L'article 6 du projet de loi est important, puisqu'il précise les conditions dans lesquelles le contrôleur général pourra exercer ses responsabilités. On mesure au nombre d'amendements qui ont été déposés sur cet article toute l'importance qu'il y a à le faire.
Je reviendrai sur quelques-uns des points qu'a évoqués M. Mermaz.
Au premier alinéa, les termes « sur le territoire de la République » suscitent plusieurs interrogations. Cette formulation signifie-t-elle que les lieux de privation de liberté placés sous le contrôle des autorités françaises à l'étranger échapperont au contrôle extérieur ?
L'article 4 du protocole facultatif dispose que « chaque État partie autorise (...) à effectuer des visites (...) dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle ? »
Il n'y a donc aucune raison pour que le contrôleur n'ait pas accès aux locaux d'arrêt des armées ou de la gendarmerie, qu'ils soient situés sur terre ou sur mer, même si les autorités militaires peuvent y être quelque peu rétives.
Ce premier alinéa de l'article 6 est tout aussi restrictif, car il ne vise que les personnes privées de liberté par décision d'une autorité publique. Or certaines personnes souffrant de maladies psychiatriques peuvent être hospitalisées à la demande d'un tiers, souvent un membre de leur famille, conformément aux dispositions des articles L. 3212-1 à L. 3212-12 du code de la santé publique.
L'hospitalisation sur demande d'un tiers correspond en général à une privation de liberté avec le « consentement exprès ou tacite d'une autorité publique ». C'est ce qu'affirme notamment l'ancien commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Álvaro Gil-Robles, qui, dans son rapport sur le respect effectif des droits de l'homme, indiquait que « l'hospitalisation d'office ou à la demande d'un tiers s'apparente à une privation de liberté. »
Nous demandons que ce cas de figure entre dans les compétences du contrôleur général.
Quant au deuxième alinéa du présent article, il est très en retrait. À l'instar des parlementaires, qui, en vertu de l'article 719 du code de procédure pénale, « sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires », le contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses collaborateurs devraient pouvoir effectuer toutes leurs visites de manière inopinée. Il serait vraiment paradoxal, mes chers collègues, que le contrôleur général dispose en quelque sorte de moindres possibilités d'accès aux lieux de privation de liberté que les parlementaires, en particulier si ses visites doivent être inopinées ou impromptues !
Cela ne signifie pas pour autant que toutes ses visites seront inopinées. Dans certains cas, il devra avertir de sa venue, par exemple s'il veut traiter d'une question précise. Mais il doit pouvoir agir, dans ce domaine, de manière discrétionnaire.
S'agissant des raisons qui sont avancées, on se demande bien en quoi des lieux de privation de liberté peuvent être concernées par les questions de défense nationale - mais peut-être nous éclairera-t-on à ce sujet -, de sécurité publique- normalement, l'ordre public est par définition assuré au sein d'un établissement pénitentiaire ; si tel n'est pas le cas, le contrôleur général des prisons a alors tout intérêt à intervenir - ou par les catastrophes naturelles.
Bien sûr, dans le cas d'une mutinerie ou si des opérations de maintien de l'ordre par la force publique sont nécessaires à l'intérieur d'un lieu de privation de liberté, on n'imagine pas que le contrôleur général s'interpose entre les policiers et les détenus.