Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 19 février 2009 à 15h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés — Article 1er

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’Union européenne a entamé la constitution d’un marché intérieur du transport ferroviaire au travers de l’ouverture progressive à la concurrence du marché du fret et, par la suite, du transport des voyageurs, l’harmonisation des règles en matière de sécurité et l’interopérabilité des normes techniques. Ces trois axes ont été déclinés de manière progressive dans différents paquets législatifs, dont le dernier en 2007 qui est aujourd’hui partiellement transposé dans ce projet de loi.

Procéder par paquet législatif permettait à la Commission européenne de diluer la polémique sur l’ouverture à la concurrence en avançant des propositions plus consensuelles en matière de sécurité et de règles techniques.

Nous, socialistes, n’avons pas été dupes de cette démarche sans garanties sérieuses en termes de péréquation et de préservation du service public ferroviaire ; nous nous sommes exprimés contre cette démarche de libéralisation sans fin, dont le seul objectif semble être la concurrence pour la concurrence.

Le débat sur la libéralisation du transport ferroviaire ne peut s’envisager au travers du seul débat tronqué et trompeur qui se réduit à une bataille de dates et d’échéances.

Or c’est ce que ce projet de loi semble nous faire croire. Curieusement, un certain nombre de dispositions, pourtant essentielles à la constitution d’un réseau ferré européen, ne sont pas transposées. C’est le cas, par exemple, de la directive sur le permis de conducteur de train européen, seul texte à portée sociale du secteur et élément essentiel du troisième paquet ferroviaire. De même, le cabotage n’est pas aussi encadré que la directive le permettait, avec la définition de critères stricts permettant de vérifier que l’objet principal est bien le transport international de voyageurs. Enfin, je regrette que les dispositions relatives à la péréquation énoncées dans la directive ne soient pas reprises dans le projet de loi.

Notre gouvernement aurait-il une lecture néolibérale des textes européens, pourtant déjà très marqués idéologiquement par l’ultralibéralisme ?

En outre, il paraît curieux et troublant que M. Haenel rende un rapport sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l’Union européenne concomitamment à l’examen du projet de loi. Un certain nombre de problèmes nationaux liés à la transposition des directives, décrits par M. Haenel, ne sont nullement traités dans le projet de loi qui nous est soumis : la séparation juridique entre Réseau ferré de France et la SNCF – mais l’imbrication fonctionnelle et sociale –, ou bien encore le problème lourd et récurrent de la dette de Réseau ferré de France. L’amendement que vous nous proposez et qui vise à créer un service spécialisé au sein de la SNCF n’est manifestement pas à la hauteur des enjeux.

Malgré son diagnostic, notre collègue Haenel ne propose pas d’adopter des dispositions de simplification et de remboursement de la dette de RFF. Ces mesures seraient pourtant urgentes et essentielles dans le cadre de cette nouvelle étape de libéralisation du transport ferroviaire ; elles ne figurent pas non plus dans ce projet de loi.

En revanche, M. Haenel propose très clairement la libéralisation du transport régional au travers de « l’expérimentation ». Comme j’ai eu l’occasion de le lui dire en commission des affaires européennes, il me paraîtrait utile, avant toute expérimentation, de faire une évaluation de ce qui a été fait depuis les expérimentations qu’il avait mises en place à la fin des années quatre-vingt-dix. Nous pourrions ainsi mesurer l’effort qui a été fait par les régions en matière de renouvellement des matériels roulants ? Cela permettrait également de mesurer ce qui se passe actuellement dans les régions où RFF négocie des contrats d’amélioration des réseaux ferrés, car il ne sert à rien d’avoir des matériels roulants performants si le réseau ne permet pas de les faire rouler rapidement !

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que ce projet de loi s’inscrit dans un contexte politique particulier. Il serait largement préférable de s’assurer d’une transposition équilibrée des directives, utilisant toutes les possibilités du droit communautaire sur la péréquation et la préservation du service public, et de corriger les dysfonctionnements présents, au lieu de s’attaquer, sans l’admettre, à la prochaine étape de la libéralisation, a fortiori par le biais d’un rapport d’information qui fausse un tant soit peu cette discussion.

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