Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais tout d'abord saluer le travail pertinent effectué par la commission, laquelle a notablement amélioré le texte.
Le débat a également permis d'intégrer de nouvelles dispositions par l'adoption d'amendements des groupes minoritaires, y compris le groupe CRC. C'est un fait assez rare pour que nous le soulignions.
J'ajoute que nous aimerions que cet esprit constructif anime également les discussions d'autres projets de loi, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas.
Le projet de loi soumis à la Haute Assemblée comporte de véritables avancées en termes de transparence.
En effet, la création du Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, ainsi que la reconnaissance légale des CLI ne peuvent que nous satisfaire.
Nous sommes, par ailleurs, particulièrement favorables à la création d'un régime spécifique pour les installations nucléaires de base.
Cependant, nous sommes toujours au regret de constater que ces points positifs du projet de loi s'accompagnent, parallèlement, de mesures qui sont de nature à compromettre la sécurité nucléaire.
En effet, la création de la Haute autorité de sûreté ne se justifie que dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du nucléaire civil.
Comme M. le rapporteur de la commission des affaires économiques le reconnaissait lui-même ce matin en commission, la création de cette autorité administrative indépendante n'a de sens que dans le cadre d'un marché ouvert.
Vous l'avez compris, dans cette discussion, cette hypothèse ne nous convient pas.
En effet, nous estimons que les enjeux de la politique énergétique nécessitent une maîtrise publique. Les exemples européens et internationaux où la libéralisation a été la plus avancée nous incitent à la plus grande des prudences.
De plus, seule la maîtrise publique permet de garantir l'indépendance énergétique, la mise en oeuvre des investissements nécessaires, les efforts de recherche conséquents ainsi que la sécurité des approvisionnements, a fortiori lorsque l'État fait le choix, que nous partageons, du développement de l'énergie nucléaire.
Nous sommes en effet convaincus que, au regard des impératifs de réduction de l'émission des gaz à effet de serre et de l'explosion des besoins, l'énergie nucléaire est une réponse appropriée.
Cependant, les risques spécifiques liés à cette énergie doivent être pris en compte. Il s'agit notamment de la gestion des déchets - nous en parlerons dans quelques mois -, mais aussi de la sûreté des installations et des investissements pour le renouvellement du parc nucléaire parallèlement à la question du démantèlement des centrales.
Ces impératifs sollicitent une maîtrise publique des objectifs en matière nucléaire, mais aussi une maîtrise publique des exploitations nucléaires productrices d'électricité.
Nos amendements concernant la structure de l'entreprise EDF ne sont donc nullement des cavaliers ; ils ont trait directement à la question de la sécurité nucléaire.
En effet, l'entrée de capitaux privés dans les entreprises publiques change fondamentalement les règles de gestion de l'entreprise.
À la satisfaction des besoins collectifs se substitue la satisfaction d'intérêts privés. Le projet industriel de l'entreprise se résume alors à la rémunération du capital, à l'augmentation des marges des actionnaires et à la réduction des coûts. Celle-ci passe par la diminution des garanties sociales et des coûts de maintenance. Autrement dit, la rentabilité se fait au détriment de la sécurité.
Ainsi, nous continuons de penser que le statut d'EPIC de l'entreprise EDF garantissant la présence de capitaux publics est un des éléments de la sécurité nucléaire.
Dans un contexte national où la fusion de GDF et de Suez se dessine, où la rumeur de fusion entre EDF et Veolia se répand, nous ne pouvons accepter que le Gouvernement, par le biais de la haute autorité qu'il vient de créer, se dessaisisse du contrôle de la sûreté nucléaire et de la réglementation pratique des installations nucléaires de base.
Cette haute autorité est, dans ce sens, l'instrument d'un désengagement de l'État.
En effet, cette externalisation des missions confiée à la haute autorité correspond à une dilution de la responsabilité gouvernementale dans ce domaine si important qu'est la sécurité nucléaire.
Si ce texte est adopté, le Gouvernement ne sera plus considéré comme responsable, en son nom propre, de la sûreté nucléaire. Nous pensons alors que l'objectif ambitieux visé par ce projet de loi ne sera pas atteint.
Pour cette unique raison, et ce malgré les dispositions positives de ce texte, nous ne voterons pas ce projet de loi, qui prépare l'ouverture à la concurrence du nucléaire civil.