Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 5 novembre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Vote sur l'ensemble

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, si le présent débat a été long, c'est tout simplement parce que le texte était épais et qu'il s'est, par malheur, encore épaissi à l'avant-dernière minute du fait de l'ajout des « dispositions Larcher » relatives à l'emploi et à l'économie, dont nous venons de terminer l'examen.

Au terme de ce long débat, qui nous a occupé deux semaines et plusieurs nuits, nous sommes en mesure de revenir brièvement - nous avons déjà beaucoup parlé - sur un constat qui peut s'articuler en plusieurs points.

D'abord, je maintiens ce que je disais lors de mon intervention dans la discussion générale : nul doute que, s'il s'était agi de voter sur l'exposé des motifs de ce texte, l'unanimité aurait été acquise. Ce n'est donc pas sur ce propos généreux que les critiques - négatives mais aussi positives - et les propositions avancées au fil des débats par le groupe communiste républicain et citoyen se sont construites.

Nous partageons tous, en effet, le constat puisque tous nous reconnaissons qu'il y a beaucoup de misère dans notre pays, mais qu'il y a aussi beaucoup de richesses.

N'oublions jamais en effet que nous ne sommes pas un pays en voie de développement, mais un pays riche, avec de fortes potentialités humaines et économiques qui nous permettent d'ambitionner pour des millions de nos concitoyens autre chose que de vivre dans des conditions à ce point difficiles qu'un nombre impressionnant d'entre eux sont au seuil de la misère, voire dans la misère.

La perte d'un emploi s'accompagne souvent, comme le relève le rapport, de la perte du logement et entraîne quasi inéluctablement des difficultés au sein de la cellule familiale.

Il était donc normal que le Gouvernement se préoccupe enfin de cette réalité qu'on appelait en 1995 la « fracture sociale » et sur laquelle on se penche à nouveau aujourd'hui au nom de la « cohésion sociale ».

Peu importe, d'ailleurs, ce changement de vocable : ces différentes appellations recouvrent de toute façon ce que les uns et les autres pressentaient.

Les choses commencent à se gâter lorsqu'on en vient aux solutions que préconise le Gouvernement.

Force est de constater que la volonté de s'attaquer à ce qui engendre ces difficultés, à savoir au système capitaliste qui préside aux destinées de notre pays, est absente. Aucune décision n'est prise en ce sens.

Au-delà du système capitaliste, le déploiement de toutes les tendances ultralibérales dans un champ d'activité de plus en plus vaste et la multiplication des atteintes aux droits - droits humains, droits de la personne - qu'il entraîne devraient, me semble-t-il, être au centre de nos préoccupations.

Vous avez pu constater, mes chers collègues, que, même si, sur les trois volets de ce texte volumineux, les uns ou les autres se sont plus ou moins mobilisés, notre groupe est intervenu et a formulé des propositions sur l'ensemble des dispositions du projet de loi. Pour ma part, j'estime que nous avons parfaitement joué notre rôle de parlementaires, de parlementaires d'opposition certes.

Nous avons accepté certaines propositions sans voter contre.

Sur d'autres, nous nous sommes abstenus, par exemple sur la dotation de solidarité urbaine, c'est-à-dire sur les moyens et les ressources, bref, sur le « carburant » nécessaire aux villes les plus en difficulté qui ne pourront pas, tant la charge sociale est lourde et tant leurs recettes sont faibles, s'en sortir seules.

Nous avons approuvé, dans nos propos, l'important effort consenti en leur faveur, mais, si nous avons finalement choisi d'exprimer sur l'article 59 une « abstention attentive », pour reprendre mes propres mots, c'est parce que nous attendons de voir ce que deviendra cet article à l'Assemblée nationale. Il ne faudrait pas, en effet, que le Gouvernement consente un geste en faveur de parlementaires qui pourraient considérer que certaines villes reçoivent trop d'aides alors qu'il s'agit de celles qui en ont le plus de besoin. J'attends donc avec impatience de pouvoir lire le compte rendu des débats qui auront lieu à l'Assemblée nationale.

Je souhaite aussi que soient corrigées, soit dans le projet de loi de finances pour 2005, soit dans le présent texte, les dispositions relatives à la dotation globale de fonctionnement en faveur d'autres communes qui ne sont pas éligibles à ces dispositions - intéressantes, je l'ai dit -, mais qui n'en sont pas moins aussi des communes pauvres. Le Gouvernement a d'ailleurs reconnu que ces communes existaient et échappaient en effet au dispositif. Il nous faut donc trouver d'autres angles d'approche pour répondre à leurs incontestables besoins.

Je crois d'ailleurs qu'il est indispensable d'en finir avec l'opposition entre la ville et la campagne. Les problèmes de l'urbain sont sans commune mesure avec les problèmes du rural. Je n'accepterai cependant pas qu'on me fasse dire ce que je ne dis pas : les problèmes du rural sont importants et il faut, bien sûr, nous en occuper. Pour autant, il ne faut surtout pas dénigrer ce qui est fait pour l'urbain, car c'est là que réussira ou qu'échouera la politique de cohésion sociale. C'est donc extrêmement important.

Sur les questions qui m'ont particulièrement passionné, c'est-à-dire sur les questions de l'emploi et de l'économie, monsieur Larcher, vous l'avez bien compris, nous sommes en désaccord quasi total. Vos intentions personnelles, en termes humains, ne sont peut-être pas critiquables, mais, en tout cas, votre politique est mauvaise. Elle est même désastreuse.

Vous avez accepté au cours de ces débats cinq amendements du MEDEF.

Vous avez comme moi enregistré - si, pour vous, ce n'était peut-être pas avec satisfaction, pour moi c'était le cas - le retrait de huit autres amendements du MEDEF. Soit la raison l'a emporté, soit la pression médiatique qui s'exerçait sur nos débats - ce n'est jamais inutile - a joué. Sur ce point aussi, nous suivrons avec attention le déroulement des débats à l'Assemblée nationale. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour veiller à ce que ces mesures, qui viennent de sortir ici par la porte, ne reviennent pas là-bas par la fenêtre, car vous nous avez dit le mal que vous pensiez d'un certain nombre d'entre elles. On ne doit pas changer de langage selon l'hémicycle dans lequel on parle !

S'agissant des logements sociaux, nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut en construire beaucoup, mais nous ne sommes pas d'accord sur la définition du logement social.

Tant que le Gouvernement considérera que le PLS, le prêt locatif social, peut relever du logement social, nous ne pourrons pas tomber d'accord. La réalité, c'est que, grâce aux PLS, les villes continuent à s'exonérer des prêts locatifs à usage social et des prêts locatifs aidés d'intégration, les PLUS et les PLAI. Nous ne l'accepterons jamais !

Mon dernier propos sera consacré à l'accueil et à l'intégration des personnes issues de l'immigration.

Je crois qu'à nouveau le Gouvernement se trompe : il choisit la répression et la contrainte plutôt que l'accompagnement social et l'intégration. Il choisit d'utiliser les leviers de l'intégration pour gérer les problématiques des flux migratoires. C'est une erreur colossale.

Comme l'a dit ma collègue Eliane Assassi dans la discussion générale, ce texte vient s'ajouter aux très nombreuses dispositions qui ont été prises depuis l'arrivée, en 2002, de la droite au pouvoir. La France adresse là un signe négatif qui ne va pas dans le sens d'une politique généreuse d'accueil et d'intégration des travailleurs immigrés. Nous sommes clairement entrés dans une phase de rupture !

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