Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de présenter devant vous, à la fois, une mission parmi les plus importantes du budget en termes de volume de crédits, et deux comptes spéciaux dont l'enjeu, dans chaque cas, s'avère essentiel pour la réforme de l'État.
Je dépasserai peut-être mon temps de parole de cinq minutes, monsieur le président, car il est difficile de comprimer ce rapport « trois en un » même si je vais à l'essentiel !
Je commencerai mon exposé par la mission « Engagements financiers de l'État ».
Cette mission, au total, regroupe plus de 40 milliards d'euros de crédits pour 2007. Elle constitue ainsi le troisième poste budgétaire, après l'enseignement scolaire notamment, mais avant la défense.
Je n'évoquerai que le programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », qui concentre 96 % des crédits de la mission, soit 39, 19 milliards d'euros en crédits évaluatifs.
Ce montant correspond à la charge nette de la dette de l'État, avant les recettes issues des contrats d'échange des taux. Ces swaps, l'année prochaine, devraient représenter une atténuation de charge de 267 millions d'euros, soit un peu moins de 0, 7 % du total, ce qui portera la charge nette de la dette après swaps à 38, 92 milliards d'euros.
Dans sa quasi-intégralité, cette charge résulte de la dette négociable de l'État. La hausse prévue, en ce domaine, pour 2007, de l'ordre de 0, 4 % en volume, est principalement liée au financement du déficit budgétaire, qui doit s'élever à 41, 7 milliards d'euros.
Nous pouvons donc une nouvelle fois méditer sur le fait que le volume du déficit est pratiquement équivalent au service de la dette.
Sans vouloir recommencer, ce matin, le débat que nous avons eu mercredi après-midi dans cet hémicycle, je rappellerai quelques chiffres intéressants.
La dette négociable de l'État, qui constitue 95 % de sa dette totale, devrait à la fin de l'année 2006 atteindre 887, 9 milliards d'euros.
La dette globale de l'État correspond à près de 80 % de la dette des administrations publiques françaises, dont le montant, à la fin de l'année 2005, était de 1 138 milliards d'euros !
Le ratio d'endettement de nos administrations était ainsi de 66, 6 % du PIB. Il est aujourd'hui estimé à 65, 5 %. Ce ratio est compris entre la moyenne des vingt-cinq États membres de l'Union européenne et celle de la zone euro, mais sa dégradation s'avère progressive, d'une année sur l'autre, même si l'on enregistre actuellement une certaine atténuation.
Je l'ai déjà dit mercredi, sur 100 euros versés par le contribuable, 15 euros servent à financer cette charge de la dette. M. le président de la commission des finances a une formule encore plus lapidaire : à partir du 6 novembre, nous dépensons l'argent de nos petits-enfants, l'argent consacré par nous au budget de l'année étant épuisé à cette date.
Je rappelle également que, si la charge nette de la dette de l'État se maintient depuis plusieurs années en dessous de 40 milliards d'euros, c'est grâce au niveau historiquement bas des taux. Cela expose la France à un risque de variation des taux, qui n'a plus rien d'une vague hypothèse dès lors que la Banque centrale européenne depuis 2005 remonte ses taux directeurs, suivant l'orientation de la politique monétaire des Etats-Unis, ce qui changera peut-être dans les semaines qui viennent !
À cet égard, j'attire de nouveau votre attention, mes chers collègues, sur l'effet progressif de la sensibilité de la charge de la dette aux variations de taux d'intérêt : toutes choses égales, par ailleurs, une augmentation des taux de 1 % en 2007 se traduirait par une hausse de la charge d'intérêt sur la dette de 6 milliards d'euros en 2012, soit une aggravation de plus de 20 %.
Dans ce nouveau contexte, l'augmentation de l'encours de la dette négociable en 2006 n'a été contenue que grâce, en premier lieu, à des rachats de titres de dette, financés par 13, 3 milliards d'euros de recettes de privatisations - je reviendrai sur ce sujet - et grâce, en second lieu, à une gestion optimisée de la trésorerie. Cependant, il s'agit là d'une opération unique nommée couramment « fusil à un coup » !
L'encaisse de précaution que constitue la trésorerie libre de l'État a été réduite, ce qui a permis de restreindre l'encours de la dette à court terme de 14 milliards d'euros entre janvier et août 2006, et de revoir à la baisse le programme de financement à moyen et à long terme, à hauteur de 10 milliards d'euros par rapport aux prévisions initiales.
En outre, l'Agence France Trésor s'est dotée d'un bon du Trésor à très court terme, d'une maturité de deux à six semaines, émis pour la première fois au début du mois de septembre dernier. L'opération a permis de lever 2, 5 milliards d'euros pour une période de dix jours afin d'anticiper les rentrées fiscales du mois de septembre.
C'est une mesure intéressante. Mais, comme l'a indiqué le rapporteur général, notre collègue Philippe Marini, mercredi dernier, elle doit rester cantonnée à la couverture de besoins ponctuels de trésorerie et ne pas devenir une opération reconductible de manière rapide et permanente.
Au passage, je répète que la commission des finances a vivement regretté - je me tourne vers vous, monsieur le ministre - l'absence de mise en oeuvre de l'article 73 de la loi de finances pour 2006 - adopté sur l'initiative de la commission -, qui donnait au ministre de l'économie et des finances la faculté d'émettre pour le compte de la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, par l'Agence France Trésor un certain nombre de titres.
Il y aurait eu là la possibilité d'économiser quelques dizaines de millions d'euros, en évitant l'écart de taux d'intérêt constaté entre les opérations de gestion de la dette « souveraine » et celles de la dette sociale.
J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le ministre, mercredi : la gestion de la dette sociale par l'Agence France Trésor dégraderait significativement le solde financier. Sans doute, mais vous savez bien que ce ne serait qu'un effet d'optique, d'ailleurs plus proche de la réalité que celui qui est aujourd'hui en place !
Une réflexion est en cours - parfait -, mais commencez, s'il vous plaît, monsieur le ministre, par prendre le décret d'application d'ores et déjà prévu par le législateur. C'est la loi, monsieur le ministre !