Je souhaiterais attirer l'attention du Sénat sur le problème de la compétence du contrôleur pour des lieux situés hors du territoire de la République.
En effet, il faut bien mesurer que nous adoptons cette institution pour garantir les droits fondamentaux et pour nous mettre en conformité avec des engagements internationaux qui ont été évoqués, comme le protocole facultatif se rapportant à la convention des Nations unies contre la torture.
Or l'article 4 de ce protocole est formel :
« Chaque État Partie » - c'est nous - « autorise » - cela veut dire doit autoriser- « les mécanismes visés aux 2 et 3 » - c'est-à-dire le contrôleur - « à effectuer des visites, conformément au présent protocole, dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle » - ces termes ont été ajoutés - « où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l'ordre d'une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite », c'est-à-dire tout lieu de détention, quelle que soit la forme de cette détention, lorsqu'il y a exercice de la juridiction ou du contrôle.
Or il existe un cas d'une extraordinaire importance, c'est celui des opérations extérieures. Je n'évoquerai pas ici - ce serait vraiment malvenu s'agissant de la France et des forces françaises - ce qui se passe précisément dans certains lieux en Irak. Mais je tiens à souligner que des personnes civiles sont détenues, retenues, cantonnées dans des lieux de détention, parfois par centaines ou par milliers, sous le contrôle des forces françaises.
Il ne serait pas admissible que soient ainsi créées des sortes d'espaces réservés où les contrôles qui s'imposent ne seraient pas exercés, comme si l'on avait quelques doutes, à cet égard, sur des actes qui pourraient s'y commettre. Ce n'est pas concevable.
Il convient que l'autorité et le contrôleur général aient la possibilité de se rendre, par exemple, en Côte-d'Ivoire ou en Afghanistan, et qu'ils puissent, le cas échéant, se livrer sur place aux contrôles nécessaires. Ces visites sont non seulement prescrites par la convention, mais elles constituent notre devoir, dans l'intérêt majeur de ceux qui sont détenus et de ceux qui les détiennent. Il ne peut y avoir, dans ce domaine, de zone d'exception.
Il faut que nous puissions échapper à toute forme de soupçon, et nous n'y parviendrons pas si nous estimons que le contrôle est nécessaire uniquement sur le territoire de la République. Non, la convention internationale et le protocole facultatif s'y rapportant sont formels : il y va de l'intérêt majeur de ceux qui sont détenus ou retenus ainsi que des autorités et des forces françaises de toute nature.
On nous a opposés la question du financement ; je pense que notre éminent collègue M. Charasse aura l'occasion d'intervenir sur ce point. En matière de droits fondamentaux, de libertés publiques, de droit pénal, cela ne se fait pas depuis 1958. Alors, je serais vraiment navré que l'on dise que, hors du territoire de la République, les autorités de la République échappent à tout contrôle de ce contrôleur général.
Nous sommes en présence d'une question essentielle et, à cet égard, je souhaiterais que la position adoptée soit reconsidérée.