Le rachat d'actions est une pratique destinée, dans des limites encadrées par la loi, à faire face à des difficultés financières où à favoriser une opération d'augmentation ou de réduction de capital.
L'opération de rachat d'actions, qui fait diminuer le nombre de titres, provoque mécaniquement une augmentation du bénéfice net par action, ce qui accroît la valeur du titre. Cette augmentation a pour effet de stabiliser l'actionnariat. L'opération peut également apparaître comme une bonne mesure de protection contre les offres publiques d'achat, les OPA.
Or ce dispositif, qui n'est autorisé en France que depuis la loi du 2 juillet 1998, peut ouvrir la voie à des pratiques frauduleuses. Il peut notamment être utilisé masquer une manipulation des cours qui porte atteinte à l'intérêt général économique.
La loi française prévoyait donc, à cet effet, d'encadrer les opérations de rachat d'actions en en soumettant la validité à l'obtention du visa préalable de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF. Le gendarme de la bourse devait vérifier que l'opération respectait bien les exigences réglementaires qui lui étaient imposées. Le refus d'octroi du visa par l'AMF constituait un précieux garde-fou.
Or, pour une raison inexpliquée à l'heure où l'on cherche à renforcer la confiance dans l'économie, le Gouvernement a décidé de faire tomber ce garde-fou. Pourquoi ? On sait que la suppression du visa satisfait les desiderata du MEDEF, ce qui, pour le Gouvernement, est sans doute une priorité. Malheureusement, les souhaits du MEDEF servent rarement l'intérêt général.
Ainsi, la simplification de la procédure de rachat d'actions, comme l'appelle pudiquement le MEDEF, sert en premier lieu les intérêts de tous ceux qui veulent trafiquer les cours pour gonfler artificiellement la valeur de leurs titres.
Si l'article 8 du projet de loi avait été voté quelque temps avant l'affaire Vivendi, le président de l'AMF n'aurait sans doute pas été entendu par la brigade financière. Quel dommage ! Je fais bien sûr allusion à ce rachat d'actions qui portait sur 21 millions de titres de Vivendi Universal et dont le montant s'élevait à 1, 7 milliard d'euros, réalisé entre le 17 septembre et le 2 octobre 2001, après les attentats du 11 septembre à New York et à Washington, par Jean-Marie Messier.
Cette opération avait été effectuée en contradiction avec la réglementation boursière, qui interdit tout rachat d'actions quinze jours avant la publication des résultats financiers, qui limite tout rachat à 25 % des volumes échangés et qui interdit les achats à la clôture. Pourtant, à l'époque, le visa de l'AMF était nécessaire. Elle l'avait d'ailleurs donné, ce qui avait conduit son président sur le chemin du boulevard des Italiens pour s'expliquer devant la brigade financière : mauvais souvenir, certainement, pour l'un des plus grands commis de l'Etat.
Avec l'article 8 qui nous est aujourd'hui soumis, cela ne risque pas de se reproduire, puisque la solution proposée par le Gouvernement, c'est en quelque sorte : pas de visa, donc pas de témoin. Pour restaurer la confiance, rien de tel que de faire disparaître les témoins !
Nous nous opposons donc farouchement à cet article, hautement significatif d'une certaine forme d'hypocrisie des mesures qui nous sont aujourd'hui proposées.