Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 5 novembre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Article 37-6 précédemment réservé

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Le 8 juin dernier, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi intitulée « Négociation collective en matière de licenciements économiques et recouvrement des prestations de solidarité », due à l'initiative de M. Gournac, mon ami Robert Bret soulignaient les conséquences de l'abrogation de la loi de modernisation sociale par la loi du 3 janvier 2003, défendue par M. Fillon.

Ces conséquences sont simples : fermetures brutales d'entreprises, délocalisations sauvages, restructurations à tout-va, licenciements dans l'intérêt des gros actionnaires.

Non content d'un tel constat qui, raisonnablement, devrait favoriser un retour aux orientations de la loi de modernisation sociale, le Gouvernement décide d'entériner des dispositions à l'origine expérimentales.

Voilà quatre mois, par la voix de Robert Bret, nous alertions le Gouvernement sur la situation de l'usine Nestlé de Saint-Menet, près de Marseille, la plus grande usine française du groupe, une unité pilote à la pointe de la technologie, tournant à plein régime, avec un taux de rentabilité avoisinant les 10 %, et pourtant amenée à fermer dans moins d'un an.

Le groupe Nestlé envisage aujourd'hui de fermer sept sites en France pour délocaliser ses productions vers l'étranger - le Brésil, la Russie - et dégager ainsi au moins six milliards de francs suisses d'ici à 2006.

En juin, monsieur Larcher, vous souteniez avec une certaine compassion les salariés de Nestlé, arguant chercher des solutions, être en mesure d'obtenir des garanties de la direction de Nestlé, et même réfléchir à la « réindustrialisation du site ».

Vous ajoutiez ceci : « Il faut également avoir la garantie qu'une proposition sera faite à chacun des salariés. Cela ne suffit pas. Des mesures d'accompagnement pour les conjoints sont nécessaires. Je sais que l'on quitte difficilement Marseille pour Dieppe ou Dijon...

« Une offre de reclassement est également prévue dans un rayon de vingt kilomètres. La réindustrialisation du site l'est aussi.

« Enfin, Nestlé financera des dispositifs pour les salariés de 55 ans, notamment pour ceux dont la situation a été pénible.

« Tels sont les éléments sur lesquels nous avons exigé un certain nombre de garanties. Nous continuons à suivre ce dossier et l'éventualité d'une reprise par un concurrent.

« Vous le voyez, sur ce dossier comme sur d'autres, le Gouvernement s'engage et est attentif.

« Jean-Claude Gaudin m'a d'ailleurs demandé de faire recevoir les partenaires sociaux concernés par ce dossier.

« D'ores et déjà, à l'échelon du département et de la région, l'ensemble des services de l'Etat sont mobilisés et portent une attention particulière aux hommes et aux femmes du groupe Nestlé et à l'usine de Saint-Menet ».

Monsieur le ministre, quatre mois après l'annonce de la fermeture de leur usine, les salariés n'ont vu aucune avancée, la direction n'est tenue par aucun engagement, elle se permet même de refuser les propositions de reprise, bref, aucun avenir ne se dessine. Les « Nestlé » se sentent bien seuls. Et la menace de la fermeture de l'usine Perrier de Vergèze, dans le Gard, n'augure rien de bon, bien que la situation se soit un peu éclaircie.

Il est manifeste que les mesures de reclassement au sein du groupe Nestlé se réduisent comme une peau de chagrin.

Décidément, il y a un monde entre les discours rassurants des élus de votre majorité dans leurs départements respectifs et ceux qu'ils tiennent au sein du Parlement.

Au-delà de la fermeture brutale du site de Saint-Menet, des conséquences humaines qu'elle implique pour les salariés et leur famille, ainsi que pour la sous-traitance et les emplois induits, il s'agit de dénoncer l'attitude du groupe Nestlé, premier groupe alimentaire mondial, qui transgresse la législation française du travail, refuse toute discussion et toute négociation, défie la justice en contestant les verdicts prononcés par les tribunaux de Marseille et de Meaux.

Nous n'acceptons pas la cessation d'activité de cette usine, qui appartient au patrimoine historique marseillais, avec les conséquences dramatiques qu'elle aurait en matière sociale et pour toutes les familles concernées.

Les organisations syndicales de Nestlé réitèrent leur demande que se tienne une table ronde au ministère du travail. Seront-ils entendus ?

D'une manière plus globale, monsieur le ministre, nous vous demandons ce qu'attend la France pour prendre des initiatives préservant nos industries.

En outre, sur le plan social, une harmonisation par le haut des législations européennes est nécessaire - vous avez fait allusion à cela dans un propos tenu au cours des derniers jours, et il serait intéressant que vous en reparliez - afin d'éviter que notre pays ne devienne un véritable Eldorado livré aux appétits patronaux.

Enfin, monsieur le ministre, vous déclariez, toujours au mois de juin, que la France allait prendre « l'initiative d'une résolution portant sur la nécessaire dimension sociale de la mondialisation ». C'était, selon vous, tout à fait indispensable si nous voulions que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce prennent bien en compte la dimension sociale de la mondialisation. Pouvez-vous nous donner des précisions de l'état d'avancement de cette proposition, intéressante et nécessaire ?

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