Intervention de Hélène Luc

Réunion du 2 décembre 2006 à 10h30
Loi de finances pour 2007 — Article additionnel après l'article 48

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Nous avons déposé cet amendement, car, comme vous le savez, nous avions combattu en 1973 l'adoption des dispositions concernées sur les privatisations.

Je voudrais appuyer la défense de mon amendement sur un exemple précis, celui de la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne, la SEMMARIS, qui gère le marché international de Rungis.

Sous couvert d'une nécessaire recapitalisation du marché d'intérêt national, le MIN, de Rungis, l'État actionnaire a décidé de se désengager au profit d'opérateurs privés. Cette opération, qui a été rendue publique en août dernier par voie de presse, sans que le conseil d'administration de la SEMMARIS en soit saisi, comporte deux aspects : d'une part, une augmentation de capital, qui sera le fait de l'État, d'autre part, une cession d'actions de la part de l'État, principalement destinée à des investisseurs de droit privé.

Les besoins de recapitalisation pour la modernisation du plus grand marché de produits frais mondial sont indiscutables. Doivent-ils se faire dans un double mouvement de désengagement de l'État et d'arrivée d'actionnaires privés étrangers à la profession, plus soucieux des cours de la Bourse que de ceux des produits alimentant quinze millions de personnes dans notre région et au-delà ?

À cette question, nous répondons clairement : non !

Nous partageons les préoccupations et les exigences des professionnels du marché lorsqu'ils déclarent que « l'État et les collectivités locales doivent garder ensemble la majorité du capital de la SEMMARIS. Il est hors de question que ce soient des fonds d'investissement qui veulent faire des ?coups? avec Rungis ».

Il est indispensable que les collectivités publiques restent majoritaires au sein de la SEMMARIS et qu'elles continuent d'accompagner, dans une logique de service public, le nécessaire développement du marché d'intérêt national de Rungis.

Il est regrettable que soit mobilisée une ressource prêtée par l'État à la SEMMARIS - une avance d'actionnaire remboursable datant de 1973, destinée à de précédents investissements - pour permettre aujourd'hui l'entrée d'actionnaires privés à la recherche de nouveaux dividendes. Cet argent appartient aux contribuables. Il doit servir l'intérêt général et non des intérêts financiers privés. Cette opération apparaît comme le début d'un processus de privatisation de l'entreprise publique SEMMARIS.

Je n'oublie pas que, lors d'une précédente législature, un ministre du commerce et de l'artisanat avait placé la SEMMARIS sur la liste des entreprises publiques privatisables. Une telle perspective est inacceptable et dangereuse pour les consommateurs et pour l'emploi sur le marché d'intérêt national qui est déjà en régression depuis plusieurs années.

Le MIN de Rungis et la SEMMARIS ont été créés en remplacement des Halles de Paris pour assurer une mission d'intérêt général, dans un cadre réglementaire associant de manière originale une entreprise publique et des opérateurs privés.

En 1973, les principaux aspects de cette mission consistaient à assurer aux agriculteurs français la mise sur le marché des productions régionales, à contrôler les mécanismes de formation des prix, à sécuriser l'approvisionnement alimentaire d'un marché désormais évalué à dix-huit millions de consommateurs, à contrôler la moralité des transactions, la qualité des produits distribués et, surtout, le respect des normes de sécurité alimentaire. Seul l'État et ses cinq ministères de tutelle sont en mesure de veiller durablement à l'accomplissement de ces missions de service public dans l'intérêt des opérateurs concernés et des consommateurs.

Pour ces raisons majeures, le désengagement de l'État n'est pas acceptable ; celui-ci doit continuer à assumer ses responsabilités en demeurant un actionnaire de premier plan au sein de la SEMMARIS.

Il est possible de concilier le développement du MIN de Rungis-Chevilly, le renforcement du capital social de la SEMMARIS et la conservation d'un dispositif d'économie mixte géré dans le cadre du service public par le maintien d'une majorité de capital public dans le capital de la SEMMARIS, le renforcement de la participation de la Caisse des dépôts et consignations et l'appel à la participation des professionnels du marché eux-mêmes.

L'enjeu est clair : soit engager la SEMMARIS dans une logique de privatisation qui ne peut servir que des intérêts étrangers au MIN, à ses entreprises, à ses salariés et aux consommateurs, en faisant prévaloir la finance sur l'alimentation, ...

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