Monsieur le président, les amendements nos 76, 77, 78, 79 et 80 ayant le même objet, je les présenterai globalement.
La vente à la découpe, appartement par appartement, jette et menace de jeter à la rue des dizaines de milliers de locataires occupant souvent leur appartement depuis de longues années. Ce phénomène, qui s'accentue vivement aujourd'hui, touche de plein fouet les grandes villes - Paris au premier chef, mais aussi Lille, Toulouse, Strasbourg, Lyon, Marseille - et cette pratique s'étend sur l'ensemble du territoire national.
Cette dérive scandaleuse est la conséquence directe de la vente par des propriétaires institutionnels de leurs immeubles à des fonds de pension qui entendent réaliser, à court terme, des plus-values importantes.
Dans la capitale, ce sont ainsi 36 000 logements qui ont été vendus par leurs anciens propriétaires - compagnies d'assurance, investisseurs institutionnels, établissements de crédit, institutions financières - à des fonds de pension agissant comme de véritables prédateurs faisant « main basse sur la ville », et ce au détriment de nos concitoyens.
Ces fonds de pension piétinent le droit au logement, alimentent la spéculation immobilière, aggravant par là même la grave crise du logement que connaît notre pays et qui exclut des couches toujours plus larges de la population de l'exercice du droit au logement. Ce phénomène touche en effet de plus en plus vivement les classes moyennes, qui se retrouvent écrasées par le poids de la spéculation.
Malgré les démentis de certains membres de la majorité, qui déclarent que ces problèmes n'existent pas, la réalité est pourtant dramatique pour un grand nombre de nos concitoyens.
Pour les locataires concernés, le choix est terrible : soit ils achètent, fort cher, leur logement d'origine, soit ils le quittent et vont grossir la liste des demandeurs, soit encore ils sont rejetés de fait des centres-villes et contraints de s'éloigner. Cette dernière option se traduit bien souvent, pour ces personnes, par des charges supplémentaires, car elles se trouvent dans l'obligation d'acheter un deuxième véhicule, à défaut de disposer du même réseau de transports collectifs que dans les grandes villes.
Au cours de la seule année dernière, sur 6 400 opérations de ventes en bloc, seuls 15 % des locataires ont pu se reloger dans les centres-villes.
Le plus inquiétant, c'est qu'un amendement présenté par M Marini à l'occasion de l'examen de la loi de finances a accentué ce processus en réduisant la fiscalité de 33 % à 16, 5 % sur ce type d'opérations. Cet ahurissant dispositif fiscal des sociétés d'investissement immobilier cotées a dopé le développement des opérations spéculatives.
Cela est la preuve flagrante, s'il en était besoin, que vous ne vous sentez pas concernés par les difficultés de logement que rencontrent de plus en plus les personnes vivant dans les grandes agglomérations.
Pourtant, l'heure est aux choix. Il est urgent de se poser des questions de bon sens devant la détresse d'un nombre croissant de locataires qui se sentent littéralement exclus de leur logement par des pratiques à l'éthique plus que douteuse.
Qui sont les plus nombreux ? Les spéculateurs immobiliers ou les demandeurs de logement ?
Quelle est aujourd'hui la nécessité première ? Assurer la rentabilité de l'investissement ou répondre aux besoins sociaux ?
Si, à ces questions légitimes, vous ne pouvez répondre que par des cadeaux fiscaux et par l'inertie face aux situations de détresse, l'avenir de beaucoup de locataires s'annonce bien noir.
C'est pour donner une réponse claire et précise que le groupe communiste républicain et citoyen entend indiquer qu'il est de la responsabilité publique, partagée entre l'Etat et les collectivités territoriales, d'intervenir en matière de prévention des dérèglements du marché du logement, dont les ventes à la découpe constituent l'une des illustrations.
Au travers des cinq amendements que nous vous présentons, nous souhaitons redonner aux locataires les droits qui sont les leurs et non pas faire la part belle aux fonds de pension et autres spéculateurs, notamment immobiliers.