Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer mon intervention en dénonçant les conditions de travail de notre assemblée.
En effet, à l’heure où nous entamons ce débat, le rapport de la commission mixte paritaire n’est ni disponible ni consultable en ligne. Je ne remets pas en cause le travail de la commission, mais je considère que cette situation est inacceptable.
Depuis plusieurs années déjà, la France s’enfonce dans une crise du logement sans précédent. À l’insuffisance quantitative de logements, liée à la faiblesse de la construction, s’est ajouté le décalage grandissant entre, d’une part, les capacités contributives des ménages et, d’autre part, le coût du logement en accession à la propriété ou en location.
On estime à 3, 5 millions le nombre de Français non ou mal logés et à plus de 6, 5 millions celui des personnes en situation de réelle fragilité, à court ou moyen terme. Ces chiffres alarmants mettent en évidence l’inefficacité des politiques publiques conduites jusqu’ici.
Par ailleurs, les perspectives de mobilité sont très inégales, selon les catégories sociales. Les plus modestes sont, en quelque sorte, assignés à résidence dans des quartiers en difficulté ou, pour le dire autrement, n’ont le choix qu’entre des formes dépréciées d’habitat ou des logements dégradés et indignes.
La crise économique et financière, qui a une forte incidence sur le pouvoir d’achat des populations les plus fragiles et qui touche de plein fouet les classes moyennes, vient encore aggraver ces situations tendues et souvent dramatiques. Elle exige une démarche à la hauteur de l’enjeu, celui de donner un logement abordable et accessible à tous nos concitoyens.
Le début de l’année 2008 était prometteur : mise en œuvre du droit au logement, premier rapport Pinte, nomination d’un délégué général auprès du Premier ministre, annonce d’une nouvelle loi. Ces signes encourageants semblaient témoigner de la volonté de faire de l’habitat le grand chantier prioritaire promis par le Président de la République.
Hélas, les lendemains déchantent ! La mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO, s’est révélée plus laborieuse que prévu et ne garantit pas encore, loin s’en faut, un toit aux publics prioritaires. Le nombre de recours paraît bien faible au regard des ménages potentiellement éligibles. Il semble que la communication sur ce nouveau droit soit restée très confidentielle !
Au déficit d’information, s’ajoutent les hésitations de certains acteurs à faire « remonter » les demandes. Enfin, les inquiétudes sont importantes quant au volume de logements mobilisables, notamment dans les départements où les recours sont les plus nombreux.
Madame la ministre, la loi DALO restera lettre morte si l’État n’oriente pas, dès à présent, ses efforts vers la production et la meilleure répartition sur le territoire de logements à loyers accessibles. Or on est en droit de s’interroger sur la volonté de la majorité en place de tenir ces objectifs, lorsqu’elle continue de privilégier la production de logements à loyer intermédiaire et qu’elle envisage régulièrement de réduire l’ambition de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Après la loi portant engagement national pour le logement en 2006, une fois encore, vous avez tenté de mettre à mal cet article dans ce projet de loi. La vigilance et la persévérance des sénateurs ont, fort heureusement, vaincu vos velléités ! Les députés ont eu la sagesse de ne pas revenir sur cette position ; je m’en félicite.
S’agissant justement du texte dont nous débattons aujourd’hui, c’est là notre deuxième déception. Il contient, certes, des mesures intéressantes, dont vous admettrez, madame la ministre, que la plupart ont été améliorées ou sont nées de l’initiative des parlementaires.