et de fermeté et le respect des libertés individuelles. Il importe d'assurer un juste équilibre entre ces différents objectifs.
Aujourd'hui, notre assemblée a toutes les raisons de se réjouir que la justice, placée sous votre autorité, madame le garde des sceaux, soit l'un des grands chantiers ouverts par le Gouvernement au début de cette nouvelle législature. Comme cela vient d'être rappelé, c'est avec constance, et ce depuis de nombreuses années, que le Sénat accorde une attention toute particulière au fonctionnement de la justice.
Voilà sept ans, le Sénat décidait la création d'une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Son président et son rapporteur étaient respectivement notre éminent président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, et notre ancien collègue Guy-Pierre Cabanel. Dans son rapport d'enquête, la commission soulignait la nécessité absolue d'améliorer sans attendre les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires. Sa conclusion était sans appel : « Il y a urgence... Il y a urgence depuis deux cents ans ».