Le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires s’inscrit, comme on vient de le voir, dans le droit-fil des politiques communautaires de fragilisation et de destruction des services publics nationaux.
La majorité parlementaire soutenant sans ciller toutes les opérations de libéralisation et de privatisation des services publics, nous ne sommes guère étonnés que vous commenciez votre rapport, monsieur le rapporteur, en saluant l’ouverture progressive à la concurrence du transport ferroviaire. Cette ouverture, selon vous, « peut être synonyme d’opportunité pour nos entreprises qui bénéficient déjà d’un savoir-faire, d’une excellence technique reconnue et d’une position enviable dans de nombreuses activités. Elle peut aussi constituer une chance pour le développement du chemin de fer sur le réseau national, conformément aux objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement ».
Nous ne sommes pas aussi optimistes que vous.
D’ailleurs, à ce jour, aucune étude – et c’est bien le problème puisque nous avons des points de vue différents – n’apporte la preuve que la libéralisation a contribué, comme vous semblez l’affirmer, à une amélioration du service de transport ferroviaire pour les usagers ou pour les personnels.
Au contraire, nos concitoyens constatent trop souvent, hélas, que la libéralisation des secteurs publics produit des effets néfastes en termes d’emplois, de péréquation tarifaire, d’accessibilité et de capacité d’investissements.
En ce qui concerne les transports, les exemples qu’offrent les pays européens les plus avancés dans le processus de libéralisation conduisent, à notre avis, à un bilan social et environnemental plutôt négatif.
Sur le plan national, aucun bilan des conséquences du plan fret ferroviaire et de la qualité du service public ferroviaire n’a été établi. Pourtant, selon les chiffres donnés tant par la SNCF que par les syndicats, la mise en œuvre de ce plan s’est traduite par une perte de capacité du réseau et une régression du trafic des marchandises.
De plus, les personnels sont très inquiets du fait des réductions d’effectifs qui mettent en danger la qualité du service et la sécurité des voyageurs.
Les derniers mouvements des conducteurs de trains, que vous avez stigmatisés comme des personnels privilégiés en les opposant aux usagers, visaient à obtenir la création de nouveaux postes et donc, en réalité, à améliorer le service rendu à ces mêmes usagers.
M. Fillon, dans son discours du 18 juin, faisait de l’Europe sociale la priorité de la présidence française. À l’heure du bilan, force est de constater que cette Europe a été complètement ignorée. Le Président de la République n’a rien entrepris en faveur de la défense des services publics et de l’intérêt général.
Sur le plan environnemental, l’encre du Grenelle I n’est pas encore sèche que vous proposez déjà un projet de loi dont on sait qu’il met en œuvre un modèle incompatible avec les objectifs ambitieux affichés en termes de réduction des gaz à effet de serre.
Le texte que nous examinons aujourd’hui et les précédents ont et auront des conséquences importantes en développant la concurrence sur les axes rentables et en provoquant l’abandon des lignes dites déficitaires, mais qui sont nécessaires à l’aménagement du territoire. Combien de camions supplémentaires sillonneront les routes pour faire le lien entre les grands axes ferroviaires et les zones où les lignes seront laissées à l’abandon ?
La politique que vous mettez en œuvre en matière de transport réduit considérablement le maillage du territoire. Nos concitoyens n’ont dès lors pas d’autre choix que d’utiliser leurs voitures.
Par notre amendement, nous souhaitons que le secrétaire d’État chargé des transports propose aux instances européennes de réaliser un bilan contradictoire sur l’impact en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de qualité du service rendu de la libéralisation du secteur des transports. Nous voulons également que soit établi le coût environnemental de telles politiques, notamment à travers un bilan carbone. Dans l’attente de leur réalisation, devant l’urgence sociale et environnementale, nous demandons au Gouvernement de s’engager à ne plus transposer de nouvelles directives sans avoir fait le bilan des précédentes.
La France, qui est au cœur de l’Europe de par sa position géographique, doit tout mettre en œuvre pour que l’Union européenne porte une attention particulière à la question du transport ferroviaire. Cette activité doit être traitée au niveau communautaire, comme doivent l’être également les questions d’infrastructures transeuropéennes ou l’interopérabilité. Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment des usagers, des personnels et de l’environnement. Nous devons promouvoir un modèle alternatif à celui de la libéralisation à tout crin, qui est fondamentalement incompatible avec des politiques sociales et environnementales ambitieuses.
Mes chers collègues, la première étape pour vous en convaincre serait d’établir les bilans que j’ai évoqués il y a un instant. Nous comprendrions difficilement que notre assemblée ne vote pas notre amendement, qui vise à lui donner les outils nécessaires à la formation de son jugement.