Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 5 juillet 2005 à 16h00
Confiance et modernisation de l'économie — Article 5

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Avec cet article 5, nous voici en présence d'un bien étrange objet législatif. En effet, on nous propose de valider par avance, sans rien connaître de ses missions, de son fonctionnement ni même de la composition de son capital, la création d'un nouvel établissement public à caractère industriel et commercial, c'est-à-dire un établissement public destiné à réaliser des opérations demandant rémunération.

Pour le moment, l'agence de l'innovation industrielle est une déclaration d'intention, sa création étant préconisée par le rapport Beffa intitulé Pour une politique industrielle. Plusieurs de nos collègues ont d'ailleurs rappelé ce matin le lien entre ledit rapport et cette proposition.

Certains objectifs ambitieux pourraient être confiés à cette agence, mais ils procèdent, pour l'essentiel, d'un constat simple : malgré un environnement fiscal de plus en plus favorable - TVA déductible, crédit d'impôt recherche, par exemple, statut des fonds communs de placement à risques, des entreprises innovantes, etc. -, les entreprises industrielles de notre pays ne participent pas à hauteur des besoins de compétitivité de notre économie à l'effort de recherche-développement en matière de nouveaux brevets. Certains de nos collègues ont également rappelé ce matin que d'autres pays connaissaient une meilleure participation dans ce domaine.

En clair, l'orientation libérale et financière qui anime de plus en plus la gestion d'entreprise laisse dépérir les capacités d'innovation.

De fait, ainsi que l'indique l'exposé des motifs de notre amendement, nous sommes dans le plus grand flou, laissant penser que le rôle joué par l'agence de l'innovation industrielle n'est pas défini et risque fort de s'apparenter à la faculté laissée à l'Etat d'assumer, en lieu et place des entreprises, des coûts de recherche-développement sur certains créneaux prétendument porteurs, quoique probablement sur le long terme.

A défaut de financement direct de la recherche-développement par les entreprises, à travers notamment le développement de la recherche privée - bureaux d'études, laboratoires -, ce serait donc à l'Etat de se charger de financer cette démarche de longue haleine, au demeurant nécessaire pour assurer la compétitivité de notre économie.

Ce matin, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. le président de la commission des finances ont laissé entendre que les moyens financiers proviendraient de la privatisation des sociétés autoroutières. Or ces fonds doivent déjà financer des infrastructures routières dans notre pays. Dès lors, on ne peut que s'interroger.

Dans le même temps, il faut aussi analyser la place particulière de l'agence de l'innovation industrielle au regard de ce qui existe, notamment les établissements publics que constituent, par exemple, les laboratoires du CNRS et des établissements universitaires.

Le débat que nous devions avoir sur le financement de la recherche n'a toujours pas eu lieu et, tout à coup, on nous propose une nouvelle structure sur une part de cette recherche ! Dès lors, ce que nous craignons, c'est que l'agence de l'innovation industrielle ne devienne le « super sous-traitant » de la recherche-développement des entreprises privées de notre pays, permettant le démantèlement des équipes de recherche publique existant sur les créneaux concernés, comme l'externalisation des coûts de recherche-développement des entreprises privées.

Quant à l'innovation industrielle, elle risque aussi de se traduire dans ce cadre par une précarité renforcée des chercheurs, embauchés temporairement sur missions et programmes de plus ou moins long terme, avec tout ce que cela implique.

Dans tous les cas, la solution avancée par l'article 5 n'est pas la meilleure pour faciliter la nécessaire relance de la recherche. C'est pourquoi nous présentons cet amendement visant à sa suppression. Nous espérons que la question de la recherche pourra être discutée dans son ensemble et non morceau par morceau.

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