Depuis environ vingt ans, le grand public ayant découvert les conditions de détention dans l'univers carcéral, il est devenu moins incongru de vouloir améliorer les conditions de vie des détenus. À cet égard, il nous faut reconnaître et saluer le travail intelligent et patient de l'Observatoire international des prisons.
En revanche, le fait que ce texte soit séparé de celui qui nous est annoncé pour l'automne sur l'ensemble de la situation pénitentiaire nous paraît difficilement compréhensible. Pourquoi ne pas tout régler en même temps ?
De nombreuses initiatives parlementaires ont vu le jour depuis 2001, telles que celles de nos collèges Louis Mermaz et Jean-Jacques Hyest, mais aucune n'a abouti. Des personnalités, devenues ministres depuis, sont intervenues pour dénoncer les conditions de vie dans certains lieux de détention français. Vous ne pouviez donc plus rester insensible à ce sujet, madame le garde des sceaux.
Malheureusement, les solutions proposées sont si diverses qu'il est difficile de parvenir à un consensus. La visite et le contrôle des lieux de privation de liberté comptent au nombre des prérogatives d'une multitude d'organismes et de fonctions.
Cette accumulation de structures spécifiques, sans aucune relation entre elles, demeure pourtant souvent inefficace. En outre, l'administration reste trop souvent muette face à leurs différentes suggestions.
Les autorités judiciaires, comme les parlementaires, ont certes le pouvoir de visiter inopinément un centre de privation de liberté, mais pour quel résultat ? Lors de mes visites des centres de détention de mon département, je n'ai pu que constater, puis interpeller, sans grande conséquence. Le parlementaire dispose plus d'un pouvoir d'information que d'un réel moyen d'action.
Certes, votre texte améliore l'existant puisqu'il crée une autorité administrative indépendante que pourront saisir le Gouvernement et les parlementaires, mais également des personnes physiques, ainsi que les associations ayant pour objet le respect des droits fondamentaux.
L'OIP a toutefois mis un bémol et s'est inquiété de la protection des détenus qui effectueraient eux-mêmes cette démarche. En effet, on sait tous aujourd'hui qu'il n'est pas évident pour un détenu d'émettre des critiques envers l'administration pénitentiaire qui gère son quotidien !
Ce texte fait d'ailleurs l'objet de plusieurs critiques, de la part des auteurs des précédents textes et des acteurs de terrain. Cela n'est pas sans nous rappeler, dans la démarche, le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
Ainsi, le projet de loi que vous nous proposez aujourd'hui, madame le garde des sceaux, ne prévoit qu'un seul contrôleur général. Certes, le texte envisage qu'il pourra avoir des assistants, directement recrutés par lui. Pourtant, leurs compétences et l'étendue de leurs pouvoirs ne sont pas définies. Nous aimerions donc avoir un peu plus de détails sur le dispositif qui sera mis en place, madame le garde des sceaux.
Il est par ailleurs prévu que seul le contrôleur général pourra visiter les lieux de privation de liberté, mais aucune énumération ou précision ne nous est donnée. Certaines questions restent donc en suspens quant aux lieux concernés.
De plus, ce texte concerne bien plus que les quelque deux cents prisons françaises. Il s'appliquera à tous les lieux de privation de liberté, soit près de 6 000, comme cela a été rappelé tout au long de la matinée. Il est donc sûr que certains d'entre eux ne seront jamais visités et que le contrôleur général sera très vite débordé.
Que dire du fait que le contrôleur général devra informer de sa visite les autorités responsables des lieux de privation de liberté ?