Le rapport sur l'indemnité temporaire de retraite des fonctionnaires de l'État outre-mer, qui a paru au mois de novembre dernier et qui semble avoir inspiré certains de mes collègues, met en avant le coût trop élevé de cette mesure et insiste sur les abus qu'elle entraîne, notamment à cause des conditions de résidence qui sont insuffisamment exigeantes.
Pour autant, si le rapport de Mme Bolliet, MM. Bougrier et Tenneroni est parfaitement légitime dans sa dénonciation de ces dérives, il n'en est pas de même des préconisations qu'il contient : elles ne sont accompagnées d'aucune étude quantitative ou qualitative des conséquences sur les économies locales des mesures proposées. En effet, comme l'a souligné le ministère de l'outre-mer dans ses observations, il faudrait procéder à des études économétriques complexes pour déterminer les véritables répercussions économiques de l'indemnité temporaire de retraite.
Si nous pouvons regretter que la fonction publique ait une telle importance pour l'emploi et le pouvoir d'achat, conséquence de choix parfois peu judicieux qui ont été imposés à l'outre-mer pour compenser un déficit de développement économique - comme l'a dit Jean-Paul Virapoullé, nous n'avons pas choisi ce genre d'économie, très fragile et souvent improductive - il est impossible maintenant de mettre fin arbitrairement à certaines mesures sans les remplacer par des dispositifs économiques compensateurs équivalents.
L'abrogation de l'indemnité temporaire de retraite, qui touche au pouvoir d'achat de tous les fonctionnaires et aurait de lourdes conséquences sur l'économie locale, ne peut se justifier par le fait que l'on réinvestirait dans le logement social, comme le suggère le rapport de notre collègue Henri Torre.
L'indemnité temporaire de retraite ne relève pas réellement du régime des retraites : elle fait partie intégrante des compléments de rémunération de la fonction publique d'État outre-mer, lesquels comprennent l'indexation des salaires, la prime d'installation et les congés bonifiés. Elle s'intègre dans tout un système qui touche le pouvoir d'achat d'une part importante de la population !
Toute réflexion sur ce sujet doit donc se faire de manière globale et transversale et non de façon verticale, comme le font les auteurs de ces amendements, qui restent prisonniers de la logique de réforme des retraites. Pour autant, je ne remets pas en question la sincérité et la bienveillance initiale de leur démarche. Mais je tiens à préciser que les mesures prises dans le cadre de la réforme des retraites en 2003 s'appliquent pleinement outre-mer.
Sur proposition du ministre, il a été décidé l'année dernière de profiter de l'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 pour analyser l'indemnité temporaire de retraite. Si la commission ad hoc a bien été mise en place, la proposition n'a malheureusement pas été retenue. Entre-temps, le député Jean-Pierre Brard a été chargé d'un rapport sur ce dispositif. Un rapport de plus, me direz-vous ! Pourtant, il serait judicieux d'en attendre les conclusions, pourvu que son auteur ait réellement les moyens de procéder à une analyse suffisamment poussée, objective, quantifiée et vérifiée, en concertation avec les responsables socioprofessionnels et les élus des collectivités concernées.
Je comprends que des institutions comme la Cour des comptes ou l'Inspection générale des finances souhaitent faire des économies. Il faut reconnaître que la France se trouve dans une situation financière plutôt délicate.
Je terminerai sur la nécessité du dialogue social qu'a évoquée M. le ministre. Dominique Leclerc a évoqué un dialogue de sourds. C'est effectivement ce à quoi nous assistons depuis l'année dernière alors que le dialogue social aurait créé les conditions de l'ouverture. De plus, à ma connaissance, peu de parlementaires de l'outre-mer ont été associés à ce débat, ce qui pour moi serait une nécessité.
Tous - j'en ai parlé avec mes collègues de l'outre-mer - nous avons conscience des abus et des fraudes que peut engendrer l'existence de l'indemnité temporaire de retraite et nous sommes tous persuadés qu'il faut absolument réagir. Toutefois, il faut passer par la concertation, et la proposition de M. le ministre a le mérite de donner du temps pour élaborer et mettre en application des mesures justes et équilibrées.