Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 19 février 2009 à 9h30
Logement et lutte contre l'exclusion — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

De plus, les orientations données, ces dernières années, à la politique de construction de logements privés à usage locatif, ont provoqué un renchérissement insupportable du logement, doublé d’une spéculation sur le foncier. En effet, la défiscalisation a été mise en place de façon inappropriée et insuffisamment encadrée.

Dès lors, il ne faut pas s’étonner que vos propositions soient perçues comme une « mainmise sur le magot ».

Les membres du groupe du RDSE ne sont pas opposés à la mutualisation des moyens des organismes d’HLM. Certains d’entre eux se sont contentés d’une gestion patrimoniale de leur parc immobilier et disposent d’excédents budgétaires. Nous ne sommes pas, non plus, défavorables à une réforme du 1 % logement, dont la gestion a pu présenter des dysfonctionnements.

Mais ce n’est pas en encadrant fortement les bailleurs sociaux, en écartant les partenaires du terrain, en ponctionnant les ressources de manière autoritaire que vous obtiendrez des résultats.

Des améliorations ont été apportées aux articles 2 et 3, qui viennent atténuer cet excès d’autoritarisme. Ainsi, le prélèvement opéré sur les organismes d’HLM entrera en vigueur progressivement. Nous aurions néanmoins préféré un report à 2011, comme le Sénat l’avait souhaité. L’exigence d’une concertation avec les partenaires sociaux sur l’emploi des fonds du 1 % a aussi été inscrite dans le texte.

Quoi qu’il en soit, nous doutons de la réelle intention du Gouvernement. Si, à l’occasion de ce texte, il opère des ponctions pour compenser le désengagement financier de l’État, nous ne sommes évidemment pas d’accord !

La création d’un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés est aussi une bonne chose. Cependant, le risque de « gentrification » est grand. L’amélioration qualitative des quartiers visés ne saurait créer un effet d’aubaine pour les propriétaires privés et conduire à chasser les plus démunis, qui doivent être relogés dans le même quartier et avoir accès aux logements réhabilités.

Plusieurs amendements ont été adoptés en ce sens. Néanmoins, on ne peut se satisfaire de simples intentions. L’exigence de mixité sociale doit s’appliquer aussi dans ces quartiers, comme dans les autres, a fortiori si les fonds publics participent à leur rénovation ! Je regrette d’ailleurs que l’Assemblée nationale ait cru bon d’abaisser l’objectif de production de logements sociaux de 30 000 à 25 000 et que la CMP l’ait suivie.

S’agissant de la mixité sociale, je voudrais souligner quelques mesures intéressantes apportées par le Sénat et confirmées par l’Assemblée nationale : le droit de préemption urbain au bénéfice de l’État dans les communes qui mènent sciemment une politique discriminatoire en matière d’habitat ou encore la faculté désormais ouverte aux maires d’inscrire dans les PLU des zones réservées au logement locatif social et à l’accession sociale à la propriété. Le recentrage des dispositifs « Robien » et « Borloo » sur les zones les plus tendues est aussi bienvenu.

En revanche, la remise en cause du droit au maintien dans les lieux comme réponse du Gouvernement à la pénurie de logements sociaux me laisse perplexe. La mobilité dans le parc d’HLM est certes nécessaire. Mais gardons à l’esprit que, dans une société où la cellule familiale se rétrécit de plus en plus, où l’individualisme est devenu, pour beaucoup, un mode de vie, le logement constitue à l’évidence un espace de référence et, souvent, le dernier pivot du noyau familial. Les personnes les plus modestes, qui ont justement pour seule richesse un toit, ne devraient pas être privées de la capacité d’en faire le lieu de repli familial, quand bien même elles sous-occupent leur logement.

Des amendements sont venus limiter cette remise en cause, notamment pour les personnes de plus de soixante-cinq ans. C’est heureux, d’autant que le rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France souligne la situation critique des personnes âgées.

Que dire de la diminution du plafond de ressources pour l’attribution des logements sociaux ? Cette mesure est, à mon sens, un mauvais signal dans le contexte social actuel, qui risque de plonger beaucoup de nos concitoyens dans la précarité. Vous avez consenti une application différée de trois mois, madame la ministre. Pensez-vous réellement que les effets de la crise auront disparu d’ici là ? Votre optimisme est en parfaite contradiction avec le pessimisme affiché par le gouvernement auquel vous appartenez pour justifier les nombreuses restrictions imposées aux Français.

Enfin, je terminerai sur les dispositions concernant l’hébergement.

Pourquoi faut-il attendre les rigueurs de l’hiver pour que la cause des sans-abri suscite l’intérêt du Gouvernement ? Ces derniers vivent en effet dans la rue toute l’année ! Ce n’est pas une intervention, bricolée à la hâte, quand le froid menace, qui pérennisera à elle seule une politique efficace et durable en la matière. Grâce aux parlementaires, ce volet, plutôt pauvre, du projet de loi a été enrichi.

En réalité, la question de l’hébergement, et plus particulièrement celle de l’hébergement d’urgence, est étroitement liée au manque de logements disponibles. Les élus que nous sommes peuvent tous le constater sur le terrain : les personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence se retrouvent dans la rue. L’absence d’une offre alternative de logement ne permet pas de les héberger dignement et ruine ainsi toute chance de réinsertion économique et sociale.

Pour conclure, j’indique que, comme l’ensemble des Français, les membres du groupe du RDSE attendaient beaucoup de ce texte. Nous ne pouvions que souscrire aux objectifs affichés de construire davantage de logements, de favoriser l’accession populaire à la propriété, d’ouvrir davantage l’accès au parc d’HLM, de lutter contre l’habitat indigne. Malheureusement, notre appréciation diverge sur les moyens proposés pour y répondre.

Votre projet de loi initial manquait singulièrement d’ambition. Les débats au Sénat et à l’Assemblée nationale ont assurément permis des avancées, signe que vous pouvez être à l’écoute Mais, pour nous, le compte n’y est pas. Nous ne décelons pas une vraie mobilisation de l’État pour une politique du logement efficace et juste. Nous ne voyons pas de signe tangible d’un investissement massif en faveur d’une offre locative sociale. Enfin, aucune des mesures proposées n’aura un effet à court ou moyen terme sur les difficultés rencontrées par les Français.

Pour toutes ces raisons, la très grande majorité des membres du RDSE et l’ensemble des radicaux de gauche ont décidé de voter contre ce texte.

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