Monsieur le rapporteur, le Gouvernement partage votre souci de défendre la langue française.
On le constate dans la vie courante, des enseignes, dans certaines de nos villes, sont écrites en anglais ou en d'autres langues, et des entreprises prennent des noms anglais. La dualité à laquelle vous faisiez référence est donc un point important pour le Gouvernement. Il y a là un champ de réflexions qui dépassent le cadre de cet amendement et qui marquent bien votre préoccupation quant au maintien de la langue française sur le territoire national.
Votre amendement n° 11 vise à revenir sur le régime actuel, en prévoyant que le prospectus est « intégralement » traduit en français. C'est sur ce point que je souhaite apporter un éclairage à vos propos, même si, sur le fond, je le répète, le Gouvernement partage votre préoccupation.
Il me semble que le régime que nous proposons actuellement est plus équilibré, car il allie la protection de la langue française - le régime actuel impose la publication d'un résumé en français, obligation de dualité obtenue par la France -, la protection des épargnants - le résumé publié en français contient un grand nombre d'informations et il est souvent plus accessible pour l'épargnant que le prospectus lui-même, lequel compte souvent plusieurs centaines de pages - et la compétitivité de la Place de Paris. Souvenez-vous, monsieur le rapporteur, entre 2000 et 2001, nous étions passés transitoirement à un régime de traduction intégrale du prospectus obligataire en français, et les émissions obligataires sur la place avaient alors été divisées par trois en un an, passant de 33 milliards à 11 milliards ! Y avait-t-il une raison de causalité ? Je n'en sais rien. En tout cas, les émetteurs étaient plutôt partis au Luxembourg, me dit-on, et ils ne sont peut-être pas tous revenus !
In fine, votre amendement sera malheureusement contraire au droit européen, la directive sur le prospectus ne permettant pas d'imposer la traduction en français de l'intégralité du prospectus. De plus, s'il était adopté, il remettrait en cause l'existence même du passeport européen pour le prospectus. Par conséquent, je crains que la langue française elle-même ne soit attaquée au travers de cette disposition, qui est contraire au droit européen, et nous savons qui gagnera !
Compte tenu de toutes ces remarques, monsieur le rapporteur, le texte que je propose constitue, me semble-t-il, un double progrès. Au niveau de la négociation, comme je l'ai dit, la France a obtenu qu'il soit possible pour les Etats membres d'exiger un résumé dans la langue d'origine. C'est une option que nous avons réussi à imposer dans la directive et que nous avons exercée dans la transposition de la directive. Le présent texte fait finalement progresser le contenu du résumé en français, qui est le document le plus accessible pour les particuliers.
Voilà, monsieur le rapporteur, ce que je souhaitais dire au nom du Gouvernement. Si l'on portait cette bataille devant les tribunaux, on risquerait de marquer un recul de la langue française, qui serait médiatisé et visible. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.