Intervention de Thierry Breton

Réunion du 5 juillet 2005 à 9h45
Confiance et modernisation de l'économie — Article 3 bis

Thierry Breton, ministre :

Je les fais miennes partiellement, monsieur le président. Je m'efforcerai de répondre plus largement à cette question, même si mon intervention reprend, en partie, les propos de M. Marini.

Monsieur le rapporteur général, même si je comprends l'esprit qui a animé la commission lorsqu'elle a déposé cet amendement, je considère que, appliquée aux commissaires aux comptes qui fournissent des conseils ou toute autre prestation à l'Etat, l'interdiction posée par la loi de sécurité financière serait excessive et inadaptée pour trois raisons.

La première raison est que cette disposition aurait pour conséquence d'interdire la fourniture de tout service à l'Etat par le plus grand nombre des cabinets de commissaire aux comptes. La situation des entreprises privées est différente dans la mesure où elles peuvent avoir recours à d'autres grands cabinets que les deux qui certifient leurs comptes.

A titre d'exemple, les entités du périmètre de l'Agence des participations de l'Etat, à laquelle vous avez fait allusion dans vos propos, monsieur le rapporteur, emploient aujourd'hui douze cabinets d'audit en tant que commissaires aux comptes, liste évidemment non exhaustive pour l'Etat, surtout depuis que la loi de sécurité financière a élargi le champ des missions de certification des comptes aux établissements publics.

Il y a donc, à cet égard, une vraie différence entre la situation de l'Etat et celles des entreprises privées.

La deuxième raison est que le caractère absolu de l'interdiction ne serait manifestement pas adapté à la réalité de l'action de l'Etat sur tout le territoire de la République. Cette interdiction s'appliquerait en effet à l'Etat et à tous ses démembrements, sur l'ensemble du territoire. Je prends un exemple : à partir du moment où un cabinet de commissaires aux comptes certifierait les comptes d'une grande entreprise comme EDF ou GDF, une préfecture souhaitant effectuer un audit particulier ne pourrait pas le faire. Et la réciproque serait vraie : dès lors qu'un commissaire aux comptes certifierait les comptes d'une entreprise contrôlée par l'Etat, il ne pourrait fournir de prestation de service à aucun ministère, aucune préfecture, aucune juridiction.

La troisième raison est la nécessité pour l'Etat de se garder la possibilité de faire appel à des sous-traitances de cabinets d'audit dans certaines missions spécifiques, qui sont de plus en plus nombreuses. Certains travaux réalisés à la demande soit du Parlement français - les comptes combinés par exemple - soit de la Commission européenne - la validation de schéma d'absence d'aides d'Etat - peuvent nécessiter l'intervention de cabinets à la signature internationalement reconnue ou aux spécialisations spécifiques, comme le passage de comptes de normes françaises en normes IFRS ou américaines.

Aussi, j'attire votre attention sur le fait que cette exonération est assortie d'une sécurité : elle ne s'applique qu'à condition que les conseils et prestations fournis à l'Etat n'aient pas d'incidence sur la certification des comptes de la personne contrôlée par l'Etat.

Enfin, monsieur le rapporteur général, je prends ici l'engagement d'établir et de communiquer au Parlement une charte qui précisera, pour ce qui relève de mon ministère, le principe général de la recherche de la séparation entre audit et conseil, en encadrant strictement les exceptions.

Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement, même s'il en comprend l'esprit, car il convient de maintenir une certaine souplesse.

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