Intervention de Guy Fischer

Réunion du 12 juillet 2005 à 15h00
Mesures d'urgence pour l'emploi — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Il est vrai que, sur le fond, l'approche des deux assemblées ne différait guère : l'objectif était de parvenir à une flexibilisation totale du marché du travail, préconisée d'ailleurs dans la stratégie européenne de Lisbonne.

Si d'aucuns sur ces travées - je pense à mes collègues de l'UC-UDF, au premier rang desquels le président du groupe, M. Michel Mercier - ont tenté d'apporter quelques « garanties », monnayant ainsi leur abstention en première lecture, cela n'a rien changé à l'économie générale du projet de loi, lequel prescrit la précarité généralisée et reste donc porteur de tous les dangers.

Sont particulièrement menacés les salariés auxquels les mesures sont censées s'adresser, les jeunes, ceux qui travaillent dans de petites entreprises, voire dans de très petites entreprises. La situation y est plus dure, plus déséquilibrée, du fait notamment de l'absence de représentation du personnel.

Plus généralement, c'est sur l'ensemble du salariat, même si certains bénéficient d'un statut plus stable, que pèsera une pression renforcée.

En définitive, c'est notre modèle social qui est, une fois encore, affaibli par de nouvelles remises en cause majeures du code du travail, suivies, à l'automne prochain, par des restrictions sévères des droits à l'indemnisation du chômage. A cet égard, les conclusions de l'enquête du CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, risquent de sensibiliser l'opinion publique en faveur d'une réduction à la fois du montant des indemnités de chômage et de la période d'indemnisation.

Confronté à une situation politique et sociale pourtant inédite, le Premier ministre continue de ne vouloir entendre que les seules voix du MEDEF et de la CGPME.

Comme son prédécesseur, dont il critique en creux la politique, M. de Villepin pratique la fuite en avant, en préconisant, pour lutter contre le chômage, toutes les vieilles recettes : exonérations de cotisations sociales, aides fiscales aux entreprises, suppression des garanties liées au régime juridique du licenciement, nouveau contrat de travail « à durée illimitée » de deux ans, prime d'incitation au retour à l'activité. Toutes ces solutions ont fait la preuve, en France ou chez nos voisins européens, de leur redoutable efficacité pour masquer le chômage derrière le sous-emploi précaire, conduisant immanquablement à la pauvreté la plus sévère.

La semaine dernière, en quittant l'hémicycle à l'issue de la discussion générale, sans chercher à corriger un projet qui ne pouvait pas l'être, les sénateurs communistes ont signifié qu'ils ne voulaient pas être une fois de plus ni les acteurs ni les spectateurs de votre nouvelle offensive libérale, qui va totalement à contresens des exigences populaires exprimées, notamment, à l'occasion du référendum.

Nous avons voulu affirmer fortement, sans ambiguïté, notre complet désaccord avec une procédure autoritaire, celle des ordonnances, que rien ne justifie et par laquelle le Gouvernement bâillonne le Parlement et menotte les partenaires sociaux.

Les consultations avec les partenaires sociaux se poursuivent sans que ces derniers parviennent à adhérer à la mise en place de la mesure phare de ces ordonnances, le contrat « nouvelles embauches ».

Et pour cause, monsieur le ministre ! Les syndicats sont conscients des remises en cause des droits et des garanties collectives dont votre projet est porteur. Ainsi, durant deux ans, sans devoir en justifier le motif et sans avoir à verser d'indemnité, l'employeur d'une petite entreprise pourra licencier un salarié. En rendant le licenciement plus facile, ce n'est pas l'embauche sur des emplois stables que vous favorisez, mais c'est le turnover de la main-d'oeuvre, son adaptation et sa mobilité au « travail en miettes ».

Nous savons tous que cela n'est qu'un début et que le pas sera vite franchi, toujours au nom de l'emploi, pour imposer, ensuite, à l'ensemble des salariés l'extension de ces « parenthèses » de protections totalement dérogatoires au droit du travail.

L'un des dispositifs prévus dans ce projet de loi, qui revient à neutraliser l'importance des effectifs âgés de moins de vingt-cinq ans dans le calcul des seuils de salariés, concerne déjà tous les salariés, quel que soit le type de leur contrat de travail.

Pas plus que nous, les syndicats ne sont dupes des prétendues contreparties à une flexibilité bien réelle.

Durant ces débats, il a beaucoup été question de garantir aux salariés bénéficiaires du contrat « nouvelles embauches » une indemnisation chômage supérieure à celle de droit commun, ainsi qu'un parcours de réinsertion personnalisé. Il sera alors très intéressant d'étudier, d'une part, la manière adoptée par l'UNEDIC pour traiter le problème des chômeurs et, d'autre part, les solutions apportées dans les mois à venir au problème des minima sociaux.

La commission mixte paritaire aurait prétendument clarifié le dispositif en question, lequel n'en demeure pas moins extrêmement vague. Il est désormais fait mention d'un revenu de remplacement spécifique pour toutes les personnes dont le contrat « nouvelles embauches » aurait été rompu.

Hier, sur RMC, M. le ministre a précisé que le salarié devra avoir travaillé quatre mois pour percevoir cette allocation, dont le montant serait proche de celui de l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique. Il s'agit là d'un système d'aide dérisoire et non de droits ouverts à l'assurance chômage en raison d'une activité professionnelle. Nous sommes loin du supposé équilibre entre la souplesse nécessaire à l'employeur et la protection légitime des salariés !

Avec vous, décidemment, la balance penche toujours du coté de l'arbitraire patronal, du CAC 40. L'audace serait plutôt de refuser l'accentuation des inégalités dans le salariat, de s'attaquer aux causes de la précarité et de viser le plein emploi, au lieu d'accentuer les rotations entre activité, sous-emploi et non-emploi.

Mes chers collègues, aujourd'hui, les sénatrices et les sénateurs communistes confirment leur opposition frontale à ce projet de loi contraire aux intérêts des salariés et des personnes en situation de précarité.

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